Le nouveau gouvernement israélien a fort bien négocié la première situation complexe à laquelle il avait à faire face hier.
D’une part, sous la houlette de Benny Gantz, le ministre de la Défense, en parfaite coordination avec le Shabak [le contre-espionnage], la Police et l’Armée, il est parvenu à transformer la marche des drapeaux provocatrice des suprémacistes juifs dans la vieille ville de Jérusalem en non-événement.
Gantz y est parvenu en deux temps : d’abord en déployant des policiers en nombre disproportionné, qui ont refoulé les foules de jeunes Arabes qui cherchaient le contact avec les suprémacistes.
Sans ménagement, pour leur montrer que la muraille n’avait pas de faille, mais sans recours inutile à la force.
Ensuite, en changeant au dernier moment, sans entrer dans des palabres interminables avec les organisateurs, le tracé de la manifestation.
Là aussi, des forces de l’ordre en surnombre – et il en fallait, il y avait 5 000 jeunes orthodoxes gonflés à bloc – ont canalisé la marche en l’obligeant à emprunter le circuit décidé par le Shabak et le Renseignement de la Police. Un cheminement qui évitait partout les quartiers arabes.
C’était si bien exécuté que cela avait l’air simple. Si bien fait, que même Ben Gvir, l’adorateur de l’assassin de masse Barukh Goldstein ne tarissait pas d’éloges pour le nouveau gouvernement.
Le nouveau cabinet venait de démontrer qu’il est possible de déléguer des décisions aux ministres en charge, qu’ils étaient compétents chacun dans son domaine, et crédibles.
Le gouvernement, qui avait investi ses bureaux depuis moins de 24 heures, avait aussi fait la preuve qu’il était désormais possible de séparer le sécuritaire du politique. Ce qui n’était pas le cas sous Netanyahu, qui ne pouvait s’opposer aux intentions des Hassidim sous peine de risquer de perdre son fragile « bloc national », pour moitié composé de partis antisionistes. La grande rigolade.
Lorsque l’on n’est pas obligé de survivre politiquement afin de pouvoir éviter des échéances juridiques, on peut se permettre d’être ferme mais juste. De pouvoir dire non sans humilier qui que ce soit. Sans transpirer non plus.
Une fois le problème potentiel causé par la marche des étudiants des yeshivot [école toraniques] résolu, on pouvait se préoccuper du Hamas.
Ce dernier avait cru pouvoir lancer impunément 25 ballons enflammés sur le pourtour de Gaza durant la journée précédant la marche, causant de multiples foyers d’incendies.
Je ne suis pas un grand fan de Naftali Bennett, mais je me rappelle l’avoir entendu dire qu’il fallait réagir aux ballons incendiaires de la même façon que face aux roquettes.
Les autres intervenants, les ministres Lieberman et Gantz, de même que le Renseignement et l’état-major de Tsahal partagent ce point de vue.
Nous aussi, à la Ména, sous l’angle stratégique et tactique de l’opposition à l’organisation terroriste islamique du Hamas, nous ne cessons de l’écrire depuis des années.
Ce qui, conjugué, a fait qu’au milieu de la nuit, le Khe’l Avir, l’Aviation israélienne, a lancé six raids contre des infrastructures principales de la milice de la branche palestinienne des Frères Musulmans [le Hamas]. Dans tout le Califat, de Gaza-city à Khan Younès au Sud.
Une riposte d’une ampleur jamais égalée par Netanyahu en douze ans de pouvoir en réplique à des lancers de ballons.
La frappe fut à ce point convaincante, que le Hamas n’a pas cillé. Pas une seule roquette n’a été tirée sur Israël en « riposte » à ces raids. Ni pendant la nuit, ni durant ce mercredi. C’est d’ailleurs pour nous en persuader que nous avons attendu le soir afin de proposer cet article.
La sextuple attaque avait été accompagnée d’un avertissement à l’intention des chefs de l’organisation terroriste djihadiste : « L’armée israélienne est prête à tout scénario, y compris une reprise des hostilités face à la poursuite des activités terroristes depuis la bande de Gaza ».
Mais ce n’est pas tout. Israël a mis à profit la situation délabrée des califes de la bande côtière suite à l’opération Gardien des Remparts. Les raids de la nuit dernière constituent la prolongation de ladite confrontation.
Une fois n’est pas coutume, Tsahal n’a pas attendu que le Hamas se réarme et se réorganise pour le frapper fort. Ce que les avions à l’étoile de David ont accompli la nuit dernière, c’est ce que nous appelons à la Ména des « frappes d’entretien ».
Les stocks de roquettes de l’ennemi sont au plus bas. Nombre de ses « artilleurs » sont hors de combat. La moitié de son réseau de tunnels est effondré. Les ateliers de fabrication sont détruits, ne le laissons pas les restaurer. Chaque fois que possible, à chaque opportunité, détruisons ce qu’à grand peine la milice islamique vient de reconstruire.
Nous mettons ainsi à profit notre capacité infiniment supérieure à celle du Hamas d’entretenir un affrontement de longue durée.
Dans une réflexion plus étendue, c’est ce que nous avons maintes fois expliqué dans ces colonnes : il faut assommer le Hamas de façon décisive – comme cela a été fait lors de Gardien des Remparts -, puis se retirer et l’empêcher de se relever.
Avec l’arsenal dont il dispose actuellement, s’il ouvrait le feu sur Ashkelon, Ashdod, Sdérot ou Tel-Aviv, il se ferait fesser. De la position de génuflexion, il passerait à la posture couchée.
En renforçant ces frappes par des mesures civiles, le contrôle de la zone de pêche autorisée au large de Gaza, la fouille bien plus tatillonne des camions qui traversent le point de passage de Kerem Shalom à la recherche d’armes et de matériaux interdits, une coopération encore renforcée avec l’Egypte, notamment face à la contrebande en provenance du Sinaï, le doigt tendu en direction des manettes commandant la fourniture de pétrole et d’électricité à l’enclave palestinienne, le Hamas ne se relèvera pas. Il passera son temps à ramper et laissera en paix les habitants des agglomérations israéliennes du pourtour de Gaza, de même que ceux du Califat par ailleurs.
Israël contrôle aussi l’argent que le Qatar remet en cash aux gouvernants de Gaza. Et jusqu’à maintenant, depuis la fin des hostilités, Jérusalem n’a pas laissé passer un dollar qatari.
Si le Hamas désire reconstruire, il devra avant tout montrer patte blanche. Ce qui signifie qu’il devra nous convaincre que l’argent et le ciment ne serviront pas à rebâtir le réseau souterrain et à fabriquer de nouvelles roquettes.
C’est assez facile, car Israël avec son allié égyptien a absolument tous les atouts en main.
S’il ne les utilisait pas jusqu’à présent, ces atouts, c’était à cause de la conception stratégique lacunaire de Binyamin Netanyahu. Celle-ci se limitait à obtenir des périodes de calme nécessitant l’acquiescement du Hamas, au bout de négociations interminables au Caire, sous les hospices du Renseignement égyptien.
Cette fois-ci, il n’y a pas d’accord de cessez-le-feu. Pas de clauses ni de conditions. L’entente minimale : vous ne tirez pas, nous ne tirons pas non plus.
Netanyahu s’imaginait aussi, en ne tenant pas compte de l’avis des experts de Tsahal, que les options étaient soit la réoccupation complète de la bande de Gaza, soit des campagnes qui n’allaient pas à leur terme et qui se concluaient par des cessez-le-feu négociés.
Alors que l’on peut taper fort, estourbir le Hamas, se retirer rapidement et entretenir les acquis par des frappes limitées.
Le troisième tenant de la doctrine bibiste pour Gaza était de maintenir le Hamas en vie, de le laisser respirer. Ainsi, pensait Netanyahu, la communauté internationale ne pourrait pas obliger Israël à reconnaître un Etat palestinien alors que la Cisjordanie était gouvernée par le Fatah et Gaza, par des djihadistes qui refusent obstinément à l’Etat hébreu, sous toutes les configurations possibles, le droit d’exister.
Ce n’était pas faux, mais Netanyahu n’était pas suffisamment disponible, et n’écoutait pas assez les experts pour réactualiser sa stratégie. C’était un homme seul et traqué. Alors que pour déterminer la stratégie optimale, il faut travailler en équipe, rester flexible et à l’écoute, et se remettre tout le temps en question. Impossible à faire lorsque l’on doit se défendre dans trois procédures pénales diligentées contre vous.
On prend alors des décisions à l’emporte-pièce, et l’on n’est pas capable de différencier son intérêt personnel de celui du pays que l’on est censé diriger. Pour finir, on a la conviction qu’il ne se passe jamais rien de nouveau sous le soleil, on fait confiance à ce que l’on connaît, on est persuadé que la situation est indénouable, et on passe son temps à refaire les mêmes erreurs.
Netanyahu avait surtout peur que Mahmoud Abbas et le Fatah ne mettent la main sur Gaza et ne réclament l’émancipation des Palestiniens. Mais Abbas est vieux et au bout du rouleau. Il n’est plus le chouchou des pétro-dynasties arabes ni de l’Egypte qui ont tourné la page. Il ne contrôle pas sa police et n’a pas les moyens militaires de s’imposer dans la bande côtière, même si on la lui servait sur un plateau d’argent.
Ses ambitions aujourd’hui revues à la baisse se limitent à rester au pouvoir en Cisjordanie, ce qu’il ne peut parvenir à faire qu’avec l’aide ininterrompue du Mossad.
Ce dont il est capable, c’est d’être présent aux discussions du Caire et d’exiger que l’Autorité Palestinienne soit le récipiendaire unique de l’aide qatarie, ce qui a provoqué l’annulation des rendez-vous dans la capitale égyptienne, le Hamas n’étant pas prêt à négocier sur ces bases.
Mais attention Hamas ! Les leaders du nouveau gouvernement s’entendent sur la nouvelle stratégie – ne pas laisser l’ennemi se réarmer, le frapper très durement au cas où il commencerait un nouveau conflit, réagir brutalement à chaque provocation, et utiliser la méthode des « frappes d’entretien ».
Bennett, Lieberman, Gantz, Lapid et compagnie ne craignent pas le Hamas. Il ne partagent aucunement les préoccupations de l’ex-Premier ministre.
Le Hamas est en train de le comprendre. Le Hamas comprend vite les choses qu’on lui explique bien. Et l’autre Abbas, Mansour, l’allié musulman israélien de la nouvelle coalition a saisi que s’il voulait durer et devenir le référent au gouvernement de la minorité des deux millions d’Israéliens musulmans, il devait se tenir à l’écart des questions sécuritaires d’Israël. Ou alors protester pour la forme, en chuchotant.
Le nouveau gouvernement a passé son premier examen haut la main. S’il continue de fonctionner ainsi, en laissant les egos au vestiaire, non seulement les Israéliens auront oublié Netanyahu dans trois mois – ils ont la mémoire très courte – mais aussi ceux du Sud pourraient vivre dans la paix et dans le calme. A partir de très bientôt. Le Hamas est conscient que s’il bouge, il ira au-devant de destructions qu’il n’a encore jamais imaginées.
Photo :
Six frappes lourdes du Khe’l Avir la nuit dernière à Gaza
Jean Tsadik © Metula News Agency
Au vu de l’importance et de la pertinence de cette analyse de Jean Tsadik, le conseil de rédaction de la Ména a décidé de le proposer exceptionnellement en accès libre.
Analyse séduisante et optimiste! Pourquoi l’avoir encombrée d’allusions aux procès à venir de Netanyahu ? Il n’est ni condamné ni même jugé et des journalistes crachent leur venin sur lui ! Ce n’est rien de plus que de la haine et cet article si laudateur du nouveau gouvernement n’en n’avait pas besoin . Chez La Fontaine on parlait du coup de pied de l’âne au lion blessé !
J ai assisté a yom yeroushalaim, il y a quelques années c etait l ancetre de cette » marche des drapeaux »
Je n y ai pas aperçu de » supremacistes » juif , j y ai vu les ouvriers de certaines usines defiler en bleu de travail, les gamins des ecoles et tout le bon peuple juif crier sa joie d avoir retrouvé sa terre et sa ville .
Mr Tsadik , que j apprecie par ailleurs , devrait eviter de transposer ses fantasmes occidentaux et son ideologie clairement preceptible et nous donner une vision un peu plus honnete de la realité sociologique de Jerusalem .
Il me semble que les discours supremacistes sont tenus par les fascistes arabes qui siegent a la knesset et vivent grassement aux depens de la democratie israelienne .