Rarement la France n’a aussi été à droite, constate Maxime Tandonnet. Mais ses leaders s’enferrent dans le culte stérile du «moi-je» au lieu de s’engager à restaurer le débat d’idées et l’intérêt général comme fondements de la politique, déplore l’essayiste et historien .
La plupart des observateurs en conviennent: rarement dans l’histoire politique contemporaine, la France n’a été aussi à droite. Lors des élections municipales de 2020, Les Républicains obtenaient le meilleur score en termes de suffrages avec 33,71% des voix, contre 29,63% pour la gauche et 15, 98% pour le centre. Les régionales de 2021 ont largement confirmé cette prépondérance: LR a obtenu 29% des suffrages ; le Rassemblement national, 18% ; le Parti socialiste, 12% ; les Verts, 12% et La République en marche, 10 %.
Certes, ces résultats doivent être relativisés en raison du taux d’abstention élevé et du caractère local des élections qui favorise les sortants. Cependant, ils dénotent à l’évidence une tendance profonde du pays confortée par un sondage Ifop du 23 juillet 2020 selon lequel 39% des Français disent se situer à droite, 32% au centre et 13% à gauche.
Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, jamais le retour au pouvoir de la droite lors des élections de 2022 n’a semblé aussi incertain malgré sa suprématie sur le terrain. Selon les sondages, la droite se voit évincée – quel que soit le scénario – par le tandem de second tour Marine Le Pen – Emmanuel Macron (Tous les deux à 24% selon Ipsos), imperturbable depuis plus de quatre ans. Or, la glaciation de la scène politique nationale autour de ce duo porte le message lancinant d’une réélection quasi-assurée de l’actuel occupant de l’Élysée.
La droite se bat, non pour un projet de société à proposer aux Français, mais sur le mode de sélection de son candidat qui écrase toute autre considérationMaxime Tandonnet
Pire: la droite donne le sentiment de continuer à s’enfoncer dans la confusion. Les grandes manoeuvres sont lancées dans un indescriptible désordre. Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau viennent d’annoncer leur retrait mais Eric Ciotti est, lui, candidat à la primaire comme Valérie Pécresse, Philippe Juvin et Michel Barnier. C’est sans compter Xavier Bertrand, qui a décidé de se présenter sans passer par la primaire, primaire et l’éventuelle entrée en scène d’ Eric Zemmour, chroniqueur sur la chaîne de télévision CNews et chroniqueur au Figaro. À huit mois de la présidentielle, la droite se bat, non pour un projet de société à proposer aux Français, mais sur le mode de sélection de son candidat qui écrase toute autre considération.
Le mal de la droite, sa difficulté à transformer un sentiment populaire en perspective sérieuse de victoire électorale nationale, semble être avant tout d’ordre intellectuel, tenant à une sorte d’aveuglement ou de déconnexion quant aux attentes du pays.
Ses leaders n’ont visiblement toujours pas compris à quel point les querelles de personnes, batailles de chefs, les conflits d’ego internes à la droite et autres jeux d’écuries, à l’origine de toutes les défaites et de toutes les trahisons, étaient devenus insupportables aux Français.
Or, à huit mois du scrutin, la bagarre est d’ores et déjà enclenchée à l’image de la déclaration tonitruante d’une candidate revendiquant le monopole «des idées», évidemment contre tous les autres. Encore n’est-ce là qu’un début. Ce n’est sans doute pas un hasard si les deux plus attachés à la réflexion de fond, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, se sont retirés de la compétition.
Les femmes et les hommes de droite ont le tort immense de s’enferrer à leur tour dans le culte de la personnalité, le culte stérile du « moi-je » plutôt que de s’engager à restaurer le seul débat d’idées et l’intérêt général comme fondements de la politiqueMaxime Tandonnet
Obnubilé par «l’incarnation», nul à droite ne semble avoir pris la mesure de la lassitude des Français envers la dérive de la politique dans le narcissisme élyséen et la fuite dans la communication vaniteuse, après l’expérience des présidences «normale» puis «jupitérienne». À quoi sert la politique ? À quoi sert-il d’aller voter si ce n’est pour permettre à un individu prétendument supérieur de parader quotidiennement dans les médias ou sur le perron de l’Élysée ? Les femmes et les hommes de droite ont le tort immense de s’enferrer à leur tour dans le culte de la personnalité, le culte stérile du «moi-je» plutôt que de s’engager à restaurer le seul débat d’idées et l’intérêt général comme fondements de la politique.
Certes, les candidats de droite, en ordre dispersé, sont engagés dans une étrange course à la fermeté (parfois non sans démagogie stérile) en matière d’immigration. À cet égard, ils font le choix de répondre à une attente populaire évidente.
Mais sur tout le reste, ils s’ébattent dans le flou absolu, pariant sur leur séduction personnelle au détriment des questions de fond. Ils ont été absents dans les débats sur la défense des libertés, sur la mise en place des confinements, des couvre-feux et à l’obligation du passe sanitaire dans les actes de la vie quotidienne. La liberté n’est-elle pas l’un des fondamentaux de la droite ? De même, les candidats se montrent étrangement pusillanimes sur les grands enjeux économiques et sociaux de l’époque: le chômage qui touche 6 millions de personnes, la dette publique (120% du PIB), la pauvreté et l’exclusion, l’effondrement du niveau scolaire selon le classement Pisa, etc. Et enfin, sur la question fondamentale de l’avenir de la démocratie française.
On pourrait imaginer voir la droite, qui a tant de peine à trouver sa place sur le plan des idées, instruite par l’expérience et motivée par le bien commun du pays, se mobilise toute entière autour d’un projet collectif et s’engage à désigner au début de l’année 2022, par un commun accord de ses leaders, celui ou celle qui apparaîtra comme le mieux placé pour qu’elle gagne collectivement l’élection présidentielle, puis les législatives. À coup sûr, un tel engagement, responsable, serait de nature à ramener la confiance du pays. Mais il ne faut surtout pas rêver…
© Maxime Tandonnet
Fin observateur de la vie politique française et contributeur régulier du FigaroVox, Maxime Tandonnet a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019).
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