Qui a remporté la nouvelle série d’affrontements qui ont opposé récemment le Hamas et Israël ? La guerre des mots qui a suivi les combats aériens a profondément divisé le camp pro-israélien alors que le camp anti-israélien revendique une victoire historique du Hamas. Cependant, il est trop tôt pour répondre à la question.
Du côté pro-israélien, par exemple, Efraim Inbar et Dan Schueftan plaident en faveur du succès d’Israël en invoquant les souffrances endurées par le Hamas. Doron Matza, Seth Frantzman et Hanan Shai plaident pour son échec en invoquant des questions non militaires telles que l’union des Palestiniens contre Israël et la sympathie internationale qu’ils se sont attirée. Le gouvernement israélien prétend que les choses se sont déroulées comme prévu tandis que ses opposants de droite, comme Itamar Ben Gvir et Gideon Saar, décrient le cessez-le-feu qu’ils qualifient de « grave reddition » et de « gêne ».
Dans le camp anti-israélien, en revanche, on s’accorde à penser quasi-unanimement que le Hamas a gagné. Deux jours seulement après le début des combats, le chef du Hamas Ismaël Haniyeh annonçait déjà que son organisation avait « remporté la victoire dans la bataille pour Jérusalem ». De telles affirmations se sont multipliées après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu le 21 mai, lorsque Haniyeh a revendiqué une « victoire stratégique et divine » et a également annoncé que le Hamas avait fait « échec aux chimères des négociations, échec à l’accord du siècle, échec à la culture de la défaite, échec aux projets de désespoir, échec aux projets de colonisation, échec aux projets de coexistence avec l’occupation sioniste et échec aux projets de normalisation [des relations] avec l’occupation sioniste. »
De même lors d’un rassemblement de masse à Gaza, Khalil al-Hayya, un dirigeant du Hamas, s’est écrié : « C’est la fête dans toutes les villes de Palestine… parce que nous avons remporté cette victoire ensemble », et a ajouté : « Nous avons le droit de nous réjouir. … C’est l’euphorie de la victoire. » Ziad al-Nahala, le chef du Jihad islamique palestinien (JIP), s’est réjoui de la victoire de son organisation et a menacé de bombarder Tel-Aviv en représailles à « toute opération d’assassinat visant nos combattants ou dirigeants. »
Les supporters étrangers se sont également réjouis. Hassan Nasrallah du Hezbollah a décrit les attaques du Hamas contre Israël comme une « grande victoire », l’ayatollah iranien Ali Khamene’i a envoyé ses félicitations pour une « victoire historique » et le commandant de la Force Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique, Esmail Ghaani, a salué le combat qui a détruit « la fierté de l’armée sioniste. » (À son tour, un porte-parole du JIP a remercié le gouvernement iranien d’être le « partenaire de notre victoire. ») Même le Premier ministre marocain Saad Eddine El Othmani, qui avait signé quelques mois plus tôt un accord de normalisation avec Israël, a félicité Haniyeh pour la « victoire du peuple palestinien. »
Apparemment, la population palestinienne, elle aussi, était convaincue. En effet, dès l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à 2 heures du matin, « une vie bouillonnante est revenue dans les rues de Gaza. Les gens sont sortis de chez eux, certains criant ‘Allahu Akbar’ ou sifflant depuis les balcons. Beaucoup ont tiré en l’air pour saluer la fin des combats. De grandes foules « ont célébré la fin du conflit en chantant les louanges du Hamas. » Un peu partout, les réjouissances se sont prolongées jusqu’au milieu de la nuit :
Les habitants de Gaza ont applaudi depuis leurs terrasses. Des coups de feu de joie ont été entendus dans les quartiers plongés pour la plupart dans l’obscurité, quelques klaxons ont résonné depuis les voitures sillonnant les rues criblées de cratères d’obus, et des louanges à Dieu se sont élevées des mosquées dans et autour de la ville de Gaza. Les Gazaouis ont défilé sur la plage, brandissant les lampes de leur téléphone.
Les jours suivants ont vu des célébrations publiques à grande échelle organisées par le Hamas et son allié plus modeste, le Jihad islamique palestinien.
Ces réjouissances ont des implications politiques. Khaled Abu Toameh observe que « le Hamas a vu sa réputation augmenter considérablement parmi les Palestiniens en raison des tirs de milliers de roquettes et de missiles qu’il a lancés à travers Israël ». Les Palestiniens, conclut-il, « considèrent les dirigeants du Hamas comme les véritables héros des Palestiniens et cherchent à s’engager dans une lutte armée contre Israël ». Ils n’ont pas de temps à perdre avec Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne. En d’autres termes, la défaite sur le champ de bataille a rapporté au Hamas un bénéfice majeur sur le plan politique.
Faisant fi de ce que l’Associated Press décrivait comme « le tribut effrayant que la guerre a fait payer à d’innombrables familles palestiniennes qui ont perdu des êtres chers, leurs maisons et leurs entreprises », cet enthousiasme confirme la réputation d’antisionisme radicalisé des Palestiniens, qui ignore les attitudes ordinaires d’auto-préservation.
Pour revenir à la question centrale de savoir qui a gagné, le verdict ne dépend pas des doutes israéliens ou des fanfaronnades palestiniennes mais de ce qui va suivre dans les prochaines années. Le contexte actuel a conduit certains à s’aligner sur les propos du chef des opérations militaires israéliennes, Aharon Haliva, qui a dit que le conflit « serait considéré comme un succès pour Israël s’il produisait cinq années de tranquillité à Gaza ». Pour ma part, je ne le pense pas. Le succès ou l’échec dépendra plutôt de la propension du Hamas à déclencher ou non un nouveau cycle de violences contre Israël. Si c’est le cas, c’est le Hamas qui gagnera. Sinon, ce sera Israël. Autrement dit, il est trop tôt pour évaluer ces 11 jours de mai.
© 2021 par Daniel Pipes. DanielPipes.org,
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