Le 30 juin j’avais dit dans ma chronique, -je n’étais pas le seul-, que le variant delta, d’origine indienne, encore rare en France, serait majoritaire à la fin du mois d’août. Dès le début du mois, nous y sommes largement.
L’ambiance était alors optimiste, Jo Biden présidait la fête nationale du 4 juillet à visage découvert devant un millier d’invités et annonçait un été de liberté.
Quatre semaines plus tard, il se présente aux journalistes avec un masque noir, demande aux 4 millions d’employés fédéraux américains de se vacciner sous peine de sanctions, et propose aux autorités locales d’offrir 100$ à chaque Américain qui accepte enfin de se faire vacciner.
En France, il y avait au 30 juin 2500 nouveaux cas; aujourd’hui 25 000 dont 90% dus au variant delta dont la percée a donc été fulgurante. Le variant anglais qui a pourri notre hiver a pratiquement disparu des prélèvements. On opère chez nous par criblage, en recherchant une mutation particulière caractéristique du variant delta. C’est plus simple, plus rapide qu’un séquençage complet, domaine où la France a pris du retard, mais le criblage ne permet pas de savoir si des virus descendants du delta et plus dangereux que lui ne sont pas déjà en train de prendre la relève.
Ce risque explique pourquoi Israël, où le nombre de cas a nettement augmenté, mais où la mortalité reste très faible avec des hôpitaux qui ne sont pas engorgés, prend des mesures drastiques d’isolement.
Ce n’est plus la problématique de la Martinique où la situation est d’ores et déjà dramatique. Le taux de vaccination n’y est que de 15% et le delta ne trouve donc pas de barrière à sa propagation.
En fait, des statistiques défaillantes nous cachent probablement des catastrophes sanitaires dans plusieurs pays. L’apparition du delta en Chine peut être le prélude à des mesures coercitives auprès desquelles notre pass sanitaire, si nécessaire et malheureusement si décrié en France, apparaîtrait comme une aimable plaisanterie.
Comme en toute science biologique, la connaissance du coronavirus progresse par tâtonnements, avec des expériences laborieuses et des observations statistiquement contrôlées. Les anecdotes en ce domaine sont souvent trompeuses: ce qui arrive d’inhabituel après une vaccination peut ne pas être dû au vaccin. Par exemple, 4 milliards de personnes ont assisté à l’ouverture des Jeux de Pékin en 2008. Le lendemain, certains ont forcément eu, entre autres, un infarctus du myocarde ou une embolie pulmonaire. Certes, les complotistes, qui bricolent ou ignorent les statistiques n’ont pas accusé les Jeux, ou la Chine, ou les ondes télévisées d’avoir provoqué ces infarctus ou ces embolies pulmonaires. Mais peut-être aurait-ce été différent si les Jeux avaient eu lieu en Israël …
Depuis un mois, je note six nouvelles données sur le Covid et quatre questions qui restent pendantes. Les voici.
Quatre mauvaises nouvelles
1° Delta est très contagieux, comme la varicelle, beaucoup plus que les variants précédents, beaucoup plus par exemple que le virus grippal.
2° Des personnes peuvent devenir contagieuses 48h après le contact et pas 4 jours comme auparavant. Les tests PCR rendus avec 48h de retard sont une aberration. Il semble aussi que la contagion puisse durer plus longtemps et la charge virale est nettement plus forte.
3° Des personnes vaccinées peuvent être infectées et dans ce cas, elles peuvent transmettre le virus. Le pourcentage de ces infections chez les sujets vaccinés, ce que les Américains appellent les “breakthrough cases”, est faible, mais il signifie que les personnes vaccinées doivent continuer à se protéger.
4° Le taux d’immunité collective nécessaire pour un virus aussi contagieux n’est pas de 60% de la population, comme on le disait jusque-là, mais probablement autour de 90%.
Deux très bonnes nouvelles
5° Les vaccins continuent d’être efficaces contre delta, même si leur protection est un peu moins élevée. Certains vaccins, notamment le vaccin russe et les vaccins chinois sont aussi des instruments politiques, et on connait mal encore leur efficacité réelle face aux variants. Globalement, il semble que les vaccins à ARN messager soient les plus efficaces, mais plusieurs vaccins classiques continuent de donner des résultats satisfaisants.
6° Surtout, les vaccins réduisent massivement le risque de complications graves. Les réanimations sont largement dominées par les non-vaccinés et donc souvent par des non-vieillards, même si en France, 20% des personnes âgées de plus de 70 ans ne sont toujours pas vaccinées . De plus, aucun vaccin n’est efficace à 100%. S’il ne l’est qu’à 95%, ce qui est remarquable, 5% des vaccinés sont mal protégés, soit tout de même 3 millions sur 60 millions d’habitants. On sait que la plupart ont des pathologies associées qui les fragilisent, mais tous ne sont pas dans ce cas. Ces personnes sont mises en danger par la circulation du virus.
Les Inconnues…
Et puis, il y a les inconnues, notamment celles où le temps nous donnera peu à peu des réponses qui manquent encore.
Par exemple:
7° L’efficacité de la vaccination diminue-t-elle au fil des mois? Il est aujourd’hui prouvé que le taux d’anticorps diminue et Israël, suivi aujourd’hui de l’Allemagne et du Royaume Uni, a décidé d’une troisième dose de vaccins chez les personnes âgées ou fragiles.
Mais on connaît encore mal l’évolution de l’immunité cellulaire, celle qui provient des lymphocytes T. C’est un sujet de recherches capital qui touche d’ailleurs bien d’autres problèmes médicaux que le coronavirus. Quant à l’idée partagée par de nombreux spécialistes qu’une immunité collective partielle au coronavirus transformera le Covid en maladie bénigne, ce qui est sûr, c’est que nous n’y sommes pas encore, loin de là.
8° Un taux d’immunité importante, mais inférieure à l’immunité collective, comme cela existe aujourd’hui dans plusieurs pays, dont la France et Israël, est-il susceptible d’exercer ce qu’on appelle une pression de sélection sur le virus, en favorisant la sélection des formes les plus résistantes au vaccin par rapport aux autres? Ce serait le paradoxe de l’immunité partielle qui expliquerait l’explosion du variant delta. On sait que s’il prédomine, c’est surtout parce qu’il est plus contagieux. Mais on ne peut pas éliminer la possibilité que sa meilleure résistance au vaccin, aussi relative qu’elle soit, lui donne un avantage supplémentaire dans une population déjà partiellement vaccinée. Il faut donc pousser la vaccination au plus possible pour couper la circulation virale et arriver à l’immunité collective.
Le Covid long
9° A quoi est dû le Covid long et que deviendra-t-il avec le variant delta? On commence à déceler les contours de ce syndrome qui peut être très débilitant, qui s’améliore en général mais souvent lentement mais dont on ne connaît pas les conséquences. Ceux qui refusent la vaccination sous le faux prétexte qu’il s’agirait d’une thérapie génique et qu’on en ignore les effets à long terme devraient se poser la question de leur cohérence intellectuelle, car ils prennent le risque d’un Covid long handicapant et dont personne ne connait les suites. Faut-il rappeler que le zona, pour ne citer que cette maladie, est dû à la réactivation d’un virus de la varicelle présent depuis des dizaines d’années dans l’organisme et que si les ARN latents n’existent pas, les virus latents sont une vraie et complexe entité pathologique.
Le scénario noir de la “contamination inversée”
10° Enfin, le scénario noir, c’est celui de la contamination inversée avec constitution d’un réservoir animal après franchissement dans les deux sens de la barrière d’espèce chez les animaux d’élevage et de compagnie. Evidemment la perspective de vacciner les chiens ou les chats ou plus encore de les supprimer comme les Danois ont fait avec leur élevage de visons, est assez inquiétante. Mais cela aura signifié que le virus aura continué de circuler, donc de muter et qu’une nouvelle mutation aura permis ce passage d’une espèce à l’autre.
On comprend que le variant delta n’est pas la fin de l’histoire. Un variant plus contagieux et moins sensible aux vaccins risque de circuler si la vaccination se relâche.
Pour le Dr Ryan, responsable du Covid à l’OMS, “Delta est un avertissement, qui nous dit que le virus évolue, mais c’est aussi un appel à agir, à faire quelque chose avant que des formes plus dangereuses de variants ne fassent leur apparition “.
La vaccination contre le coronavirus est un extraordinaire privilège dont la population bénéficie et que les antivax réfutent sur des arguments débiles. Ils mettent en risque l’ensemble de la population. J’ai pour eux de la pitié, mais aussi de la colère…
© Richard Prasquier
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Richard Prasquier Chronique sur Radio J chaque mercredi matin à 7 heures
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