Qu’on me donne l’envie…
Et si ce diagnostic précoce et oublié d’Emmanuel Macron sur l’état de la France était le bon ? Dans une société où les mœurs et le religieux sont bouleversés, panser nos plaies est extrêmement complexe pour le politique.
Dans son livre programme Révolution, publié en novembre 2016, le candidat Emmanuel Macron écrivait : « Notre situation actuelle n’est ni acceptable ni tenable. Nous sommes comme recroquevillés sur nos passions tristes, la jalousie,la défiance, la désunion, une certaine forme de mesquinerie, parfois de bassesse, devant les événements ». [1]
Le candidat Emmanuel Macron voulait réveiller les passions joyeuses des Français : c’était le but de son engagement. Une fois élu, il n’a d’abord pas dévié de cette ligne de conduite. À de nombreuses reprises, il a évoqué les passions tristes dont les Français étaient, selon lui, la proie, au point que le 3 octobre 2017, le Huffington Post publiait un article intitulé : « Décidément, Macron est vraiment passionné par les “passions tristes” de ses opposants [2] ».
L’article rapportait, qu’interpellé par une journaliste de l’AFP en marge d’une visite chez un sous-traitant de Whirlpool près d’Amiens, le chef de l’État avait, à propos des critiques émises contre sa politique économique qui favoriserait les plus fortunés, fustigé « ces formules dans lesquelles les passions tristes françaises aiment s’enfoncer ». Le 14 octobre 2017, le président Emmanuel Macron donnait un entretien au Spiegel dans lequel il affirmait : « Je ne céderai pas au triste réflexe de l’envie française. Parce que cette envie paralyse le pays ». Ainsi, quand Emmanuel Macron emploie l’expression « passions tristes », qu’il emprunte au philosophe Spinoza, il désigne essentiellement la passion de l’envie, synonyme de jalousie dans le langage courant.
Le rôle de l’envie dans la crise des gilets jaunes
En octobre 2018, le mouvement des gilets jaunes éclatait suite à une hausse du prix du carburant, en raison de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) par le gouvernement. Ce mouvement trouvait sans doute en partie son origine dans la passion de l’indignation, laquelle répond à un sentiment d’injustice, mais s’est aussi greffée à celle-ci celle de l’envie, qui répond à un sentiment de diminution et d’infériorité, et du ressentiment ; autrement dit, de l’envie impuissante. La présence de l’envie peut se mesurer à l’aune des actes gratuits de violence contre les forces de l’ordre, des dégradations de commerces et de bâtiments publics et des pillages. La colère d’indignation étant au service de la justice, elle ne peut se servir de l’injustice. En revanche, la colère d’envie est vindicative : elle cherche à prendre sa revanche, à faire payer l’affront, l’humiliation de son infériorité ; elle substitue la vengeance à la justice. Le slogan « Fouquet’s à nous » écrit à la bombe sur les vitres brisées du restaurant Fouquet’s sur l’avenue des Champs-Élysées par les vandales qui l’ont saccagé en fournit la meilleure preuve. Il témoigne, d’une part, de l’envie de posséder ce restaurant de la classe aisée et, d’autre part, d’une impuissance qui préfère détruire plutôt que de ne pas pouvoir jouir. La destruction est une forme de possession puisqu’elle dépossède quiconque de l’objet détruit.
Cette colère d’envie inédite a même failli menacer le président Macron lors de son déplacement au Puy-en-Velay, le 4 décembre 2018, où sa voiture a été coursée par des manifestants. Cette nuit-là, le président a eu peur pour sa vie, comme le racontent les journalistes Cécile Amar et Cyril Graziani dans Le peuple et le président, le récit inédit d’un face-à-face historique. Cet évènement aurait constitué pour lui un électrochoc.
L’ENA bouc émissaire
Le président Macron a décidé de répondre à l’indignation du peuple par l’annulation de la hausse de la « taxe carbone » et la revalorisation du SMIC, mais il a aussi paru vouloir sacrifier à l’envie en annonçant, dès avril 2019, parmi les premières mesures nées du grand débat national lancé pour répondre à la crise des gilets jaunes, la suppression de l’ENA.
Lire la suite sur : https://www.causeur.fr/lenvie-source-de-tous-nos-maux-francais-205276
Excellent article (à lire absolument la suite sue « Causeur ») mais hélas partiel.
L’envie (la jalousie, si on préfère) est effectivement humaine et universelle, MAIS surtout une spécialité française et pour cause.
C’est l’héritage de la « Révolution » que nous adorons idolâtrer. A tort.
« Liberté égalité » (mettons la « fraternité », vœu pieu qui ne coûte rien, de côté pour l’instant) nous sont promis par la République.
Impossible car, entre autres, contradictoire : donnez à mille personnes égales en tous points dix ans à agir en toute « liberté » et à terme vous aurez mille personnes profondément inégales.
Et plus le temps passerait plus l’inégalité s’amplifierait de manière exponentielle.
Cette promesse bafouée est à l’origine d’explosions de colère. Attisées par l’exemple, le droit voire le devoir, donnés au peuple français par la glorieuse « Révolution », de régler ses comptes par les têtes qui tombent.
Le réflexe guillotinaire, toujours vivace et légitime car porté au pinacle par un discours public constant et surtout tous les quatorze juillet, est le vrai virus niché au cœur de l’ADN de la France.
La France n’élit un Président que pour brûler son effigie ; et le décapiter s’il s’obstine à le rester…