Je voudrais rendre hommage à Bernard Steigler qui fut pour moi un immense penseur, un véritable intellectuel, c’est-à-dire un homme qui pense en exerçant sa raison et son intelligence, qui analyse, qui met en relation les mots et les choses, qui déconstruit les discours, qui va à l’essentiel et qui a une vision du monde, de l’Homme et de l’Univers.
Son intelligence, sa sensibilité et l’audace de ses textes nous manquent. Bernard Stiegler a écrit une somme de livres, il est a l’origine d’une pensée profonde, multiple, réticulaire, syncrétique, originale.
Ses ouvrages sur ce qu’il appelle « la misère symbolique » ont été une immense source d’inspiration pour moi, faisant suite à , »Aimer, s’aimer, nous aimer.« , une réflexion sur la destruction du narcissisme primordial qui a résulté de la canalisation de la libido des consommateurs vers les objets de la consommation que Stiegler analyse de manière minutieuse. Notre époque, disait-il, se caractérise comme prise de contrôle du symbolique par la technologie industrielle, où l’esthétique est devenue à la fois l’arme et le théâtre de la guerre économique. Il en résulte une misère où le conditionnement se substitue à l’expérience.
Cette misère est une honte, celle qu’éprouve parfois le philosophe comme « un des motifs les plus puissants de la philosophie, ce qui en fait forcément une philosophie politique » (Gilles Deleuze). La « honte d’être un homme » est suscitée d’abord, aujourd’hui, par cette misère symbolique telle que l’engendrent les « sociétés de contrôle ».
Propos visionnaires parfaitement actuels. Bernard Stiegler aurait pu écrire une pharmacologie du Covid, comme il a écrit une « pharmacologie du Front national ».
Cet interview date de janvier 2018, soit deux ans avant sa disparition l’année passée, le 5 août 2020.
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