Georges Deek. « The best speech an Israeli diplomat ever held »

Discours de Georges Deek, arabe israélien  vice-ambassadeur israélien en Norvège, à Oslo, le 27 septembre 2014, pour le MIFF (mouvement norvégien « Avec Israël pour la Paix »). Retranscription en anglais disponible sur le site du MIFF, intitulée « The best speech an Israeli diplomat ever held« .

George Deek speaking at a MIFF-event in Oslo 27 September 2014.

« Quand je marche dans les rues de ma petite ville natale, Jaffa, souvent je me rappelle l’année 1948. Les ruelles de la vieille ville, les maisons du quartier Ajami, les filets de pêche dans le port – tous, ils semblent raconter des histoires différentes à propos de cette année qui a changé ma ville pour toujours.

L’une de ces histoires concerne une des plus anciennes familles de cette antique ville : la famille Deek, ma famille. Avant 1948, mon grand-père George, dont j’ai reçu le nom, travaillait comme électricien, à la Rotenberg Electricity Company. Il n’était pas très intéressé par la politique. Et comme Jaffa était une ville mixte, il avait naturellement des amis juifs. En fait, ses amis de la compagnie d’électricité lui apprirent même le yiddish, faisant de lui un des premiers arabes à avoir jamais parlé cette langue. En 1947, il se fiança à Vera – ma grand-mère – et ils envisagèrent de fonder une famille dans cette même cité où la famille Deek vit depuis environ 400 ans : Jaffa.

Mais quelques mois plus tard, leurs plans changèrent littéralement du jour au lendemain. Quand l’ONU approuva la création d’Israël, et que quelques mois plus tard, l’Etat d’Israël fut créé, les dirigeants arabes avertirent les arabes que les juifs avaient l’intention de les tuer s’ils restaient chez eux, et utilisèrent le massacre de Deir Yassin en exemple. Ils dirent à tout le monde : « Laissez vos maisons, et fuyez ». Ils promirent qu’il leur suffirait de quelques jours pour, avec cinq armées, détruire l’Israël nouveau-né. Ma famille, horrifiée par ce qui pourrait arriver, décida de fuir, avec la plupart des autres.

Un prêtre fut amené chez la famille Deek, où il maria George et Vera, mes grands-parents, dans la maison, en hâte. Ma grand-mère n’eut même pas la chance de revêtir une robe correcte. Après leur mariage express, toute la famille commença à fuir au nord, vers le Liban. Mais quand la guerre fut terminée, les arabes avaient échoué à détruire Israël. Ma famille était de l’autre côté de la frontière, et il semblait que le sort des frères et sœurs de la famille Deek serait d’être dispersés dans le monde entier. Aujourd’hui, j’ai des proches en Jordanie, en Syrie, au Liban, à Dubaï, au Royaume-Uni, au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, et ailleurs.

L’histoire de ma famille est juste une histoire, et probablement pas la pire, parmi les nombreuses histoires tragiques de l’année 1948. Et pour être franc, il n’est nul besoin d’être un anti-israélien pour reconnaître cette catastrophe humanitaire pour les palestiniens survenue en 1948 et que l’on nomme la Nakba. Le fait que je doive communiquer par Skype avec ma famille, au Canada, ne parlant pas l’arabe, ou avec un cousin, dans un pays arabe dont il n’a toujours pas la citoyenneté, et ce en dépit du fait qu’il soit de la troisième génération – est un vivant témoignage sur les conséquences tragiques de la guerre. Selon l’ONU, 711.000 palestiniens furent déplacés. Nous l’avons déjà entendu : certains ont fui quand d’autres ont été expulsés de force. Dans le même temps, en raison de la création d’Israël, 800.000 juifs ont été poussés à quitter le monde arabe, le laissant globalement vide de juifs. Comme nous l’avons déjà entendu, les atrocités des deux côtés ne furent pas rares.

Mais il semble que ce conflit n’ait pas été le seul, au cours du XIXème et du XXème siècle, qui ait conduit à des expulsions et des transferts. De 1821 à 1922, 5 millions de musulmans furent expulsés d’Europe, principalement vers la Turquie. Dans les années 90, la Yougoslavie explosa, causant 100.000 morts et environ 3 millions de déplacés. De 1919 à 1949, durant l’opération Vistule entre la Pologne et l’Ukraine, 150.000 personnes moururent et 1,5 million furent déplacées. Après la Seconde Guerre mondiale et la convention de Potsdam, entre 12 et 17 millions d’allemands furent déplacées. A l’occasion de la création de l’Inde et du Pakistan, environ 15 millions de personnes furent transférées. La tendance existe aussi au Moyen-Orient. Par exemple, le déplacement des 1,1 millions de kurdes par les ottomans, les 2,2 millions de chrétiens expulsés d’Irak. Et ceux dont nous parlons aujourd’hui : les yézidis, les bahai, les kurdes, les chrétiens et même les musulmans sont tués et expulsés à raison de 1000 personnes par mois, suite à la montée de l’islam radical. Les chances pour l’un de ces groupes de retourner chez eux sont presque inexistantes.

Alors, pourquoi est-ce comme cela ? Pourquoi est-ce que les tragédies des serbes, des musulmans européens, des réfugiés polonais ou des chrétiens irakiens ne sont pas commémoré ? Comment se fait-il que le déplacement des juifs du monde arabe ait été complètement oublié, tandis que la tragédie des palestiniens, la Nakba, est toujours en vivante dans la politique actuelle ? Il me semble que c’est ainsi parce que la Nakba, de catastrophe humanitaire, a été transformée en offensive politique. La commémoration de la Nakba ne consiste plus dans le souvenir de ce qui s’est passé, mais uniquement dans le ressentiment quant à l’existence de l’Etat d’Israël. Cela est clairement démontré dans le choix de la date pour la commémoration : le jour de la Nakba n’est pas le 9 avril, jour du massacre de Deir Yassin, ni le 13 juillet, jour de l’expulsion de Lod. Le jour de la Nakba a été institué le 15 mai : le lendemain du jour où Israël proclama son indépendance. Ainsi, la direction palestinienne a déclaré que la catastrophe de la Nakba n’était pas l’expulsion, les villages abandonnés ou l’exil. La Nakba, à leurs yeux, est la création d’Israël. Ils sont attristés moins par la catastrophe humanitaire qui a frappé les palestiniens que par la naissance de l’état juif. En d’autres termes, ils ne pleurent pas le fait que mes cousins soient jordaniens, ils pleurent le fait que je sois un israélien. En faisant cela, les palestiniens sont devenus esclaves du passé, retenu captif par les chaînes de ressentiment, prisonniers d’un monde de frustration et de haine.

Mais les amis, la simple vérité est pourtant évidente  : pour ne pas être réduit à la tristesse et l’amertume, nous devons regarder vers l’avant. Pour le dire plus clairement : pour réparer le passé, vous devez d’abord assurer l’avenir. C’est là quelque chose que j’ai appris de mon professeur de musique, Avraham Nov. Quand j’avais 7 ans, je faisais partie d’une fanfare de la communauté arabo-chrétienne, à Jaffa. C’est là que j’ai rencontré Avraham, mon professeur de musique, qui plus tard m’apprit à jouer de la flûte, et plus tard, de la clarinette. J’étais bon. Avraham est un survivant de l’holocauste, et toute sa famille a été assassinée par les nazis. Il est le seul qui réussit à survivre, juste parce qu’un officier nazi le trouva doué pour l’harmonica, et le pris alors chez lui, durant la guerre, pour divertir ses invités. Quand la guerre fut terminée, il se retrouva seul. Il aurait pu facilement s’asseoir et pleurer, et pleurer encore sur le plus grand crime de l’homme contre l’homme commis dans l’histoire, et sur le fait qu’il se retrouvait seul. Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Il regarda en avant, et non en arrière. Il choisit la vie, non la mort ; l’espoir, plutôt que le désespoir. Avraham vint en Israël, se maria, fonda une famille, et il commença à enseigner ce qui lui avait sauvé la vie : la musique. Il devint ainsi le professeur de musique de centaines et de milliers d’enfants partout dans le pays. Et quand il vit la tension entre arabes et juifs, ce survivant de l’Holocauste décida d’enseigner l’espoir par la musique à des centaines d’enfants arabes comme moi.

Les survivants de l’Holocauste comme Avraham sont parmi les personnes les plus extraordinaires que vous pourrez trouver. J’ai toujours été curieux de comprendre comment ils avaient pu survivre, en ayant connu ce qu’ils avaient connu, en ayant vu ce qu’ils avaient vu. Mais durant les 15 années où j’ai connu Avraham, étant son élève, il ne m’a jamais parlé de son passé. Sauf une fois, quand j’ai demandé à savoir. Ce que je suis venu à réaliser, c’est qu’Avraham n’était pas le seul, et que de nombreux survivants de l’Holocauste n’ont pas parlé de ces années, de l’holocauste, même à leurs familles, parfois pendant des décennies, voire toute leur vie. C’est seulement quand ils ont acquis la certitude d’être en droit de regarder en direction du passé. Seulement quand ils ont construit un moment d’espoir, ils se sont permis de se rappeler les jours de désespoir. Ils ont construit l’avenir dans leur ancienne-nouvelle demeure : l’Etat d’Israël. Et à l’ombre de leur plus grande tragédie, les juifs furent en mesure de construire un pays qui domine dans le monde de la médecine, de l’agriculture et de la technologie. Pourquoi ? Parce qu’ils ont regardé vers l’avant.

Amis, ceci est une leçon à tous les pays qui souhaitent surmonter une tragédie, y compris les palestiniens. Si les palestiniens veulent racheter le passé, ils doivent d’abord se concentrer sur la sécurisation de l’avenir, sur la construction d’un monde tel qu’il devrait être, tel que nos enfants méritent qu’il soit. Et la première étape dans cette direction, sans aucun doute, est de mettre fin au traitement honteux des réfugiés palestiniens. Dans le monde arabe, les réfugiés palestiniens, y compris leurs enfants, leurs petits-enfants et même leurs petits-petits-enfants, ne sont toujours pas établis, agressivement discriminés, et dans la plupart des cas, on leur dénie la citoyenneté et les droits humains les plus élémentaires.

Pourquoi est-ce que mes parents au Canada sont des citoyens canadiens, alors que mes parents en Syrie, au Liban ou les pays du Golfe – qui y sont nés et ne connaissent pas d’autre foyer – sont encore considérés comme des réfugiés ? De toute évidence, le traitement des palestiniens dans les pays arabes est la plus grande oppression qu’ils aient expérimenté. Et les collaborateurs de ce crime ne sont autres que la communauté internationale et les Nations Unies. Plutôt que de faire son travail et d’aider les réfugiés à se construire une vie, la communauté internationale alimente le récit victimaire. Bien qu’il y ait une agence de l’ONU en charge de tous les réfugiés dans le monde, l’UNHCR [ndt. Agence des Nations Unies pour les réfugiés], un autre organisme a été créé pour s’occuper uniquement du cas des palestiniens : l’UNRWA [ndt. Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient]. Ce n’est pas une coïncidence si, tandis que l’objectif de l’UNHCR est d’aider les réfugiés à établir une nouvelle maison, de bâtir un avenir et de mettre fin à leur statut de réfugiés, l’objectif de l’UNRWA est à l’opposé, de préserver leur statut de réfugiés, et de les empêcher d’être en mesure de commencer une nouvelle vie. La communauté internationale ne peut pas espérer sérieusement résoudre le problème des réfugiés quand elle collabore avec le monde arabe, en traitant les réfugiés comme des pions politiques, en leur refusant les droits humains les plus élémentaires.

Partout où les réfugiés palestiniens ont obtenu l’égalité des droits, ils ont prospéré et ont contribué à leur société : en Amérique du Sud, aux États-Unis, et même en Israël. De fait, Israël a été l’un des rares pays a donner automatiquement la pleine citoyenneté et l’égalité pour tous les palestiniens qui y étaient après 1948. Et nous voyons les résultats : malgré tous les défis, les citoyens arabes d’Israël ont construit un avenir. Les arabes israéliens sont les arabes les plus instruits dans le monde, avec les meilleurs conditions de vie et les meilleures opportunités dans la région. Des arabes officient à la Cour suprême ; certains des meilleurs médecins en Israël sont arabes, travaillant dans presque tous les hôpitaux du pays ; il y a 13 membres arabes du parlement, qui ont le droit de critiquer le gouvernement – un droit qu’ils épuisent au maximum – protégés par la liberté d’expression ; des arabes gagnent de populaires reality shows ; vous pouvez même trouver des diplomates arabes. Et l’un d’eux est debout en face de vous.

Aujourd’hui, quand je marche dans les rues de Jaffa, je vois les vieux bâtiments et le vieux port. Mais je vois aussi les jeunes qui vont à l’école ou à l’université ; je vois des entreprises florissantes ; et je vois une culture vivante. Bref, malgré le fait que nous ayons encore une longue route devant nous en tant que minorité, nous avons un avenir en Israël.

Ceci m’amène à mon point suivant. Le temps est venu de mettre un terme à la culture de la haine et de la provocation. Parce que l’antisémitisme, je crois, est une menace pour les musulmans et les chrétiens, autant que pour les Juifs. Je suis arrivé en Norvège il y a un peu plus de deux ans, et ici ça a été la première fois que j’ai interagit avec des juifs en tant que communauté minoritaire. En général, je suis habitué à les voir comme une majorité. Et je dois dire, cela me semble très familier. J’ai grandit dans un environnement similaire, dans la communauté chrétienne arabe à Jaffa. Je faisais partie des chrétiens orthodoxes, qui font partie de la communauté chrétienne, qui font partie de la minorité arabe, dans l’état juif d’Israël, dans le Moyen-Orient musulman. C’est comme ces poupées russes : vous en ouvrez une grande et il y en a une plus petite à l’intérieur. Je suis la plus petite pièce. Pour un juif en Norvège comme pour un arabe en Israël, être une minorité signifie que vous faites toujours partie d’une petite communauté où tout le monde se soucie de l’autre et où l’on se soutient les uns les autres. C’est beau de savoir que, quoiqu’il arrive, vous avez toujours une communauté qui se soucie de vous. Faire partie d’une communauté minoritaire a été une bénédiction tout au long de ma vie.

Mais les amis, la vie d’une minorité est aussi une vie de lutte constante pour un traitement équitable. Parfois vous êtes victimes, et même victimes de crimes motivés par la haine. Même dans une démocratie comme Israël, être une minorité arabe n’est pas toujours facile. Il y a un peu plus d’un an, un groupe de brutes à petit prix est entré dans le cimetière chrétien arabe à Jaffa, et a profané les tombes à coup d’inscriptions « Mort aux Arabes ». L’une de ces tombes était celle de mon père.

Être une minorité, mes amis, est un défi n’importe où, parce qu’être une minorité signifie être différent. Or aucune nation n’a jamais payé un prix aussi lourd, d’être une minorité, d’être différent, que le peuple juif. L’histoire du peuple juif a ajouté beaucoup de mots au vocabulaire humain : des mots comme expulsion, conversion forcée, inquisition, ghetto, pogrom, pour ne pas mentionner le mot holocauste. Le rabbin Lord Jonathan Sacks explique avec précision comment les juifs ont souffert à travers les âges parce qu’ils étaient différents, parce qu’ils étaient la minorité non chrétienne la plus importante en Europe, et aujourd’hui, la minorité non-musulmane la plus importante au Moyen-Orient.

Mais les amis, en fait – ne sommes-nous pas tous différents ? La vérité c’est que : être différent est ce qui nous rend humain. Chaque personne, chaque culture, chaque religion est unique, et donc irremplaçable. Et en Europe, ou au Moyen-Orient, qui n’a pas de place pour les juifs, n’a pas de place pour l’humanité.

Amis, n’oublions pas. L’antisémitisme commence avec les juifs, mais il ne finit jamais avec les juifs. Les juifs ne furent pas les seuls à être convertis de force sous l’inquisition ; Hitler a fait en sorte que les gitans et les homosexuels, entre autres, souffrent aux côtés des Juifs ; et ce qui se passe aujourd’hui, au Moyen-Orient cette fois. Le monde arabe semble avoir oublié que ses plus grands jours dans les 1400 dernières années furent ceux où il a fait preuve de tolérance et d’ouverture envers ceux qui sont différents. Le génial mathématicien Ibn Musa el-Khawazmi était ouzbek. Le grand philosophe Roumi était perse. Le glorieux chef Saladin était kurde. Le fondateur du nationalisme arabe est Michel Aflaq, un chrétien. Et celui qui a apporté la redécouverte islamique de Platon et d’Aristote au reste du monde n’est autre que Maïmonide, un Juif.

Mais au lieu de revivre l’approche réussie de la tolérance, on enseigne à la jeunesse arabe à haïr les Juifs, en utilisant la rhétorique antisémite de l’Europe médiévale, mêlée au radicalisme islamique. Et encore une fois, ce qui a commencé comme hostilité envers les juifs est devenu hostilité envers quiconque est différent. La semaine dernière, plus de 60.000 kurdes ont fui la Syrie vers la Turquie, craignant d’être abattus. Le même jour, 15 palestiniens de Gaza se sont noyés dans la mer en essayant d’échapper aux griffes du Hamas. Bahai et yézidis sont en danger. Et au sommet de tout cela, le nettoyage ethnique des chrétiens au Moyen-Orient est le plus grand crime contre l’humanité du XXIème siècle. En seulement deux décennies, le nombre des chrétiens comme moi a été réduits de 20% de la population du Moyen-Orient à seulement 4% aujourd’hui. Et quand on voit que les principales victimes de la violence islamiste sont les musulmans, cela devient clair pour tout le monde : à la fin du jour, la haine détruit celui qui hait.

Ainsi les amis, si nous voulons réussir à protéger notre droit à la différence, si nous voulons avoir un avenir dans cette région, je crois que nous devrions rester ensemble, juifs, musulmans et chrétiens. Nous allons nous battre pour le droit des chrétiens du monde entier à vivre leur foi sans crainte, avec la même passion avec laquelle nous allons nous battre pour le droit des juifs de vivre sans crainte. Nous allons nous battre contre l’islamophobie. Mais nous avons besoin que nos partenaires musulmans se joignent à la lutte contre la christianophobie et la judéophobie. Parce que ce qui est en jeu, c’est notre humanité commune. Je sais que cela peut sembler naïf, mais je crois que c’est possible. Et la seule chose qui demeure entre nous et un monde plus tolérant, c’est la peur. Quand le monde change, les gens commencent à s’inquiéter de ce que l’avenir réserve. Cette peur fait que les gens se replient dans une position passive de victimes, rejetant la réalité, et recherchent quelqu’un à blâmer d’être derrière tout cela. Cela est vrai aujourd’hui autant que cela était vrai en 1948.

Le monde arabe peut surmonter cet état d’esprit, mais il faut avoir le courage de penser et d’agir différemment. Ce changement exige que les arabes se rendent compte qu’ils ne sont pas des victimes impuissantes. Cela exige qu’ils s’ouvrent à l’auto-critique, et qu’ils se sentent eux-mêmes responsables. Jusqu’à ce jour, pas un seul livre d’histoire dans le monde arabe n’interroge l’erreur historique du rejet de la création d’un état juif. Aucun universitaire arabe de premier plan n’est venu dire que si les arabes avaient accepté l’idée d’un état juif, il y aurait déjà deux états, il n’y aurait pas eu de guerre, et il n’y aurait pas de problème de réfugiés.

Je vois des Israéliens comme Benny Morris, qui est avec nous aujourd’hui, qui osent remettre en cause les discours de leur leaders en Israël, en prenant des risques personnels dans la quête d’une vérité qui n’est pas toujours confortable pour leur peuple. Mais je ne parviens pas à trouver leurs équivalents arabes. Je n’arrive pas à voir un débat, questionnant la sagesse de la conduite destructrice du Mufti de Jérusalem Hadj Amin al-Hussaini, ou la guerre inutile lancée par la Ligue Arabe en 1948, ou l’une des guerres contre Israël, dans les années qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui. Et je n’arrive pas à voir d’autocritique dans le courant dominant palestinien aujourd’hui sur l’utilisation du terrorisme, le lancement de la deuxième Intifada, ou le rejet d’au moins deux propositions israéliennes ces quinze dernières années pour mettre fin au conflit. L’auto-critique n’est pas une faiblesse, c’est est un signe de force. Cela renforce notre capacité à surmonter la peur et à affronter la réalité. Cela nous demande de regarder sincèrement nos décisions, et d’en assumer la responsabilité.

Seuls les arabes peuvent changer, eux-mêmes, leur réalité : en cessant d’enseigner les théories du complot et de blâmer les puissances extérieures, l’Amérique, les juifs, l’occident ou quiconque, pour tous les problèmes ; en apprenant des erreurs du passé, et en prenant des décisions plus sages à l’avenir.

Il y a deux jours, le président américain Barack Obama se tenait à la tribune des Nations Unies devant l’Assemblée générale et a déclaré : « Le devoir de rejeter le sectarisme et l’extrémisme est un devoir générationnel, un devoir pour les peuples du Moyen-Orient eux-mêmes. Aucun pouvoir externe ne peut amener une transformation des cœurs et des esprits« .

Dernièrement, j’ai lu un article très intéressant de Lord Sacks sur la rivalité entre les frères dans la bible. Il ya quatre histoires de frères ennemis dans le livre de la Genèse : Caïn et Abel, Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères. Chaque histoire se termine différemment. Dans le cas de Caïn et Abel, Abel est mort. Dans le cas d’Isaac et Ismaël, ils sont debout ensemble sur la tombe de leur père. Dans le cas de Jacob et Esaü, ils se rencontrent, s’embrassent et repartent sur des chemins différents. Mais le cas de Joseph se termine différemment. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire, Joseph était le onzième des douze fils de Jacob, et le premier-né de Rachel, dans le pays de Canaan. À un moment, à cause de leur jalousie, ses frères décident de le vendre en esclavage. Malgré cela, après un certain temps, Joseph s’éleva jusqu’à devenir le deuxième homme le plus puissant en Egypte, après Pharaon. Lorsque la famine frappéa Canaan, le père de Joseph, Jacob, et les frères de Joseph vinrent en Egypte. Et là, au lieu de les punir pour ce qu’ils avaient fait pour lui, Joseph décida de pardonner à ses frères. Ce fut le premier événement de pardon et de réconciliation rapporté dans la littérature. Joseph procura à ses frères tout ce dont ils avaient besoin. Ceux-ci prospérèrent, crûrent en nombre, et devinrent une grande nation. A la fin de l’histoire, Joseph dit à ses frères: « Le mal que vous vouliez me faire, Dieu l’a changé en bien, pour que s’accomplisse ce qui se qui arrive maintenant : le salut de nombreuses vies. » En cela, il voulait dire que par nos actes du présent, nous pouvons façonner l’avenir, et par là, racheter le passé.

Juifs et palestiniens, nous ne pourrions pas être frères dans la foi, mais nous sommes certainement frères de destin. Et je crois, exactement comme dans l’histoire de Joseph, qu’en faisant les bons choix, en choisissant de se concentrer sur l’avenir, nous pouvons racheter notre passé. Les ennemis d’hier peuvent être les amis de demain. C’est arrivé entre Israël et l’Allemagne, entre Israël et l’Egypte, entre Israël et la Jordanie. Il est temps de commencer à produire une lueur d’espoir dans les relations entre israéliens et palestiniens, afin que nous puissions mettre un terme à la répétition des vieux griefs, et nous concentrer sur notre avenir et les formidables possibilités qu’il porte pour nous tous, si seulement nous osons.

Je ne vous ai pas encore raconté la fin de l’histoire de ma famille en 1948. Après un long voyage vers le Liban, la plus grande partie à pied, mes grands-parents George et Vera atteignirent le Liban. Ils y restèrent de nombreux mois. C’est là que ma grand-mère a donné naissance à son premier fils, mon oncle Sami. Quand la guerre s’acheva, ils réalisèrent qu’on leur avait menti : les arabes n’avaient pas gagné la guerre, comme promis. Et dans le même temps, les juifs ne tuaient pas tous les arabes, comme on leur avait dit que cela arriverait. Mon grand-père regarda autour de lui et ne vit rien d’autre qu’une vie sans issue en tant que réfugiés. Il regarda sa jeune épouse Vera, d’à peine 18 ans, et son fils nouveau-né, et il sut que dans un lieu coincé dans le passé, sans possibilité de regarder en avant, il n’y aurait pas d’avenir pour sa famille. Alors que ses frères et soeurs avaient vu leur avenir au Liban ou dans d’autres pays arabes ou occidentaux, lui pensait autrement. Il voulait retourner à Jaffa, sa ville natale. Parce qu’il avait travaillé avec des juifs par le passé, et avait été de leurs amis, il n’avait pas subit le lavage de cerveau de la haine. Mon grand-père George a fait ce que peu d’autres auraient osé : il a rejoint ceux que sa communauté considérait comme leurs ennemis. Il reçut le soutien de l’un de ses vieux amis de la compagnie d’électricité, et lui demanda son aide pour rentrer. Cet ami, dont j’ai entendu parler à travers les récits de mon père, mais dont je n’ai jamais connu le nom, avait été non seulement capable et disposé à aider mon grand-père à revenir, mais dans un acte extraordinaire de la grâce, il l’aida même à reprendre son ancien poste, dans ce qui était devenu la compagnie d’électricité israélienne, faisant de lui l’un des rares arabes à y travailler. Aujourd’hui, parmi mes frères et sœurs, cousins et cousines, nous avons des comptables, des enseignants, des agents d’assurance, des ingénieurs hightech, des diplomates, des directeurs d’usine, des professeurs d’université, des médecins, des avocats, des consultants en investissements, des gestionnaires des plus grandes sociétés israéliennes, des architectes et même des électriciens.

La raison pour laquelle ma famille a réussi dans la vie, la raison pour laquelle je suis ici en tant que diplomate israélien, et non pas comme un réfugié palestinien du Liban, c’est parce que mon grand-père a eu le courage de prendre une décision qui était impensable pour les autres. Plutôt que de sombrer dans le désespoir, il a trouvé l’espoir là où personne n’a osé chercher ; il a choisi de vivre parmi ceux qui étaient considérés comme ses ennemis, et de s’en faire des amis. Pour cela, ma famille et moi lui devons, à lui et à ma grand-mère, une éternelle gratitude.

L’histoire de la famille Deek devrait servir de source d’inspiration pour le peuple palestinien. Nous ne pouvons pas changer le passé. Mais nous pouvons assurer un avenir pour nos générations futures, si nous voulons réparer le passé un jour. Nous pouvons aider les réfugiés palestiniens à avoir une vie normale. Nous pouvons être lucides au sujet de notre passé, et apprendre de nos erreurs. Et nous pouvons nous unir, musulmans, juifs et chrétiens, pour protéger notre droit à la différence, et par là préserver notre humanité. En effet, nous ne pouvons pas changer le passé, mais si nous faisons tout cela, nous allons changer l’avenir.

Merci ».

© Georges Deek

George Deek est un diplomate arabo-israélien. En 2018, Deek a été nommé ambassadeur d’Israël en Azerbaïdjan. Il est le premier chrétien arabe israélien à devenir ambassadeur.

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2 Comments

  1. arabe chrétien israélien, il va sans dire. pro-nakba, pas pro israel-juif, bien entendu. c’est pourquoi il officie en scandinavie.

    purée, comment on se désinscrit de vos lettre d’infos ? j’ai beau cliquer sur unsubscribe, je reçois toujours vos notifications, et plus ça va, moins ça va, avec vos articles.

    on dirait un site de news tenu par une bande d’ados parisiens juifs très bien lotis qui ne comprennent rien du tout à la réalité juive ou israélienne du monde réel.

    et s’il te plait, l’ami, arrête de commencer tous tes paragraphes par « ami », je ne suis pas ton frère, on n’a pas trait les vaches ensemble, comme on dit chez les chrétiens d’europe et de scandinavie, et la plupart de ton peuple s’identifie plus aux arabes qu’aux juifs, alors pas la peine de faire tes discours à la con

    « diplomate arabo-israélien »… pfff. pauvre idiot. T’es israélien, ou tu l’es pas, pas besoin de préciser ta put*ain d’affiliation ethno-raciale ou religieuse. Pourquoi tu précises pas « arabo-chrétiano-israélien », tant que t’y es. Ça collerait plus à la réalité. Après, tu te sens plus arabe, plus proche des musulmans, c’est normal, c’est comme tous les arabes chrétiens d’israel… mais dans ce cas faut annoncer la couleur. Pas avancer masqué.

    franchement, ce nouveau gouvernement, c’est le début de la fin d’israël. Hashem, pardonne les, ils ne savent pas ce qu’ils font (comme disent les chrétiens)

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