Je suis comme tout le monde ou presque, j’aimais beaucoup Belmondo.
Je suis comme tout le monde ou presque j’avais appris à aimer Halliday, il faut dire que c’était difficile de faire autrement après l’avoir vu trois fois en concert.
Pour l’un comme pour l’autre, les répliques, les chansons sont ancrées dans ma mémoire et celle-ci se trouve faire partie de ce qu’il convient d’appeler « mémoire collective ».
Pourtant, j’avoue être gêné lorsque je vois l’ampleur des hommages nationaux, avec prise de parole présidentielle, garde républicaine et décorum martial.
Le lieu des Invalides ne faisant que rajouter à cette gêne.
Mais au delà de la gêne qui m’est propre (ou pas) et que j’estime devoir gérer, je trouve que ces hommages répétitifs et solennels sont intéressants sur ce qu’ils disent du pays.
Ce que ces hommages répétitifs et solennels disent du pays
Nous voilà donc arrivés au point où l’émotion légitime provoquée par la disparition d’êtres chers mais n’étant pas intimes semble induire la nécessité de faire sens en déclenchant tout ce que la république peut mobiliser de pompe et de sommités, jusqu’au plus haut niveau.
Nous sommes quand même passés en quelques années de Malraux rendant hommage à Jean-Moulin devant le Panthéon et le Président De Gaulle tout ouïe à la mise en scène soignée bien que parfois gênante du Président de la République rendant hommage à nos amis et stars de la culture populaire.
Ce même Président officiant aussi pour commémorer les grands disparus, les victimes d’attentat… et la liste finira sûrement par s’allonger.
Ce lent glissement…
Mon propos ne vise pas d’ailleurs l’impétrant actuel du Palais de l’Élysée, le lent glissement a commencé avant lui. Il faut toutefois reconnaître à l’actuel locataire du Palais présidentiel une faculté hors norme à saisir l’occasion de vouloir raconter un roman national autour d’évènements symboliquement forts en émotion.
Cette faculté raconte-t-elle justement un roman national? Comment trouver une cohérence dans la succession d’hommages (qu’encore une fois je ne veux pas « délégitimer ») qui justement finit par ne plus en avoir d’évidente ?
Johnny, Bebel… ça parle à qui? Comment? Rajoutons-y Giscard d’Estaing, et Samuel Paty … Quelle est alors la notion de « mots justes » qu’il faut savoir trouver pour faire passer le message d’un pays qui se recueille et réagit à l’unisson? Quelle portée prend alors la parole du chef? Qui honorer réellement sans tomber dans une espèce de réflexe pavlovien qui brouille au final le sens voulu? Comment dès lors faire la distinction entre ce qui relève du sens profond donné à voir et à entendre et ce qui relève d’une stratégie de communication qui veut faire peuple mais prend le risque de surtout agacer celui-ci devant ce qu’il peut considérer comme un grand cirque, théâtre d’ombres inutile réservé en fin de compte à une « élite » et à des privilégiés qui s’accaparent même ces moments-là pour se rendre hommage.
La parole présidentielle est-elle indispensable partout? Tout le temps? En toute occasion ? La présence est déjà immense, mais la mobilisation d’une parole forte… forte en quoi justement ?
Avons-nous vraiment besoin d’un discours présidentiel pour savoir ce que ces hommes et femmes représentent pour chacun de nous ? Avons-nous vraiment besoin de la mobilisation des lieux chargés d’histoire pour rendre hommage à tel ou tel? Ne sommes nous plus capables de distinguer entre l’hommage à ceux qui tombent, victimes de guerres ou d’attentats, à ceux qui ont servi la République et à ceux qui font, certes avec un talent immense, leur métier et rien d’autre ?
Bien entendu, la visibilité, la notoriété et la carrière ne desservent pas la France, mais la question du juste niveau de l’hommage n’est pas pour autant insultante.
À force de multiplier les hommages de ce type, il serait bon de réfléchir et de nous demander si à la fin trop d’hommage ne finira pas par tuer le sens même de l’hommage.
© Jérôme Safar
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