Jean Mizrahi. Une période instable

Jean Mizrahi

Le gouvernement a très certainement commis une grande erreur, et ce à plusieurs titres, en voulant imposer le pass sanitaire en France. Quand je ne marche pas en montagne ces jours de congés, je navigue pour lire les conversations sur le pass et les vaccins COVID.

Mes publications récentes ont créé un peu de remous – plus que ce dont j’ai l’habitude – et je mesure à la lecture de toutes les conversations qui se développent le hiatus qui est en train de s’instaurer dans la société française, avec une violence que je trouve préoccupante.

Je vois d’un côté un public plutôt instruit, parfois très instruit, bourgeois, intellectuel, installé, presque toujours favorable au pass et à la vaccination. Le pass est pour ce public comme une évidence. Il témoigne un mépris, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un mépris de classe, un dédain confortable à l’encontre de tous ceux qui contestent le pass, tous ceux qui soulèvent des questions de principe sur la vaccination tous azimuts. Pour ce public, les manifestants qui parcourent les rues chaque samedi depuis six semaines sont des « ignorants », des « incultes », des « complotistes », etc.

De l’autre côté je vois un public très bigarré, avec une forte dominante populaire, mais pas uniquement, avec une composante non négligeable de personnes travaillant dans le secteur de la santé (je suis même contacté par des médecins qui me disent ne pas pouvoir exprimer ce qu’ils pensent de peur des sanctions de la part de l’Ordre…). Contrairement à la vision de classe mentionnée plus haut, c’est un public qui s’informe beaucoup, pas toujours aux meilleures sources, mais certains dénichent des informations de très grande qualité, et notamment des informations en langue anglaise qui donne une bonne vision de ce qui se passe en dehors de l’hexagone.

Cela rejoint cet article sur une étude du MIT qui laisserait penser qu’aux Etats-Unis les personnes méfiantes vis à vis des vaccins COVID sont en réalité bien informées et plutôt compétentes (https://pjmedia.com/…/mit-study-vaccine-hesitancy-is… – merci Bruna).

Je m’amuse de ne pas faire partie du premier public alors que j’en ai les stigmates : ancien haut fonctionnaire, issu du système éducatif sélectif, et chef d’entreprise(s). Je dois remercier mes ascendants communistes pour m’avoir apporté une autre manière de regarder les choses…

Il ne semble pas y avoir de juste milieu entre ces deux publics, un véritable fossé s’est creusé, et les échanges sont le plus souvent des dialogues de sourds: aux arguments, répondent des diatribes, des accusations, des insultes plus ou moins voilées. Il est très difficile de tenter un échange structuré, le dialogue dérape vite. Les insultes fusent des deux côtés, la société semble se diviser comme elle l’a rarement fait dans le passé sur des sujets très sensibles.

Ce n’est pas surprenant: le gouvernement et les médias ont matraqué la population française depuis dix-huit mois avec toutes sortes d’informations inquiétantes (l’égrenage des morts en mars – mai 2020 par exemple, une mise en scène stupéfiante), l’actualité a été purement et simplement monopolisée par le COVID, si bien que les cerveaux sont comme chamboulés, je le vois chez certaines personnes proches de moi dont le comportement a changé, et dont on dirait qu’il est marqué par une sorte de stress post-traumatique. Je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises: le décalage entre la réalité de cette épidémie, proche d’une méchante grippe (je préfère préempter les remarques à ce sujet, référez vous à mon étude sur la question:https://www.facebook.com/jean.mizrahi/posts/10161256504104899), et le retentissement au sein de notre société, est tout à fait impressionnant.

0,16% de la population française est décédée à un âge moyen de 81 ans, et nous vivons comme si une sorte de peste moderne avait décimé la moitié de la population.

Pour qui a lu les grands ouvrages d’historiens sur les épidémies en France, il y a là de quoi questionner l’état mental de notre société, et les calculs politiques des gouvernements de ce monde.

En dépit de ce décalage manifeste qui devrait tous nous conduire à un haussement d’épaule, des mesures inédites ont été prises, comme l’enfermement forcé de la population, et des mesures discriminatoires, qui auraient été inimaginables il y a seulement deux ans, et qui ont été approuvées sans un haussement de sourcil par un Conseil Constitutionnel sensé protéger l’égalité des citoyens et leur liberté.

Une grande secousse a mis la société en tension, elle a créé des déséquilibres, et le fossé qui se creuse en est la conséquence.

Je ne doute pas que notre président et son gouvernement aient quelques arrière-pensées en mettant en place des mesures aussi objectivement inacceptables: j’avais de manière lapidaire évoqué le sujet au lendemain de la conférence de presse de Macron mi-juillet: le calcul politique semble gagnant sur le papier:

1. Une population adulte déjà fortement vaccinée à mi-juillet (plus de 50% avec au moins une dose à ce moment là) avec les produits disponibles, aucun n’ayant achevé sa phase 3 de mise sur le marché. Cette population était naturellement acquise – même mollement – avant la mise ne place de mesures coercitives ; toute inquiétude sur les risques éventuels du vaccin ne peut que ramener cette population dans le camp des « pro-vaccin » : comment supporter l’idée qu’on aurait pu se tromper à se faire vacciner et ainsi encourir un risque caché ? Psychologiquement insoutenable, une personne vaccinée est naturellement tentée de défendre bec et ongles une politique de vaccination tous azimuts.

2. Une population qui vieillit et donc que la peur touche plus facilement que les jeunes. Macron caresse cette population dans le sens du poil en espérant acquérir son vote aux présidentielles de 2022 : une politique agressive en matière de vaccination ne peut que rassurer les plus âgés.

3. Les résistants à cette politique étant minoritaires, et plutôt issus de milieux populaires moins tentés par le vote Macron, les envoyer dans les cordes ne peut être qu’un calcul de rassemblement du vote « installé ».

Plus la provocation à l’égard des opposants au pass sera ouverte (notamment par des petites phrases objectivement lamentables qui se multiplient au niveau gouvernemental), plus les réactions seront vives, voire violentes, et plus Macron pourra espérer rassembler le vote centriste de gauche comme de droite. On a d’ailleurs bien remarqué que les leaders de l’ancienne gauche (PS, écolos) et de l’ancienne droite (LR) sont aux abonnés absents: difficile d’approuver quelqu’un qu’on espère combattre aux prochaines élections, et difficile d’apparaître comme allant contre une politique apparemment protectrice du ventre mou de ce pays. Ils ont abdiqué leurs responsabilités. Ils ne travaillent pas.

Le gouvernement fait un calcul politique, il ne conduit pas une stratégie sanitaire, et je suis fasciné de voir à quel point toutes ces personnes tellement instruites que je lis peuvent ainsi être aveugles sur la pièce qui se joue. Ils en sont les acteurs passifs et consentants, ils acceptent d’être manipulés avec une satisfaction toute bourgeoise. Le pass sanitaire ne sert à rien, il est incohérent et donc inopérant (https://www.facebook.com/jean.mizrahi/posts/10161247857699899), et la vaccination de tous est devenue une stratégie obsolète (https://www.facebook.com/jean.mizrahi/posts/10161296754084899), mais chacun de considérer que c’est ce qu’il faut faire, avec une incapacité à prendre de la distance et se poser des questions.

Surtout ne pas mettre en cause l’ordre établi et le discours ambiant.

Au total, je crois que nous vivons une époque instable et dangereuse. Les personnes qui défilent chaque samedi ne sont pas des antivax (même s’il y en a, de façon très minoritaire), ce sont des gens que la méthode gouvernementale a jetés dans la révolte. Mais voilà qu’ils sont abandonnés par les partis d’opposition du centre (PS, écolos, LR) qui laissent ainsi le champ libre à certaines formations aux extrêmes qui tentent comme elles peuvent de récupérer ce mouvement.

Il ne faut pas se tromper, ce mouvement est robuste car il s’agit de la santé des gens, et comme je l’écrivais plus haut, tous ces manifestants échangent des informations souvent de qualité, et réfléchissent plus que les bourgeois satisfaits d’être endormis par le gouvernement et les grands médias.

Il y a beaucoup de fausses informations qui circulent et qui contribuent à une sorte de fumée, mais il s’y échange aussi de la substance véritable. La vigueur de ces manifestations dit quelque chose, les chiffres avancés par le gouvernement (Ministère de l’Intérieur) étant peu crédibles: 175.000 à 200.000 manifestants quand des actions – chose assez unique – se déploient dans près de 250 villes, ce n’est pas sérieux, cela donne une moyenne de moins de 1.000 manifestant par ville, ce qui n’a pas de sens quand on voit les images, omniprésentes sur les réseaux sociaux. Et nous ne sommes qu’au mois d’août, un mois goûté par les français pour leurs congés…

Dans ce contexte je vois plusieurs facteurs qui peuvent faire dérailler complètement la situation:

1. Le gouvernement pourrait refuser de comprendre que ce mouvement est solide et diversifié et il pourrait continuer la provocation verbale.

2. Il pourrait tenter de forcer la vaccination des enfants avec ces vaccins ARNm toujours au stade expérimental : toucher aux enfants est ce qui peut rendre les gens fous de rage – moi compris.

3. Aller vers la vaccination obligatoire pour tous. C’est une tentation qui a été évitée pour le moment parce que les produits sont encore au stade expérimental, mais si le gouvernement se braque et s’enferre dans une politique dominée par le vaccin, par exemple en accélérant les procédures AMM, on va à la révolte, et ce peut être violent comme on le lit ici ou là. La tentation du gouvernement d’aller dans cette direction, toujours pour rassembler le centre, consisterait à jouer avec le feu.

4. La crise financière qui vient. La dernière date de 2008, on a rarement vu des périodes aussi longues de calme financier. Le monde occidental vit dans l’insouciance, mais la facture du COVID, et la facture d’une politique de taux négatif qui n’a absolument AUCUN précédent dans l’Histoire économique, finiront par devoir être payées. Ce jour-là, un gouvernement qui aurait joué sur un clivage entre une classe bourgeoise molle et centriste et une classe populaire exaspérée se trouvera face à une contestation autrement amplifiée, et c’est la porte ouverte à toutes les aventures.

Face à une crise économique, il est plus que nécessaire de compter sur un pays sinon uni, du moins pas trop divisé. Le gouvernement devrait considérer un changement à court terme de son action pour rassembler les français autour d’une politique moins machiavélique et plus généreuse. Sans quoi le pays court tous les risques, y compris des déflagrations comme on n’en a pas vu depuis très longtemps.

© Jean Mizrahi 

Jean Mizrahi  est Chef d’entreprise

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1 Comment

  1. Combattre ce virus me parait une nécessité première voire une évidence.
    N’avoir qu’une alternative vaccinale me parait aussi évident voire indispensable
    Rejeter toute autre alternative supplémentaire me parait insuffisant voir dangereux
    (je pense à des thérapies antivirales qui peuvent être d’une aide considérable même
    en acceptant la vaccination et surtout pour ceux qui refusent la vaccination pour des motifs valables/ car utiliser le refus de la vaccination comme mouvement politique
    n’est pas concevable dans un esprit objectif. Enfin ,viendra un temps ou les gestes barrières ne seront plus respectés par agacement , simple rejet réflexe,simple oubli
    et que par conséquent cette solution tout en étant nécessaire ne peut être qu’alternative: un chirurgien emploie toutes les mesures d’hygiène avant d’opérer et en opérant mais il a probablement hâte de vivre un peu sans sa blouse (je suppose).
    Pourquoi dans cette société , faut il être exclusif , suivre des modes , être narcissique, être obsédé par la rentabilité : avant de chercher le président providentiel il faut trouver les maux qui sont en nous et qui sont des virus pire que le COVID.
    Merci chère tribune de m’accorder ces petits mots même si je suis d’une autre obédience mais probablement quand on cherche à être objectif , on a toujours quelque chose venu d’ailleurs.

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