Les Libanais ont brisé la barrière de la peur du Hezbollah. La dernière escalade le confirme
Peut-être que la récente escalade sur le terrain dans le sud du Liban a pris une nouvelle tournure pour la première fois depuis l’adoption de la résolution 1701 après la guerre de juillet 2006, à la suite d’incidents répétés de tirs de roquettes à partir de cette région vers Israël.
Cependant, ce qui est étonnant dans les développements sur le front sud, c’est que les missiles, qui sont restés « orphelins », -ce qui signifie qu’aucune des parties n’en a pris la responsabilité-, soient, finalement, tombés entre les mains des habitants druzes de la ville de Shawaya dans le district de Hatzbia. A leur tour, les Druzes libanais ont arrêté l’un des camions chargés de lanceurs et de roquettes du Hezbollah.
Ils ont également refusé, selon plusieurs vidéos diffusées, que le Hezbollah utilise leur ville comme rampe de lancement de roquettes, de peur que cela ne fasse d’eux la cible de la riposte israélienne.
Nous refusons tout aventurisme sécuritaire
Même si un tel événement dans un district à majorité druze, attribué en grande partie à l’influence du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Jumblatt, n’est pas nouveau sur la scène sud-libanaise, on le perçoit comme il s’est répété dans les années 1980 (mais guère depuis) dans certaines zones chiites. Les intérêts du Hezbollah et de son sponsor régional, l’Iran, ont commencé à s’étendre et aujourd’hui ils ne se limitent plus à une région spécifique. Mais il est rare que des parties se soient soulevées contre la paralysie que leur impose le « Parti de Dieu » et le rôle de chair à canon que celui-ci leur a dévolu une fois pour toutes.
Les affrontements qui ont eu lieu, le week-end dernier, dans la zone de Khaleda entre les clans et le Hezbollah à propos d’une vieille vengeance, ont conduit à la mort de trois membres du parti. Cette vendetta en pleine fête de mariage démontre que la barrière de la peur de certains Libanais envers le Hezbollah a commencé à se briser, surtout depuis que la situation économique et financière s’est détériorée. Comme si un point de non-retour était franchi, suite à l’événement de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020.
Message à la communauté internationale
En outre, l’ancien ambassadeur libanais Hisham Hamdan a déclaré à Al-Arabiya.net que ce que les gens de Shawiya ont fait était un acte digne et noble. Il a dit à la communauté internationale et aux forces de la FINUL que les gens du sud n’étaient pas satisfaits de la réalité là-bas, car c’était une occupation militaire extérieure. C’est-à-dire que c’est uniquement l’Iran, qui prend et exécute les décisions, par définition.
L’Ambassadeur a également précisé que les gens avaient déjà commencé à bouger et à se lever, contrairement à ce que croit la communauté internationale, et les événements de Khaleda en sont la preuve, en plus du premier anniversaire de l’explosion du port de Beyrouth et de ce qui s’est passé spet jours plus tard, dans la ville méridionale de Hezbaya.
De fait, on peut en conclure que si la milice chiite tenait, à la fois, à détourner l’attention de ce souvenir récent, distraire l’effort international pour faire payer à l’Iran ses attentats contre la liberté de navigation dans la Mer d’Oman, il y a peu, et réaffirmer sa totale soumission aux ordres du nouveau Président Ebrahim Raïssi, ce test d’impopularité au Sud-Liban a touché son objectif : exaspérer les autres minorités confessionnelles et générer une amorce de consensus libanais contre l’exploitation dont ce pays fait l’objet, de la part de la milice pro-iranienne.
Le sud-Liban n’est pas disposé à se laisser entraîner dans une nouvelle guerre artificiellement déclenchée par le Hezbollah contre Israël. Et la milice a suffisamment démontré sa capacité de nuisance au Liban lui-même, il y a un an et 5 jours, en réduisant à néant le port de sa propre capitale. Même si, à l’heure actuelle, le pouvoir feint de ne pas savoir ou ni comment trouver les vrais responsables…
Les autres parties prenantes (France, Etats-Unis, Rodolphe Saadé, patron de CMA-CGM à Marseille, ou l’inutile FINUL…), les puissances qui souhaiteraient sérieusement participer à la reconstruction de Beyrouth et de sa superstructure dirigeante, seraient bien inspirées de tirer les leçons de ces différents épisodes pour mobiliser au mieux cette colère libanaise et la rendre « constructive ».
La barrière de la peur s’est brisée
Hisham Hamdan a également noté que la barrière de la peur se brise de jour en jour et que les cas de troubles contre le Hezbollah et ses politiques se multiplient, d’autant plus que la situation économique se détériore et que l’opinion publique libanaise comprend que le Liban est devenu un champ de bataille et le lieu de règlements de comptes régionaux.
Hamdan croit que deux alliés du Hezbollah, le président Michel Aoun et son gendre, le chef du Mouvement patriotique libre, le député Gebran Basil, ne s’opposeront pas à ce que le parti iranien fait au Liban, en raison de leurs postes et de la façon d’envisager leur avenir, qui ne dépend que de ce que dit et fait l’Iran.
La mobilité et le risque de contagion des révoltes contre lui terrifie le Hezbollah
En outre, l’ambassadeur a souligné que le conflit, se déplaçant de région en région, effraie le parti iranien au Liban, car il est pleinement conscient que si la lutte contre lui s’intensifie, cela signifiera de devoir y mettre fin, comme en témoigne la façon dont il a géré ce qui s’est passé à Khaleda ce week-end.
Il a noté que cet incident révèle directement ce qui se passe dans son environnement, alors qu’il se demandait s’il fallait envoyer ses « vigiles » sur des motos pour mettre fin à la situation à sa manière (réprimer à coups de batte de baseball?).
Le Hezbollah est embarrassé, assumant la responsabilité des tirs de roquettes
En outre, le journaliste Ali al-Amin a déclaré à Al-Arabiya.net que le Hezbollah pourrait s’être senti « embarrassé » par ce qui s’est passé dans la ville de Shawiya, et il a donc publié une déclaration concernant l’emplacement de départ des roquettes tirées.
Il a ajouté que sans l’attitude des gens envers le chauffeur du camion chargé de missiles, la milice aurait tiré sa cargaison (sur Israël).
« Il n’a pas non plus exclu qu’une « petite contagion » se propage à d’autres régions libanaises, si le Hezbollah restait fidèle à sa politique et intervenait dans des problèmes internes sur la base de calculs régionaux, a-t-il déclaré.
En outre, al-Amin a souligné que ce qui s’est passé révèle la fragilité de la situation interne au Liban, car cela montre que la théorie de l’adhésion populaire au Hezbollah n’existe plus. Désormais, ses armes ne sont pas (ou plus) destinées à combattre Israël mais à combattre à l’intérieur du pays au Liban et à servir les intérêts régionaux (de l’Iran) aux dépens de la nation.
Il convient de noter que le Hezbollah a tiré une vingtaine de roquettes depuis le sud sur des positions israéliennes, en affirmant qu’il a ainsi répondu aux frappes aériennes israéliennes. Mais les batteries israéliennes du Dôme de fer ont intercepté la plupart d’entre elles.
Alors qu’Israël a riposté en bombardant des zones dans le sud, le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a conseillé vendredi au Hezbollah, à l’armée et au gouvernement libanais de ne pas tester Israël.
“Interprétation” par Marc Brzustowski de Source des dépêches libanaises : nziv.net
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