17 juin. Axel Kahn livre « Ultime combat d’Axel, le loup »

Ultime combat d’Axel, le loup           

Axel, le loup reconnaissant, desserre les dents, son sourire n’est pas crispé (17 juin)

Je n’avais aucun projet à l’hôpital en partageant des images émouvantes et belles qui s’imposaient à moi malgré la douleur et les étranges réveils d’anesthésie. Par la fenêtre de la chambre d’hôpital, les aubes bleues recelaient des promesses que je faisais connaitre. Du 7e étage sur la Butte de Suresnes, on voyait ce que Paris a conçu de plus inventif et souvent harmonieux depuis le XXe siècle, je le faisais remarquer au même titre que j’aime attirer l’attention sur les beautés inattendues du bord du chemin. Dans un univers où la mort possible est omniprésente, j’évoquais la vie très naturellement tant elle me semblait seule en valoir la peine.

De retour en soins palliatifs à domicile, j’observe les mêmes tendances, enrichies des ressources d’innombrables images en mémoire des disques de mon ordinateur et du cloud. Les rencontres sincères, les reconstitutions illustrées de merveilleux souvenirs, les retrouvailles improbables et délectables, un met apprécié arrosé d’un breuvage qui lui convient à la perfection m’apportent de multiples confirmations que plus la vie promet d’être brève, plus il importe d’en faire une œuvre d’art inouïe.

Je n’avais à l’hôpital nul dessein de prosélytisme. Vivant une situation de ce type, j’ai senti poindre puis monter en moi une irritation indignée d’une sorte de promotion presque exclusive de la mort parée dans ces circonstances de bien singulières « vertus », comme si elle pouvait vraiment être vertueuse. J’ai alors non pas grossi mais au moins souligné le trait, seule la vie est belle.

Un phénomène d’une ampleur imprévue s’est alors développé sur ce blog, sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook et leurs messageries spécialisées, par courriels, lettres, messages SMS, voire appels téléphoniques : des centaines, sûrement des milliers de personnes se sentent en résonance avec ce vécu et cette manière de le rapporter, ils tiennent à en témoigner. D’autres profitent de cette occasion pour m’envoyer un message d’intérêt pour mes analyses, parfois de fidélité ou d’amitié, voire d’affection. Des salariés et bénévoles de La Ligue s’ajoutent par d’autres canaux à ce mouvement de sympathie, pour la vie autant que pour un homme. Ils témoignent alors collectivement de l’importance pour les personnes malades d’une démarche qui ne présenterait plus la mort comme seule désirable pour celles qui ne guériront pas.

Je profite de cette observation pour lancer dans les départements et au niveau fédéral de La Ligue l’idée d’une grande action de promotion du concept d’une fin de vie qui se consacre à la vie elle-même  et à ce qu’elle peut apporter de positif tant qu’elle est maintenue.

Les centaines ou milliers de messages qui me sont adressés permettent de découvrir un autre aspect des réseaux sociaux. Ils ne sont pas par nature cantonnés à l’aboiement, à l’injure, à l’étalage de l’inculture, aux insanités, aux mensonges et aux absurdités. Les réponses à mes billets sur mon blog, sur Twitter et sur Facebook sont quantitativement plus importantes que mes billets, certains ne le cèdent en rien en poésie, cohérence, pertinence, profondeur de l’analyse, étalage de solidarité, affection perceptible. Des éditeurs y trouveraient de la matière. Leur nombre m’empêche d’y répondre, ce serait de ma part un investissement presque à plein temps de fin de vie. Pardon, amies, amis, pardonnez-moi ce silence qui n’est pas de l’indifférence mais seulement de l’émotion si profonde qu’elle conduit Axel le loup à sourire, et ainsi à desserrer la mâchoire.

Le rideau de ce blog est de ce fait maintenant tiré. J’y ai exprimé ce qui m’importait le plus, les exigences de l’atténuation de la douleur poussent mes médecins, en accord avec moi, à augmenter les doses d’opiacés qui m’éviteront de n’être qu’un corps martyrisé.

Puis, je l’ai dit, la main dans la main des miens qui seront transpercés de mon amour, moi-même nimbé de leur amour, je m’endormirai, ils me verront m’endormir.

Je ne serai bientôt plus, ils seront encore, je les accompagnerai. Eux et les autres dont je me suis efforcé d’honorer la confiance.

Axel, le loup, s’apprête à laisser se faire les choses qui doivent se produire, souriant.        

Axel Kahn, le 17 juin 2021, 12h.

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