Rav Arié Abehassera est un maître de l’exégèse talmudique à Gateshead, petite ville minière du nord de l’Angleterre et haut foyer de l’érudition juive. Maître mais, bien entendu, aussi, disciple, car comme il le noterait certainement lui-même, « est-il seulement possible d’être l’un sans l’autre ».
Son approche à la fois réflexive et concrète, toujours humble et pleine d’amour d’un prochain qu’il met beaucoup de soin à écouter et éclairer quand la confusion assombrit l’horizon, nous a décidés à partager les quelques retours aux grandes comme aux petites questions que nous avons pu lui adresser sur le temps long.
« Rabbi, J’ai une grande question »…
Le judaïsme français est, depuis un certain nombre d’années, traversé par deux tendances croisées : une polarisation interne avec une montée des marqueurs communautaires en présence – orthodoxe, loubavitch, libéral, traditionaliste aux mille couleurs – en même temps qu’une sorte de repli sur soi générale, une atmosphère de fin des temps face à l’expression contemporaine d’une hostilité protéiforme et désinhibée.
Dans ce présent contexte, quelle place accorde notre tradition et nos textes à l’identité nationale et à la citoyenneté ?
J’apprécie beaucoup la clarté de votre question. Il s’agit donc de définir l’identité, la nation, et la liaison saine et nécessaire entre les deux. Pour répondre aussi clairement que possible, je structurerais la réponse en deux volets. Le premier consistera à définir ce que nos textes nous enseignent sur l’identité individuelle. Le second, dans le prolongement du premier, proposera l’inscription de cette identité dans le contexte national et la culture dans laquelle nous évoluons.
1-L’identité individuelle
Nos textes sont unanimes : « L’homme n’est pas le corps mais l’âme ». S’agissant d’un sujet si central, il apparaît nécessaire de creuser un peu plus en profondeur. Oui mais… Qu’est-ce qu’une âme ? C’est là une question qui mériterait un développement distinct. Une tentative de réponse, même brève, serait trop digressive. Retenons seulement comme élément de compréhension essentiel à notre propos, que l’âme est une dimension de l’être qui dépasse le temps et l’espace, que mon âme est intrinsèquement et ontologiquement unie aux autres âmes.
Tous les hommes furent créés à l’image de D… et, ainsi, toutes les âmes humaines Lui sont reliées. L’âme juive Lui est, elle, rattachée par la Tora et ses préceptes. Comme le Zohar le dit, les 613 commandements sont des « etsot », littéralement des « conseils », autrement dit, des canaux, des moyens permettant de s’approprier la dimension divine que nous portons et qui nous constitue – la « Néchama »- et par là-même se rapprocher de Dieu. Cela suppose qu’en réalité, JE suis plus intrinsèquement lié à un juif que je n’ai jamais vu, et qui vivrait à l’autre bout du monde qu’à toute autre personne s’inscrivant indifféremment dans mon voisinage immédiat.
Plus encore, Je (mon âme) suis plus lié à une autre “néchama” d’un lointain passé, qu’avec, là encore, toute autre personne figurant dans mon environnement contemporain quotidien. Réalité souvent difficile à percevoir, tant mon Moi évolue dans un corps tributaire de la contingence spatio-temporelle.
Cette réalité peut être illustrée par l’exemple du pèlerinage. Comment comprendre ces masses humaines allant se recueillir et prier sur des tombeaux de justes qu’ils n’ont, jamais, ni vus ni connus. Quel est le but d’une telle démarche ? Un juste ne peut pas répondre à nos prières, seul D.. le peut, et Lui est partout.
En fait, se rendre sur la tombe d’un tsadik permet d’élever momentanément mon état de conscience, de réaliser que je suis une âme et, par-là, unie avec celles des justes eux-mêmes. Ma prière prend alors une autre perspective. Je prie pour mon bien-être spirituel, et j’inclus dans ma prière, « au même titre », les autres Âmes et tente ainsi de faire perdurer cette expérience spirituelle en dehors du lieu de recueillement.
Pour en revenir à mon propos, c’est à l’âme que je dois m’identifier, non au corps ni aux titres que j’ai acquis en ce monde. Cela ne signifie pas que ces titres n’ont pas leur importance, cela veut juste dire qu’ils ne définissent pas en soi ma personne. Si deux médecins se trouvaient sur un théâtre d’accident, et que l’un disposait d’un défibrillateur, et l’autre pas, le premier n’en déduirait pas qu’il est, sur cette seule base, un meilleur médecin ! Mais disposer de cet outil l’inscrirait en devoir de secourir.
Nous (âmes) sommes une étincelle éternelle et divine. Séparés en corps distincts, nous avons tous un rôle à jouer et une fonction à remplir dans le monde. Si nous accomplissons notre vocation (quelle qu’elle soit), alors de retour dans le monde des âmes, nous verrons que nous sommes tous égaux et que nous l’avons toujours été.
Ceci étant posé, pourquoi alors sommes-nous (âmes) dispersés par-delà les terres et les mers depuis 4000 ans ? Pourquoi une âme juive se retrouve perdue à Rishikesh, en Inde, et une autre à Jérusalem, l’une en France, l’autre en Afrique du sud ? Pourquoi une se voit « encorporée » en 1350, et l’autre en 2020 ? Ces questions constituent là une transition introduisant notre second volet.
2) L’identité nationale
Avant d’évoquer les textes juifs se rapportant à l’identité nationale, faisons un bref rappel des grands pôles qui constituent, à l’extrême, les deux cultures-types traditionnelles. Les civilisations collectives où l’individu s’efface au profit d’un cadre plus large qui le dépasse (famille, clan, nation) et sa valeur appréciée au regard de sa contribution au projet collectif. Ce type d’organisation sociale porte en soi des vertus de responsabilité et solidarité en même temps que les germes d’une dérive autoritaire du pouvoir, qu’il soit national, local ou patriarcal.
A l’autre point du spectre, se situent les sociétés dites « libres » qui fondent le projet collectif sur le bien-être individuel. Dans cette perspective, le cadre national doit, en premier lieu, entretenir les conditions du développement individuel, quelle que soit l’entité envisagée (individus, agents économiques, etc.). Cette organisation collective là nécessite, pour se déployer, un régime démocratique (du moins officiellement…). Elle porte en elle toutes les faveurs offertes par la liberté, facilite l’exercice du libre-arbitre en même temps que, trop tourné vers lui-même, l’individu peut perdre le sens du collectif, et la perception de l’autre, avec au final le risque d’émergence d’une société égoïste, aux composantes individuelles tyranniques. Au devoir individuel face au collectif, répond la responsabilité individuelle dans un cadre collectif, à la possible oppression par l’ensemble s’oppose le risque de tyrannie d’une somme.
Les textes de la Tora entendent, eux, nous éclairer sur la raison d’être spirituelle des différentes Nations et Cultures.
Dans la dimension spirituelle, on ne discerne que deux éléments. Le Créateur et la Création. L’Histoire du Monde commence par une relation parfaite entre l’homme (Adam) et Dieu. Cette relation peut être comparée à un diamant qui brille de ses 70 facettes. La Sainteté est présente dans chaque recoin de l’Univers. La faute originelle dégrada cette relation et le diamant se fragmenta en 70 morceaux. Chaque fragment représente une façon particulière et unique de se rapprocher de Dieu. Chaque nation hérita alors d’un de ces fragments et érigea une culture autour de cette forme de rapport avec le divin. Les juifs diasporiques empruntent donc les sentiers particuliers qui leur permettent d’aborder les textes et entrevoir le divin, ces sentiers prenant les formes des cultures environnantes.
Évidemment, cela nécessite une connaissance des trames de lecture des textes. Il ne s’agit pas de prendre une bible ou un traité de Talmud et tenter de l’interpréter en écoutant la Marseillaise, un bon verre de vin à la main…
Je me souviens quand, étudiant de yeshiva en Israël, un élève posait une question sur un passage de Guemara et que d’autres y proposaient de justes réponses. Nous étions alors collectivement capables de déterminer la provenance culturelle des retours, celle d’un français (parfois on devinait même la souche alsacienne…) ou d’un israélien. Si les réponses suivent une logique talmudique, elles peuvent toutes être justes.
Les nations se sont chacune sculptées un visage qui offre une relation et un chemin vers le Divin.
Le juif, en diaspora, est irrésistiblement pétri de la culture de son pays natal. Il est alors en mesure de rétablir une des facettes de ce diamant. Mieux une personne saisit et comprend cet enjeu, plus son enracinement à cette culture peut l’aider à se rapprocher de D…
L’identité nationale, sur le plan spirituel, n’est alors plus un choix, mais devient un devoir. Si nos âmes ont été implantées dans une nation qui n’est pas nôtre du point de vue historique et anthropologique, c’est pour restaurer et rapporter une de ces facettes du diamant qui, lui aussi, se trouve en diaspora. Plus encore, ce n’est qu’une fois toutes les facettes rendues à leur état et leur éclat initial que l’humanité atteindra son but ultime, la conscience de la présence de Dieu.
Propos recueillis par Dina Messica
Vous dites : «Dans la dimension spirituelle, on ne discerne que deux éléments. Le Créateur et la Création. L’Histoire du Monde commence par une relation parfaite entre l’homme (Adam) et Dieu. Cette relation peut être comparée à un diamant qui brille de ses 70 facettes. La Sainteté est présente dans chaque recoin de l’Univers. La faute originelle dégrada cette relation et le diamant se fragmenta en 70 morceaux. Chaque fragment représente une façon particulière et unique de se rapprocher de Dieu. Chaque nation hérita alors d’un de ces fragments et érigea une culture autour de cette forme de rapport avec le divin. Les juifs diasporiques empruntent donc les sentiers particuliers qui leur permettent d’aborder les textes et entrevoir le divin, ces sentiers prenant les formes des cultures environnantes.»
Or ce n’est pas ce que dit la Bible. En effet, voici ce que Shaul-Paul (JUIF), disciple du Messie Yeshoua (grécisé Jésus), nous dit exactement :
«C’est pourquoi, DE MÊME que par UN SEUL homme [Adam] le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur TOUS les hommes, parce que TOUS ont péché (…) Ainsi donc, comme par UNE SEULE offense la condamnation a atteint TOUS les hommes, DE MÊME par UN SEUL acte de justice [la mort du Messie, Yeshoua (grécisé Jésus) à Golgotha], la justification qui donne la vie s’étend à TOUS les hommes. Car DE MÊME que par la désobéissance d’UN SEUL homme [Adam] TOUS ont été rendus pécheurs, DE MÊME par l’obéissance d’UN SEUL [Yeshoua] beaucoup* seront rendus justes. Or, la loi est intervenue pour que l’offense apparaisse comme offense, mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé, afin que, comme le péché a régné par la mort, ainsi la grâce régnât par la justice pour la vie éternelle, par le Messie, Yeshoua (Jésus) notre Seigneur.» (Bible, Romains 5, v. 12-21)
De ceci il ressort clairement et simplement, logiquement et de manière cohérente, que :
La faute originelle a provoqué LA MÊME conséquence pour TOUTE l’humanité, pour TOUS les êtres humains issus d’Adam, à savoir : la déchéance humaine et la séparation d’avec Dieu.
Par conséquent la réparation divine et la réconciliation avec Dieu passe par LE MÊME moyen, à savoir : l’acte de justice divin qu’a été la mort du Messie, Yeshoua (Jésus), victime sacrificielle expiatoire dont le sang expiateur nous purifie de tous nos péchés et nous libère de la loi du péché originel. Ainsi…
* SEULS ceux qui croient en ce moyen de salut divin offert par Dieu à travers Yeshoua, ceux-là SEULS sont rendus JUSTES aux yeux de Dieu.
La relation avec Dieu, qui peut effectivement être comparée à un diamant, ne se rétablit donc pas au moyen de 70 facettes fragmentées de ce diamant mais se rétablit, comme vu, à UN SEUL et MÊME PRIX pour TOUS : L’acte de justice du Messie Yeshoua.
En outre, compte tenu de ce qui précède, on peut affirmer ceci : Si nous sommes morts à cause du péché originel de nos premiers parents, et de nos propres péchés, notre IDENTITE est donc MORTE. Par conséquent, en croyant en l’acte de justice de Yeshoua, on revient à la vie, notre identité revient à la vie. Notre identité est donc avant toute chose dans le Messie, et seulement ensuite SPECIFIQUE : JUIVE ou NON-JUIVE. Mais en dehors du Messie, notre identité est dans la MORT, c’est-à-dire MORTE…
La notion de Messie est d’abord « métaphorique » !!!
Il n’y a jamais eu de « Dessein » divin pour la venue d’un Messie, mais seulement une « Vision prophétique » reçue par un homme, dénommé Isaïe, servant de prétexte à toute une littérature et à une Espérance, sauf qu’elle a toujours été métaphorique et la « réalité » des faits et gestes de « la grande aventure » « christologique » est à « corriger » par la « réalité » du « sacrifice » de l’Homme en question, aussi grand soit-il…En effet… Quand ce sacrifice a-t’il été « proclamé et par qui ?
C’est « Celui » qui a « instigué » toute cette affaire et qui a déclaré ( en petit comité): » Disons à tout le monde « qu’il est mort en « sacrifice » pour nos fautes »! alors que c’est lui-même (l’instigateur du « complot ») qui l’a amené à la Crucifixion.
(En ce temps-là, il n’y avait plus un seul arbre debout, tant étaient nombreux les suppliciés sur la Terre d’Israël et de Judée…). On ne peut comprendre ce qui s’est passé à ce moment-là, qu’en faisant référence à l’étrange fin du prophète Elie et le « prêt » de son « manteau » à son disciple Elish’a (Elisée…) qui nous a rapporté son témoignage. Il s’est passé un phénomène « similaire » lors de la dite « Cène »… Impossible de comprendre autrement… (On ne peut dévoiler au-delà…).
C’est pourquoi la Tradition Musulmane est si différente à ce sujet…
La « messianité » a commencé en…1948 !Ce sont les « Douleurs de l’enfantement » (ou « ‘Hevley Mashiah » ) …
Mes salutations et mes hommages…
Jymfr
à Jacques (Yaacov)
«Il n’y a jamais eu de «dessein» divin pour la venue d’un MESSIE, mais seulement une «Vision prophétique» reçue par un homme dénommé Isaïe, servant de prétexte à…», dites-vous.
Or à quoi sert une vision prophétique MESSIANIQUE si Dieu n’a pas de dessein MESSIANIQUE ?! Aucun sens. Car Dieu ne parle jamais pour ne rien dire, Dieu ne parle jamais dans le vide par ses prophètes. Dieu a un dessein MESSIANIQUE, et il le fait savoir par la voix de ses prophètes, ou d’hommes et de femmes qui vont recevoir ses révélations ponctuellement, et ce au moyen de visions prophétiques, de paroles prophétiques, de rêves et de songes prophétiques, de situations et d’événements prophétiques etc., pour les communiquer.
Pour saisir et aussi bien comprendre le dessein MESSIANIQUE divin, il faut remonter bien au-delà de l’histoire humaine. En effet, Dieu lève légèrement le voile sur un évènement qui s’est produit au CIEL bien avant la création d’Adam et Eve : la rébellion d’un ange, «astre brillant» et «fils de l’aurore» (Esaïe 14, 5 et suivants), «chérubin protecteur» (Ezéchiel 28, 11 et suivants), qui a voulu être Dieu à la place de Dieu. Par conséquent il a été chassé de la présence divine d’où
– LA CHUTE : du Ciel sur la terre.
Il nous apparaît pour la première fois en Eden, sous la forme d’un serpent, le «serpent ancien» qui, par la ruse, amènera aussi le premier couple à désobéir au commandement de Dieu, d’où également
– SA CHUTE : chassé de la présence divine hors du jardin (paradis) sur la terre désormais déchue. Les conséquences ont été vues dans le passage BIBLIQUE dans mon premier commentaire auquel vous réagissez : déchéance humaine, et mort. D’OU :
– D’OU le DESSEIN DIVIN MESSIANIQUE de rédemption de l’ÊTRE HUMAIN par le MESSIE. Le but du salut MESSIANIQUE : la purification de l’être humain de ses péchés, et de ses souillures au moyen du SANG car pas d’expiation des péchés sans le SANG expiateur (Lévitique 17, 11) de la victime expiatoire, le MESSIE, pour la réconciliation de l’homme avec Dieu et son rétablissement.
Or si la désobéissance de l’homme et l’impact qui a suivi sur la créature et la création a conduit au dessein MESSIANIQUE de purification de l’homme, il en a été DE MÊME pour le CIEL. En effet, la rébellion au CIEL du «chérubin protecteur» a également eu de lourdes conséquences. D’OU :
– D’OU le DESSEIN DIVIN de purification du CIEL au moyen du MÊME MESSIE, Yeshoua, dont l’apôtre et disciple, le JUIF Shaul-Paul nous dit :
«Mais LE MESSIE Yeshoua est venu comme souverain sacrificateur des biens à venir ; il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’est pas de cette création ; et il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec SON PROPRE SANG, ayant obtenu une rédemption éternelle. Car si (…) combien plus LE SANG DU MESSIE, qui, par un esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, PURIFIERA-t-il votre conscience des oeuvres mortes (…) Et presque tout, d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. Il était donc nécessaire, puisque les images des choses qui sont dans les cieux devaient être purifiées de cette manière, que les choses CELESTES elles-mêmes fussent PURIFIEES par des sacrifices plus excellents que ceux-là. Car LE MESSIE n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans LE CIEL MÊME, afin de…» (Bible, Lettre de Shaul-Paul (JUIF) aux Hébreux chap. 9, v. 11 et suivants)
Le dessein MESSIANIQUE n’est absolument pas un prétexte mais véritablement UNE NECESSITE non seulement pour l’être humain mais, avant lui, pour le CIEL MÊME…
Painting « Tombeau des patriarches » by artist Alex Levin, Israel
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