Mal au coeur. Ça fait mal au coeur.
Extrêmement significatif. En 1979, on entassait ces gosses pourtant intelligents mais en échec, sans trop les comprendre, dans les sinistres classes de CPPN (classes pré-professionnelles de niveau, ancêtres de nos actuelles SEGPA).
En 1979, les fréro-salafs n’avaient pas encore entrepris leur travail mortifère de réislamisation à marche forcée des populations maghrébines issues de la première immigration post-guerre d’Algérie, et des communautés d’origine subsaharienne issues de la décolonisation ; de la même manière, les indigénistes et autres intersectionnels convergents d’extrême gauche, qui n’existaient pas sur notre sol et ne faisandaient pas encore l’Université française, n’avaient pas, eux non plus, encore pourri la tête des première et seconde générations.
À cette époque, preuve en est, absence totale de questions et problématiques relatives à la religion et à la pratique bigote, perception parfaite du racisme comme problème global et universel et non pas ontologiquement blanc (dans les représentations, tout le monde était encore susceptible d’être raciste, immigrés compris, et tout le monde pouvait se retrouver cible du racisme, Blancs compris bien évidemment).
Mesure-t-on toutes les marches ratées depuis près de cinquante ans, allant d’une certaine politique de la ville et de conditions d’intégration complètement défectueuses (il faut regarder cela en face sans s’auto-flageller mais en déplorant la paresse politique absolument tragique de l’époque, ça crève les yeux), jusqu’à la responsabilité morale écrasante, accablante d’une certaine gauche qui, depuis la marche des beurs jusqu’à la manif « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019, déflagration de honte morale, intellectuelle et idéologique ayant, à mes yeux, acté ce jour-là la mort cérébrale de la plus grande partie de la gauche, en passant par la création de SOS racisme et par la première affaire des collégiennes voilées de Creil en 1989, a multiplié avec la dernière scélératesse les ferments de guerre civile.
Quel gâchis bon sang mais quel gâchis ! On a laissé coaguler puis se putréfier toute une époque où la bonne volonté était encore générale et où tout était possible parce que les constats étaient déjà dressés en pleine lucidité.
On ne mesure peut-être pas encore totalement à quel point furent tragiques la désinvolture politique et sociétale, la négligence, le cynisme et les lentes dérives d’une période qui nous a menés droit au cauchemar de partition et de balkanisation qui plane lourdement aujourd’hui sur nos têtes et nous menace tous où que nous soyons.
© Philippe-Emmanuel Toussaint
Diplômé en Droit public et en Littérature comparée diplômé à Paris-IV-Sorbonne, Philippe-Emmanuel Toussaint a été Editeur chez Pauvert et chez Sortilèges. Enseignant, Chercheur en littérature contemporaine, il est également auteur.
Poster un Commentaire