Pour l’avocat et essayiste, la gauche a aujourd’hui un emploi bien particulier de certains mots. Il dresse une liste de 26 d’entre eux qu’il s’efforce de définir à la lumière de l’actualité.
Abécédaire. Les mots étant comme on le sait des armes de manipulation passive, je consacrerai cette chronique ludique à la publication de l’abc de l’idéologie gauchisante à la lumière de l’actualité.
Bac. Autrefois exercice solennel de sélection d’entrée à l’université au moyen de l’effort et de la réflexion. Devenu pure formalité administrative débouchant sur le néant grâce à la réflexion et aux efforts des syndicats de l’éducation nationale.
Conservateur. Nom que l’on donne pudiquement à l’extrême-droite islamiste iranienne. Appellation strictement contrôlée par les caciques français de politique étrangère qui réservent exclusivement la seconde expression révulsive aux seuls politiciens occidentaux. C’est ainsi que le nouveau président de la République islamique, Ebrahim Raissi ,surnommé par ses opposants «Le boucher de Téhéran» pour sa responsabilité dans au moins 30.000 assassinats extrajudiciaires, n’est pas «un ultra- nationaliste d’extrême-droite» mais seulement un «ultra-conservateur». Dans le domaine voisin de l’ornithologie politique, le faucon ne vole qu’au-dessus de Washington ou de Tel-Aviv. Jamais nos observateurs à la vue d’aigle ne l’ont aperçu planant sur Téhéran.
Drague. Dans sa chanson «Paris au mois de mai» le grand Charles Aznavour se plaisait à «draguer les filles» en cette période printanière. Au regard de l’évolution des mentalités, il est permis de se demander si un tel comportement ne friserait pas aujourd’hui le harcèlement de rue. L’avocat rédacteur de l’article, dans l’incertitude juridique actuelle, ne saurait trop recommander le comportement le plus prudent.
Erreur. Bien que la gauche, de la célébration du communisme au regard extatique sur l’immigration massive en passant par le tiers-mondisme, se soit constamment trompée, elle ne regrette jamais ses erreurs. D’autant plus qu’on ne les lui reproche jamais. «On» étant la presse qu’elle contrôle largement. Bien au contraire, elle «préfère avoir tort avec Sartre que raison avec Aron». Ce qui revient à se féliciter d’avoir contribué à permettre aux Khmers rouges de perpétrer un génocide. Il est donc permis d’utiliser la citation précitée en vomitif. Autre occurrence: esthétisme.
Fascisme. Mot le plus galvaudé du monde, utilisé par la gauche de manière unilatérale pour discréditer sans phrases ses adversaires. L’intolérance, la violence, l’antisémitisme étant désormais davantage l’apanage de l’extrémité de cette gauche, un esprit ne craignant pas ce galvaudage verbal serait en droit de considérer que le fascisme a changé de côté. Celui-ci ayant néanmoins été fondé par le socialiste Benito Mussolini, puis par le national-socialiste Adolf Hitler, l’historien rigoureux pourrait considérer qu’il n’a en réalité jamais bougé. Autre occurrence: fachosphère (les mots bolchosphère ou islamosphère sont introuvables dans le dictionnaire).
Généraux. Militaires s’étant exprimés dans une tribune pour dire leur inquiétude sur l’État de la nation. Un tribun d’extrême- gauche ne répugnant pas au complotisme les a traités de factieux. La ministre des Armées a cru devoir entamer à leur encontre des poursuites disciplinaires bien que 58 % des Français aient approuvé leur prose (N.B: L’avocat rédacteur du présent abécédaire aura l’honneur d’en défendre certains).
Hamas. Bien que ce mouvement islamiste et antisémite programmant dans sa charte l’objectif de détruire un État soit classé officiellement par l’ensemble des pays démocratiques comme «organisation terroriste», la presse conformiste répugne à utiliser cette appellation pourtant internationalement contrôlée. Une organisation orientale se proposant de détruire un État-nation occidental ne saurait être tout à fait innommable dans l’inconscient médiatique encore dominant. Quoi qu’il en soit, lors d’un récent conflit, cet impensé idéologique a fait montre d’une absence totale d’esprit critique à l’égard du mouvement terroriste innommé. Autre occurrence: Hezbollah pour qui les mêmes remarques s’appliquent.
Immigration. Il y a encore peu, ce mot conceptuel faisait l’objet d’une contemplation extatique. Ceux qui ne participaient à cette extase collective et qui suggéraient que dans sa version massive et illégale elle pouvait présenter des risques d’insécurité physique et culturelle existentielle étaient rangés incontinent dans la catégorie du mot injurieux défini plus haut à la lettre F. Depuis quelque temps, à la lumière glauque de réalités récurrentes, la gauche médiatique se fait plus économe de l’expression injurieuse autrefois utilisée avec prodigalité.
Juif. Fantasmes évolutifs: il y a 50 ans, le Juif était considéré par la droite extrême en majesté comme une sorte de métèque apatride. Il est aujourd’hui vécu par la gauche extrême dominant encore médiatiquement comme un blanc au carré. Raison pourquoi l’idéologie progressiste répugne à présent à le ranger au rayon de la diversité à protéger.
Képi. Couvre-chef représentant l’État et la nation indigène détestée par les petits chefs des banlieues exogènes. Autrefois marque d’autorité. À ne porter aujourd’hui qu’avec prudence et circonspection.
Laval. Palindrome.
Médiatique. Voir l’ouvrage de l’auteur: Névroses médiatiques ou comment le monde est devenu une foule déchaînée (Plon). Ce mot est devenu pour raison idéologique, l’exact contraire de sa signification initiale signifiant «liens entre les gens». Les médias conformistes sont devenus des camps de rééducation. Quant aux réseaux sociaux, chaque individu isolé, relié électroniquement aux autres, se défoule souvent, sous couvert d’anonymat, à l’instar d’une foule encolérée. Névroses contre névroses.
Nation. L’un des mots les plus détestés du vocabulaire politique lorsqu’il s’applique à l’Occident. L’État-nation occidental, ses frontières, sa souveraineté seraient des vecteurs de haine nationaliste. Sous les pavés de 68 et ses «CRS/SS» on trouve l’antinazisme devenu fou. Dans l’inconscient collectif européen post- chrétien, gît une honte insoupçonnée de partager en commun la même couleur de peau que le nouvel Antéchrist moustachu ayant crucifié le peuple de Jésus. Sous la détestation de l’État-nation d’Occident: le racisme anti- blanc.
Occultation. La forme la plus courante de désinformation par l’abstention. Les médias conformistes grossissent ce qui les arrange et dissimulent ce qui les dérange. Matraquer médiatiquement les matraquages policiers, mais surtout pas un mot, pas une image d’agression par des antifascistes fascisants de catholiques en procession.
Palestine. Littéralement: la terre des philistins. Appellation punitive donnée par les Romains pour effacer la Judée des Judéens révoltés. Pour quelle raison cette appellation topographique concernerait davantage les Arabes que les Juifs est d’ordre purement idéologique. Toujours est-il que ces derniers que l’on nommait également Palestiniens jusqu’en 1948 ont été effacés du territoire lexical sans combattre. Dernier avatar de cette manipulation politique par le vocabulaire médiatique: Le Monde à présent ne nomme plus les «Arabes israéliens» mais les «Palestiniens d’Israël» ou les «villes palestiniennes d’Israël». Histoire d’écrire en creux que l’État du peuple Juif sur une partie du territoire de la Palestine historique ou de l’antique Judée ne saurait abriter légitimement une minorité ethnique ou religieuse.
Qatar. Les 6.750 travailleurs immigrés morts sur les chantiers de construction des infrastructures de la Coupe du monde au Qatar n’ont fait à ma connaissance l’objet d’aucun article dans un journal du soir.
Race. Mot tabou depuis 1945. Proscrit par la gauche qui se proposait même de le bannir du dictionnaire. À travers l’antiracisme professionnel et le racialisme obsessionnel, la gauche qui a depuis troqué la lutte des classes en lutte des races, utilise à nouveau ce substantif en gargarisme intensif.
Sexisme. Le sexisme est présenté par la gauche féministe comme dirigé contre les femmes. Illustration: «Ne pas avoir un mari, ça m’expose à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée !» (Alice Coffin, élue EELV à la mairie de Paris). Ou encore: «deux hommes sur trois sont des agresseurs» (Caroline De Haas, militante féministe, bénévole à temps partiel).
Transsexualisme. Voir aussi Trans. Il n’y a pas si longtemps la part de féminité ressentie par un garçon ou celle de masculinité par une fille ne donnait pas lieu à un trouble référencé. Il n’est aujourd’hui pas rare que des parents ancrés dans la modernité aillent consulter des chirurgiens pour leurs enfants sans désemparer. Pour certains, seule la masculinité trop assumée serait la marque d’une domination insupportable. La «transphobie» ne serait pas loin. À ce sujet, j’insiste dans mes articles sur le fait que la période actuelle doit être examinée sous un angle psychiatrique. Il est dès lors significatif de constater que les idéologues gauchisants ne sont pas avares du suffixe «phobe» pour qualifier leurs adversaires. Ce qui revient à tenir pour fous les individus ordinaires.
Université. Chose lue: à l’université Paris VIII, une enseignante a été empêchée de cours après avoir proposé le visionnage du J’Accuse de Polanski dans le cadre d’une séance consacrée aux représentations de l’affaire Dreyfus. Une quinzaine de jeunes femmes ont occupé la salle, accusant le professeur de complicité des crimes du réalisateur. Elle a fini par quitter la pièce. Tout va bien.
Vie. Le caractère sacré de la vie est à géométrie philosophique variable. Celui d’un assassin d’enfants condamné est total. Celui d’un enfant innocent de neuf mois dans le ventre de sa mère, nul, de par un vote cet été de l’Assemblée nationale et progressiste autorisant l’avortement en cas de «risque psycho-social». On n’est pas obligé d’y voir un progrès, mais plutôt un infanticide.
White. Mot anglais signifiant «blanc». Le New York Times a décidé de l’écrire en minuscules pour rapetisser les intéressés. Au rebours de Black impérativement en majuscules. Autre occurrence: woke.
Xénophilie. Définition: dilection pour l’altérité. Contraire: Xénophobie. Mais procédant de la même démarche essentialiste. J’ai formé ce barbarisme il y a 20 ans dans Le Figaro, il figure aujourd’hui dans le dictionnaire. Sans doute en raison de son irrésistible barbarie. L’extrême-gauche progressiste refusant d’y résister.
Yémen. Depuis 2014, la guerre civile yéménite a causé plus de 250.000 morts. Les médias occidentaux n’y ont consacré que quelques milliers de mots. Le conflit israélo-palestinien n’a pas engendré le dixième de ce bilan depuis sa naissance, on comparera sa médiatisation. Si la responsabilité des blancs n’est pas mise en cause, les victimes qui ne le sont pas n’intéressent pas les journalistes antiracistes.
Zadiste. Héros pour la gauche écolo, n’ayant pris aucun risque. Autre occurrence: Zéro.
© Gilles-William Goldnadel
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
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