
Mila ? Outre qu’elle est aujourd’hui, à son corps défendant, un symbole, et pas n’importe lequel, elle est désormais un de ces sujets qui divisent à jamais. Comme le furent l’Abolition. La Tragédie de Charlie. Le Procès fait à Georges Bensoussan. La faute judiciaire de l’Affaire Sarah Halimi.
Entendez par ces mots que lâches et infréquentables à jamais sont ceux qui détournent le regard. Qui esquivent le sujet. Qui osent ce pleutre Oui Mais.
A narrer son histoire à quelque Candide, on s’étrangle à se demander comment diable le pays où fut supplicié jusqu’à la mort le Chevalier de La Barre a pu en arriver à cette effarante situation où une adolescente vit depuis 2 ans cloitrée pour avoir un jour du XXIème siècle blasphémé.
S’ils sont nombreux à s’être exprimés, j’en sais beaucoup, impardonnables, qui se sont abstenus, la raison étant désormais si connue qu’il faudrait ne plus la dire, au risque d’énerver ceux-là que justement la France soumise et à genoux ne veut surtout pas énerver, et pire encore aux bras desquels elle défile afin que fût dissipé tout malentendu encombrant qui risquerait de mettre les couards en délicatesse avec ceux qu’on nous a vendus comme les Chances pour la France.
On s’étrangle devant cette imposture qui le dispute à la mascarade et desquelles nous fûmes tous pris au piège, de crainte de tomber sous le sceau de l’infâmie suprême, Entendez l’accusation d’islamophobie.
Peu lui chaut à Mila qu’avant Elle il y en eût tant d’autres, et pas des moindres, et Croyez-vous la consoler en lui contant les déboires d’un Théo Van Gogh, d’un Salman Rushdie ou d’un Georges Bensoussan.
En est-il un seul qui croie qu’Elle n’y pense pas d’elle-même, Mila, aux visages de nos amis de Charlie ou à celui du Professeur qu’un barbare décapita pour la cause.
Oui Mila est le symbole éclatant de notre veulerie à tous et celui de nos renoncements successifs.
Oui Elle a raison de nous dire que son pays l’a abandonnée idéologiquement après s’être soumis honteusement
Et Oui encore, lorsqu’ils auront été condamnés, les lâches qui la menacèrent depuis leurs abris, attendant le demeuré qui viendra finir le sale boulot en la tuant, Elle mènera, elle, une même vie faite de gardes du corps, de confinement à vie, mais encore d’effroi.

Je suis abandonnée par une nation fragile et lâche. J’étais persuadée que mon pays n’était pas comme ça, mais je vois la lâcheté partout autour de moi. Personne ne fait rien parce que les gens ont peur, est-elle venue nous dire, visage découvert, et évoquant cette peur qui la paralysait mais jamais ne la ferait taire.
Comble de l’ironie : il ne reste à Mila comme seul espace de liberté que ces mêmes réseaux sociaux qui ont charrié, charrient et charrieront demain la haine ayant brisé sa vie, pour avoir dit à un lourdaud insistant que l’islam était de la merde et qu’elle mettait un doigt dans le trou du cul du Prophète.
Une vidéo qui me coûtera probablement la vie un jour, écrit-elle dans le livre qu’elle publie cette semaine et où elle évoque les assassins électroniques qui ont mis sa tête à prix : Oui, j’ai une vie de merde. Oui, je passe trop de mes soirées à pleurer dans mon lit pendant que vous vous dansez en after, ajoutant, pour évoquer sa mort symbolique, ce poignant Je suis invisible.
Si un jour elle a ployé, Si même elle a presque chuté et pleura comme une enfant lorsque son compte Instagram, le seul lien avec les autres, fut provisoirement fermé, celle qui était arrivée au Tribunal toute de rouge vêtue, altière et déterminée, et prévenait que la peur allait changer de camp, pour autant, Mila jamais n’a retiré un mot de ce qu’elle a dit : Si vous pensez que je vais formuler des regrets, refermez ce livre, écrit-elle en guise d’avertissement, revenant même sur le semblant d’excuses formulées sur le plateau de Quotidien, le 3 février 2020 : J’étais désespérée à ce moment précis. Je croyais que dire ça, comme on me l’avait conseillé, apaiserait la situation. Avec du recul, je ne pense pas un traître mot de cette déclaration. Et je sais que je n’ai pas d’excuses à formuler. Je ne m’excuse donc pas. Et je ne m’excuserai jamais.
Au cas où vous n’auriez pas entendu, elle poursuit, noir sur blanc, pourfendant la pusillanimité collective, qu’elle porte malgré Elle sur les épaules le combat qu’un pays entier devrait mener. Celui de la liberté d’expression : Devoir supporter un tel poids à mon âge est révoltant. Je suis abandonnée par une nation fragile et lâche. Je ne peux que me demander combien il faudra de victimes de ces horreurs pour que vous réagissiez enfin.
Depuis le 18 janvier 2020, celle qui vit escortée de flics en civil et autres Gardes du corps raconte que tous les jours de sa vie sont pris par des dépôts de plainte, des menaces à faire remonter : Avec mes parents, on se dit depuis le début que l’affaire Mila ne doit pas nous définir. Mais on n’arrive plus à avoir une vie à côté.
Je ne savais pas qu’il était aussi dangereux de critiquer l’islam. Au fond, les islamistes aiment ça. Ils disent qu’ils sont blessés, mais ce n’est pas vrai : ils choisissent d’être blessés. Quand je suis silencieuse, ils viennent me chercher. Ils ont besoin de moi, ajoute Celle qui a tout compris à la guerre qui lui est menée : elle sait qu’elle paye pour ces crimes dont on l’accuse et qu’elle n’a jamais commis : En aucun cas, je n’ai insulté les croyants. Je sais faire la différence entre les musulmans, que j’apprécie et qui pratiquent leur religion en paix et dans le respect d’autrui, et l’islam politique, ajoute-t-elle, revendiquant son droit au blasphème en France.
Elle raconte, bouchez-vous les oreilles, sa solitude. Cet enfer quotidien où il lui faut sortir avec perruque et chapeau. Elle liste tout qui s’est arrêté du jour au lendemain et nous dit combien c’est insupportable. Et comment elle n’y arrive pas. Elle ajoute qu’elle n’est pas si méchante qu’elle en a l’air. Je suis perdue. Toutes les portes se sont fermées pour les études et les métiers que j’aurais pu faire, nous dit-elle, ajoutant : Moi quand on me demande Tu te vois comment dans cinq ans ? Je me vois grande brûlée, avec une jambe arrachée ou peut-être morte. Peut-être que je serai morte dans cinq ans. Je ne vais forcément pas rester en vie.
Elle accuse aussi. Dénonce à raison : On a du mal à comprendre comment un lycée militaire n’a pas su assumer ma protection. Ceux qui sont silencieux et me soutiennent sont des lâches. Ça peut paraître prétentieux mais à part les gens endoctrinés, tout le monde sait que j’ai raison. Ça crève les yeux.
Face à une Élisabeth Badinter qui décrivit Mila comme bien plus civilisée que ceux qui lui promettent la mort ou à Monseigneur Aupetit, Archevêque de Paris, qui juge inadmissible que la jeune femme soit en danger de mort, on a d’un côté, les innommables Nicole Belloubet et autres Ségolène Royal, et, de l’autre, leurs jumeaux en lâcheté, ceux qui écrivent de ci de là un mot de soutien mais se retrouvent acculés à admettre, telle une Aurore Bergé qui s’est récemment signalée dans l’Affaire Sarah Halimi, que soutenir Mila est … dangereux. Que ça fait peur. Et puis Elle l’aurait bien cherché. Et son langage tout de même ! Pire : sa récidive ! Sa coiffure. Ses piercings. Son orientation sexuelle : tout. Ils n’écarteront rien qui leur servirait de … justificatif. Et surtout pas le risque, disent-ils, d’un attentat islamiste.
On pourrait lister tous ceux qui lui ont manqué. Rester ébaubi devant l’étrange silence des féministes françaises et autres associations LGBT. Devant celui de la prochaine Gay Pride qui ne saisira pas l’opportunité de la Marche des Fiertés[1] pour se poster à ses côtés. Regarder avec dégoût l’armée de tous les lâches, gauche et droite confondues, qui se taisent. Détournent le regard. Questionner les journalistes. La Classe politique dans sa quasi entièreté.
Le silence sur le sujet de ce Président que récemment nous voulûmes respecter malgré lui. Les mêmes piètres défenseurs de la laïcité que son Gouvernement a remis en lieu et place alors même que leur échec allait de pair avec un fort goût de collaboration. Et Jusqu’à cette décidément indicible Équipe de France prête à mettre ce soir Genou à terre mais infichue de s’ériger en quelque mur qui porterait le prénom de Mila et dirait qu’Il Suffit.
Devant une telle indigence de réactions, il faudra bien reprendre le combat pour expliquer encore et encore et encore le sens d’une Liberté d’expression pleine et entière qui ne saurait s’arrêter aux portes de l’Islam.
Chacun et Tous ensemble nous avons la responsabilité de la vie de Mila, condamnée vivante et à vie : On t’a fait prisonnière dans ton propre pays, lui ont dit justement ceux qui la pourchassent et dont une poignée vont demain[2] comparaître au Tribunal.
Je suis le Prix de votre Liberté, écrit cette Résistante[3]. Et ce cri nous oblige. Outre qu’elle n’a en rien failli, plus encore : Mila est notre avenir. Elle incarne cette République qui tangue devant nos compromissions. Elle est l’illustration de l’abyssale couardise d’une époque délétère prête à sacrifier ses principes fondamentaux par trouille. Celle de notre démission générale, nous qui restons silencieux et regardons ailleurs.
[1] 26 juin
[2] Le procès est renvoyé au 21 juin
[3] Sortie le 23 juin aux Editions Grasset