J’avais beaucoup aimé Le Tranchant de la lumière, d’Évelyne Tschirhart. Professeur honoraire d’art plastique, peintre et photographe, elle a publié plusieurs ouvrages sur l’état de l’école en France. Son dernier livre, Chroniques citoyennes d’un suicide programmé, élargit la cible en abordant les différents domaines de la décadence française. Son diagnostic est clair, son style plein de verve et d’humour.
« Depuis une trentaine d’années, voire plus, notre pays s’enlise dans l’abandon de son identité : celle de la famille, de la religion, de la culture, pour laisser la place à une société multiculturelle vouée à la décadence politique, au profit d’un totalitarisme encore feutré, mais où la violence fait force de loi ».
Pour illustrer ce constat, que de nombreux observateurs ont fait depuis plusieurs décennies, l’auteur aborde des sujets aussi divers que l’enseignement (qu’elle connaît bien pour avoir été institutrice puis professeur), les mœurs, l’islam ou l’art contemporain. Ce livre réunit des chroniques parues depuis une dizaine d’années dans différents médias et revues français.
Le livre s’ouvre sur cette anecdote rapportée par Allan Bloom en 1985, qui n’a rien perdu de sa pertinence :
« Quand j’ai commencé à prendre conscience du déclin de la lecture, c’est-à-dire vers la fin des années soixante, j’ai pris l’habitude de demander aux élèves… quels étaient les livres qui comptaient vraiment pour eux. La plupart d’entre eux demeuraient muets… La notion de livres considérés comme des compagnons de route leur est étrangère » (in L’âme désarmée, essai sur le déclin de la culture générale).
Comme souvent, les observateurs américains les plus lucides (parmi lesquels on peut citer, outre Allan Bloom, le nom de Neil Postman) ont décrit une réalité qui a depuis gagné les autres continents. L’originalité du livre d’Évelyne Tschirhart est de relier le déclin de l’enseignement et de la culture générale à d’autres sujets, apparemment différents, en montrant comment ils participent du même phénomène.
Ainsi de l’art contemporain (AC), cet « art du vide » dont elle montre les présupposés idéologiques en critiquant avec humour ses thuriféraires. La partie du livre consacrée à l’islam contient des réflexions importantes, de même que celle sur l’enseignement. L’auteur rapporte des anecdotes tirées de son expérience, comme cet échange ubuesque entre une jeune prof s’adressant ainsi à ses élèves :
« Taisez-vous, vous me faites ch… »,
pour se voir répondre :
« M’dame, ça se fait pas, et le respect alors ! ».
Pour un lecteur israélien, la lecture du livre d’Évelyne Tschirhart procure un double sentiment. Celui que notre pays partage beaucoup des travers analysés en France, tout d’abord. Mais aussi celui que notre sort est malgré tout plus enviable, car – pour reprendre une métaphore du rav Kook – les maux et les épreuves que nous subissons en Israël sont les « douleurs de l’enfantement », tandis que celles de la France sont visiblement (on aimerait se tromper) les « douleurs de l’agonie ».
Un livre salutaire. PL♦
Pierre Lurçat
Source: http://vudejerusalem.over-blog.com/
E. Tschirhart, Chroniques citoyennes d’un suicide programmé, éditions de Paris/Max Chaleil 2021.
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