Hiro Onoda et 3 de ses compagnons sont des commandos japonais formés à la guérilla, en 1945, leur supérieur les laisse sur l’île de Lubang dans les Philippes, avec ordres de repousser l’invasion américaine.
Ce sont des “stay behind” , “Restez derrière”, qu’on peut mal traduire en français par franc-tireur ou partisan.
Une tactique consistant à laisser volontairement des petites unités cachées lors d’un repli face à une avancée ennemie, pour que celles-ci effectuent des missions de sabotage derrière les lignes ennemies.
Ils vont donc se cacher dans la jungle et attendre. Ils vont attendre presque 30 ans. Ils ont été oubliés et l’ordre de reddition d’août 1945 ne leur sera jamais envoyé. Ils vont donc croire que la guerre continue et vont mener des actions de guérilla contre les forces américaines puis Philippes locales.
Ils vont soit se faire tuer, soit se rendre, et Onoda est l’avant-dernier soldat japonais à se rendre, et aussi l’avant-dernier soldat de la 2ème Guerre Mondiale, en 1974. Après 2 ans passés seul dans la jungle. Pour qu’il accepte de rendre les armes, croyant que la fin de la guerre était une russe, il faudra que son ancien supérieur, devenu libraire à Tokyo, soit envoyé à Lubang pour qu’il annonce personnellement à son ancien subordonné que la guerre était terminée et qu’il lui ordonnait de se rendre.
Il se rendra au président Marcos avec son sabre, son fusil et ses munitions, tous en parfait état de fonctionnement .
C’était un soldat japonais parmi les autres, mais comme tous les japonais de cette époque, la propagande, la culture, l’habitus et la pression sociale sont si intenses que cela développe un esprit patriotique et combatif qui relève presque du fanatisme.
On leur donne l’ordre de tenir une position, comme il n’y pas de contre-ordre, ils attendent 30 ans. Voilà pourquoi la guerre du Pacifique fut tout aussi dure que les combats en Europe, pourquoi les batailles d’Okinawa et Iwo Jina, territoire national Japonais, furent si âpres, les Japonais, civils comme militaires, se battant jusqu’au bout et préfèrant souvent la mort à la reddition.
Et c’est aussi pourquoi les deux bombes atomiques du 6 et 9 aout 1945 ont sauvé des dizaines de millions de vies. L’Opération Downfall était le nom de l’opération de débarquement et de conquête des îles du Japon, l’Opération Olympic sur l’île de Kyushu en octobre 1945 puis l’Opération Coronet sur l’île d’Honshu au printemps 1946. Les Alliés avaient prévu, en extrapolant à partir des retex d’Iwo Jina et d’Okinawa, des combats qui duraient jusqu’à l’été 1946, et des estimations de pertes de minimum un million d’hommes chez les Alliés et d’une dizaine chez les Japonais , les forces japonaises étant complétées de milices civiles, à l’image du Volksturm allemand.
Les Japonais comptaient livrer une défense en profondeur, comptant sur le relief montagneux du Japon pour livrer une lutte sans merci. Le but n’était pas la victoire, mais l’attrition des Forces Alliées, saigner au maximum les troupes de l’envahisseur pour le forcer à négocier un armistice, et non une capitulation sans conditions, comme exigé.
C’est l’Opération Ketsugo, exactement comme son allié le Reich, le Japon comptait se battre jusqu’à la fin.
De plus, le territoire national japonais n’avait jamais été envahi de son histoire et les Japonais craignaient la fin de leur nation et de ses institutions millénaires, comme l’Empereur. Quand on voit que des soldats lambda ont tenu 30 ans dans la jungle pour continuer une guerre juste car on leur en a donné l’ordre, on comprend facilement que ce n’était pas une fiction d’envisager des combats qui auraient duré un an de plus et coûté des dizaines de millions de morts supplémentaires pour la conquête de prés carrés japonais.
Voilà pourquoi, par une démonstration de force absolue qu’est le feu nucléaire, les Alliés ont montré aux Japonais qu’ils avaient les moyens de les anéantir au sens propre, sans prendre le risque de combat au sol.
Ce qui a fait céder le haut commandement japonais pour capituler, sans conditions, le 2 septembre 1945.
En Chine, il y a un proverbe: Tuer une personne pour en menacer mille, entre 200 000 morts et 15 millions, les considérations morales relèvent de la discussion de salon a posteriori de 70 ans.
© Pierre Rodolphe Tran-Van
“Onoda. 10 000 nuits dans la jungle“, d’Arthur Harari, a été présenté en Ouverture de la sélection Un Certain regard au Festival de Cannes 2021.
De Arthur Harari. Par Arthur Harari et Vincent Poymiro. Avec Yûya Endô, Kanji Tsuda, Yuya Matsuura.
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