23 JUILLET 1979 – 23 JUILLET 2021.
42 ans, 42 longues années que le grand homme a quitté ce monde pour un autre prétendu meilleur.
On dit qu’une personne disparait complètement lorsqu’on l’oublie, lorsqu’on ne parle plus d’elle.
Kessel on en parle, on se souvient de lui, il était si populaire, ses livres ont fait le tour du monde, traduits dans de nombreuses langues. Ses livres sont toujours d’actualité, il restera longtemps encore dans la mémoire collective.
On ne peut oublier le grand reporter qu’il a été !
Joseph Kessel 1898-1979. Quelques dates et fait marquants
1898 : Naissance de Joseph Kessel, le 31 janvier (Déclaré à l’Etat Civil le 10 février), à Villa Clara en Argentine.
1913 : Après avoir séjourné deux fois à Orenbourg, en Russie, puis à Nice, la famille Kessel s’installe à Paris afin que le jeune Joseph puisse s’inscrire au lycée Louis-le-Grand.
1915: Il collabore avec le Journal des Débats. Étienne de Nalèche, directeur du journal, l’embauche au service de politique étrangère.
1916 : se présente au bureau de recrutement des engagés volontaires de la Seine et devient aviateur. Ces expériences constitueront le roman
L’Équipage, publié en 1923.
1919 : Le jeune engagé part pour Vladivostok en Russie où les affrontements entre Russes blancs et rouges font rage. Jef est chargé de recruter et de constituer les trains de ravitaillement pour les troupes françaises du général Janin postées en Sibérie. Cette expérience de huit semaines sera notamment relatée dans Les Nuits de Sibérie et Les Temps sauvages.
1928 : Il fait paraître l’un de ses romans aujourd’hui les plus célèbres, Belle de jour, adapté en 1967 au cinéma par Luis Buñuel, avec Catherine Deneuve dans le rôle-titre. Il rédige par ailleurs Dame de Californie, récit rétrospectif de ses folles journées à San Francisco vécues dix ans plus tôt. Le décès de sa première épouse décide Kessel à écrire Le Tour de Malheur, récit bilan de la décennie écoulée, entre reportages, rencontres et expériences amoureuses.
1932: Il se rend en Allemagne pour écrire une série d’articles antihitlériens notamment, destinés au journal Le Matin. En mars de la même année, il publie Bas-fonds. En septembre, il publie Nuits de Montmartre, un recueil d’articles publiés dans Détective ( journal créé avec son frère cadet
Georges en 1928) et dans lesquels il explore les “bas-fonds” parisiens.
1939 : Il est mobilisé et rédige différents articles pour Paris Soir.
1943 : Jef passe en Angleterre où il s’engage dans les Forces Françaises Libres et rencontre le général de Gaulle. Il coécrit avec Maurice Druon Le Chant des Partisans. Puis, grâce aux témoignages qu’il a recueillis auprès des chefs des mouvements de la Résistance, il publie L’Armée des ombres .
1945 : Il retrouve son statut de journaliste et couvre le procès du maréchal Pétain.
1948 : Il se rend en Israël. David Ben Gourion est sur le point de proclamer la naissance du pays en tant qu’État. Kessel obtient le visa numéro 1.
1949 : Il est fait officier de la Légion d’honneur.
1958 : La publication du Lion, écrit à partir des souvenirs du voyage de Kessel au Kenya, connaît un vrai succès international, aussi bien populaire que critique. 1 770 704 exemplaires en 1958.
1962 : Le 22 novembre, “Jef le Grand” est élu à l’Académie Française, au fauteuil du duc de La Force.
1967 : A 69 ans, il part à nouveau en Israël pour couvrir la guerre des Six jours. C’est le dernier grand reportage que Joseph Kessel effectue. Deux livres sur ce sujet, Un mur à Jérusalem en 1968 avec Frédéric Rossif et Les fils de l’impossible en 1970.
1979: Le 23 juillet, il s’éteint dans sa maison d’Avernes, dans le Val d’Oise.
Joseph Kessel est né en Argentine le 31 janvier 1898 (déclaré à l’état civil le 10 février). Fils de Samuel Kessel, médecin juif d’origine lituanienne (Alors en Russie impériale) qui vint passer son doctorat à Montpellier, puis partit exercer en Amérique du Sud, Joseph Kessel vécut en Argentine ses tout premiers mois, pour être emmené ensuite de l’autre côté de la planète, à Orenbourg, dans l’Oural, berceau de sa mère Raïssa (née Lesk), où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s’installer en France.
Il fit ses études secondaires au lycée Félix Faure (aujourd’hui lycée Masséna), à Nice, ensuite au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au Journal des débats, dans le service de politique étrangère.
Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l’Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kessel choisissait de prendre part aux combats, et s’enrôlait comme engagé volontaire, d’abord dans l’artillerie, puis dans l’aviation, où il allait servir au sein de l’escadrille S.39. De cet épisode, il tirerait plus tard le sujet de son premier grand succès, L’Équipage. Il termina la guerre par une mission en Sibérie.
Ainsi, quand le conflit s’acheva et que Kessel, dès qu’il eut atteint sa majorité, demanda la nationalité française, il portait la croix de guerre, la médaille militaire, et il avait déjà fait deux fois le tour du monde.
Il reprit alors sa collaboration au Journal des débats, écrivant également à La Liberté, au Figaro, au Mercure de France, etc. Mais, poussé par son besoin d’aventure et sa recherche d’individus hors du commun, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, il allait entamer une double carrière de grand reporter et de romancier. Il suivit la guerre d’indépendance irlandaise et la renaissance d’Israël ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premières lignes de l’Aéropostale, et navigua avec les négriers de la mer Rouge.
Son premier ouvrage, La Steppe rouge (1922), était un recueil de nouvelles sur la révolution bolchevique. Après « L’Équipage » (1923), qui faisait entrer l’aviation dans la littérature, il publia « Mary de Cork », « Les Captifs » (Grand Prix du roman de l’Académie française en 1926), « Nuits de princes », « Les Cœurs purs », « Belle de jour », « Le Coup de grâce », « Fortune carrée » (qui était la version romanesque de son grand reportage « Marché d’esclaves »), « Les Enfants de la chance », « La Passante du Sans-souci », « Le Lion », ainsi qu’une Biographie de Jean Mermoz, l’aviateur héroïque qui avait été son ami. Tous ces titres connurent la célébrité. L’œuvre de Joseph Kessel comporte 88 titres.
Avec Georges Suarez et Horace de Carbuccia, il fonda en 1928, à Paris, un hebdomadaire politique et littéraire, « Gringoire ». Romain Gary, qui deviendra plus tard son ami, y publia même deux nouvelles à ses débuts, « L’Orage » (le 15 février 1935), puis « Une petite femme » (le 24 mai 1935), sous son véritable nom, Roman Kacew. Joseph Kessel fut également membre du jury du prix Gringoire, fondé par l’hebdomadaire, parmi d’autres écrivains de l’époque et sous la présidence de Marcel Prévost. Lorsque le journal, « fortement orienté à droite, puis à l’extrême-droite », afficha des idées fascistes et antisémites, Gary renonça à envoyer ses écrits.
Kessel appartenait à la grande équipe qu’avait réunie Pierre Lazareff à Paris-Soir, et qui fit l’âge d’or des grands reporters. Correspondant de guerre pendant la guerre d’Espagne, puis durant la drôle de guerre, il rejoignit après la défaite la Résistance au sein du réseau Carte, avec son neveu Maurice Druon. C’est également avec celui-ci qu’il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s’engager dans les Forces françaises libres du général de Gaulle.
En mai 1943, dans l’enceinte du pub de Coulsdon The White Swan dans la banlieue sud de Londres, l’oncle Kessel et son neveu Druon composent les paroles du « Chant des Partisans » dont le premier titre était « Le Chant de la Libération » qui deviendra le chant de ralliement de la Résistance, et Kessel publie, en hommage à ces combattants, « L’Armée des Ombres ». Il finit la guerre, capitaine d’aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survole la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.
À la Libération, il reprend son activité de grand reporter. Il est l’un des journalistes qui assistent au procès de Nuremberg, pour le compte de France-Soir, et voyage en Palestine. Il reçoit le visa N°1 du tout nouvel état d’Israël quand il se pose à Haïfa, le 15 mai 1948.
Il continue ses voyages, ces fois-ci, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C’est ce dernier pays qui lui inspire son chef-d’œuvre romanesque, « Les Cavaliers » (1967).
Entre-temps, il avait publié « Les Amants du Tage », « La Vallée des Rubis », « Le Lion », « Tous n’étaient pas des anges », et il fait revivre, sous le titre « Témoin parmi les hommes », les heures marquantes de son existence de journaliste.
En 1950 parait « Le Tour du Malheur », livre comportant quatre volumes. Cette fresque épique, que l’auteur mit 20 ans à mûrir, contient de nombreux éléments de sa vie personnelle et occupe une place à part au sein de son œuvre. Elle dépeint les tourments d’une époque (La Grande Guerre puis l’entre-deux-guerres), des personnages sans commune mesure dans leurs excès et une analyse profonde des relations humaines.
Consécration ultime pour ce fils d’émigrés juifs, l’Académie française lui ouvre ses portes. Joseph Kessel y est élu le 22 novembre 1962, au fauteuil du duc de La Force, par 14 voix contre 10 à Marcel Brion, au premier tour de scrutin. Il tient à faire orner son épée d’académicien d’une étoile de David.
« Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France, déclara-t-il dans son discours, dont les ancêtres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et Juif de surcroît. Un Juif d’Europe orientale… Vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. De la sorte, messieurs, vous avez donné un nouvel et puissant appui à la foi obstinée et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixés sur les Lumières de la France. »
Citons encore ce bel hommage rendu à Joseph Kessel par François Mauriac, dans son Bloc-notes : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme. »
De sa naissance jusqu’à son Baccalauréat, Joseph Kessel voyage déjà beaucoup, avec sa famille, il s’installe successivement en Argentine, en Russie, en France. Ces différentes étapes forgent une éducation originale et riche, elles auront une influence certaine sur son désir d’action et d’aventures, et préparent aussi la carrière du reporter et du romancier.
Kessel se classe en effet lui même dans la catégorie des « voyageurs de naissance » pour qui, dit-il : « voyager n’est pas une profession, une obligation ou une distraction.
C’est une profonde exigence, une nécessité presque organique et qui, parfois, peut aller jusqu’à la fureur, la hantise que développe un vice. Le voyageur de naissance a besoin de mouvement, d’espace, d’évasion vers des terres toujours plus reculées et des visages toujours plus neufs comme le joueur a besoin du tripot, le savant du laboratoire, l’intoxiqué de la drogue, le sculpteur de la glaise »
Alors enfant, entre 1905 et 1908, il vit en Russie dont il dira plus tard : « C’est là que toute ma formation russe s’est effectuée. Orenbourg, c’étaient les cosaques, les caravanes qui venaient d’Afghanistan. Dans la steppe, il y avait des datchas, des résidences d’été. Les personnages de Dostoïevski, de Pouchkine, de Tolstoï, de Tcheknov étaient restés intacts en province » (L’Express, 26 mai-1er juin 1969)
A partir de 1908, Kessel et sa famille vont s’installer en France, à Nice, où Kessel étudie au lycée Félix-Faure (aujourd’hui lycée Masséna). C’est en classe de troisième que Joseph Kessel, déjà surnommé « Jef », rencontre son professeur de français, Hubert Morand, qui est aussi chroniqueur dans la presse parisienne. C’est cet enseignant qui lui permet, grâce à ses nombreux contacts, de travailler plus tard dans Le Journal des débats. Il exerce une grande influence sur Kessel, en lui suggérant des lectures variées – parmi lesquelles Alexandre Dumas, Honoré de Balzac ou Léon Tolstoï.
En 1913, la famille s’installe à Paris, Joseph Kessel est inscrit au lycée Louis-le-
Grand et c’est dans cet établissement connu qu’il obtient son Baccalauréat.
Dès cette époque, Joseph Kessel s’imagine en journaliste-reporter et passe à l’acte en composant son propre « journal », tiré à un exemplaire et destiné à ses proches et à ses camarades.
En 1915, Kessel rejoint le service de politique étrangère du Journal des Débats : il est chargé de traduire des articles russes.
La guerre terminée, il se voit attribuer, en 1919, son tout premier « grand reportage » : couvrir le défilé de la Victoire sur les Champs Élysées, le 14 juillet. À travers cet article, paru à la Une, Kessel présente son style d’écriture : un style dépouillé qui se définit comme étant simple, sobre et sans ornement. C’est pour lui, le début d’une prodigieuse carrière journalistique.
Paris-Soir, le quotidien français est fondé à Paris en 1923 par Eugène Merle, un militant anarchiste.
Puis repris en 1930 par Jean Prouvost, un industriel issu de l’industrie textile du Nord, qui en fait un très grand journal, aidé de Pierre Lazareff, Hervé Mille et Charles Gombault. Le quotidien tire à un million d’exemplaires dès 1933, près de deux millions en 1939, et publie des articles signés de Joseph Kessel, Blaise Cendrars, Antoine de Saint-Exupéry.
Pendant la guerre, le 11 juin 1940, Jean Prouvost quitte Paris et continue ses activités à Nantes, puis en zone non-occupée, tandis que les locaux parisiens de son journal sont utilisés par les nazis qui font paraître leur « Paris-Soir », du 22 juin 1940 au 17 août 1944. Paris-Soir est interdit à la Libération.
En 1938, la guerre civile entre Républicains et franquistes fait rage de l’autre côté des Pyrénées. Kessel part en Espagne : il doit rapporter les combats dans les barricades républicaines. Il parvient à se rendre à Barcelone, Madrid et Valence pour relater la tragédie de la guerre civile, échappant de justesse à la mort.
Kessel est correspondant de guerre pour Paris-Soir, durant la Seconde Guerre mondiale : il rejoint le front à Nancy et se rallie très vite la Résistance, sur la Côte d’Azur, puis à Londres où il rencontre le chef de la France libre, le général De Gaulle.
© Hubert Bouccara
Spécialiste de Kessel, Hubert Bouccara tient “La Rose de Java“, librairie hors-norme entièrement consacrée à l’œuvre de Gary et Kessel, et décrite par Denis Gombert comme “un lieu atypique, vrai petit coin de paradis parisien pour lecteurs passionnés”.
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