Anna-Nina Bizougli. Mon « Tunis d’avant »

Ce matin j’ai envie de parler de Tunis, de mon Tunis d’avant…

Connaissez -vous Tunis ? Là je m’adresse aux jeunes qui ne connaissent de Tunis que le grondement de tonnerre  des jeunes Tunisiens, de la saleté post « révolutionnaire », du jasmin fané qui sent les ordures à ciel ouvert, la haine, la barbarie…

Je vais vous parler de mon Tunis, le Tunis des odeurs, le Tunis fraternel, le Tunis qui sent le lac dès qu’il « fait printemps », le Tunis où l’air est « d’une clarté de verre », où le printemps embaume la rose de l’Ariana, le Tunis amoureux qui s’offre d’une manière aristocratique et insouciante, le Tunis où les femmes étaient belles sous leur safsari en soie, dans leur robes à fleurs ou dans leurs tailleurs chics, arpentant l’avenue de France.
Le Tunis des belles ,des joyeuses, courant à leur rendez- vous sous les Arcades.


Le Tunis en fleurs le printemps venu, les bouquets de narcisses ravissant nos coeurs d’enfants… Les glibettes qu’on mangeait  à la sortie de l’école.
Les hivers, quand, frissonnant, on s’arrêtait pour le bol de SOHLOB avec une pincée de gingembre ou de sésame, ce breuvage magique qui nous réchauffait le coeur!


Tunis du mois de Juin, quand la pression des examens  se faisait sentir, où on allait Chez Bébert pour ses glaces, ensuite Chez Victor et sa fameuse citronnade mélangée de sirop d’orgeat… un socle de conditions qui annonçaient le bonheur à venir…


Tunis  rentrée des classes, où jeunes adolescents à peine sortis de l’enfance nos regards se croisent, se décroisent avec l’amour d’une saison scolaire … éphémères  souvent, durables parfois…
Tunis Bonheur, où les plus démunis d’entre nous savaient aimer avec leur coeut pour  seule fortune, le sillage de leurs doigts frôlant nos joues  et les plus audacieux nos lèvres.
Que d’amour, de beauté en Toi, Mon Tunis!
Ton odeur, l’odeur de ton lac, qu’on a comblé depuis, ton odeur porteuse de mille souvenirs…

Combien de fois, main dans la main, ai-je échangé des baisers sur tes berges… Nous possédions le monde et étions possédés par Tunis!

Tunis tu m’as blessée. Je porte tes cicatrices avec un orgueil souverain !
Tunis chantant… En partant de chez moi, tous les matins, de la Médina , traversant Bab El Khadra Oum Kalthoum, Abdel Wahhab ou Abdel Halim surgissaient des cafés et boutiques pour éteindre nos coeurs de leurs vibrants chants d’amour, chants qui faisaient trembler nos jeunes corps…

Nous savions transcender nos désirs et créer une distance entre nos frémissements et notre réalité d’adolescents adeptes du coup de poing sur nos coeurs!

Ô Tunis, Tu m’as aimée, bercée, blessée… Et maintenant tu m’offres ta face menaçante …

Je t’ai aimée, mais continuerai-je à t’aimer, à présent, telle que tu es?
Où sont ces moments magiques-physiques que tu m’offrais, l’été, quand les maisons, appartements, se vidaient, et où nous « habitions  » ce vide, pour flirter, loin des yeux réprobateurs d’adultes qui « ne comprenaient rien »?!

Où est passé ton air joyeux, ton air amoureux qui enflammait mes jeunes sens? Où est cette lumière magique de ton soir qui tombait brusquement, m’enveloppant de ce clair-obscur sensuel certains soirs, entre deux saisons?

Tunis tu es en moi… Je ne te pleure pas… Tu n’es plus ma belle, mon amoureuse: tu t’es transformée en laideur, tu es restée mon ivresse païenne… Tu es restée en moi Beauté sans âge, pure beauté simple ordinaire, ensorcelante…

Tu es en ma mémoire. J’aime à t’aimer Mon Tunis, mais vois-tu nous avons vieilli…

J’ai besoin de croire que tu retrouveras ta jeunesse volée.

J’ai besoin d’y croire d’autant plus que le socle de mes certitudes se lézarde de jour en jour…

Je t’aime et t’ espère encore et encore, ceux que tu as « touché » ne s’en remettront jamais…

Même la rive d’en face ne t’a  pas effacé de mon coeur, je te porte à bout de mémoire …
Ô Tunis j’aurais bien serré tes remparts dans mes bras …

Non… Toi tu me serres le coeur.

© Anna-Nina Bizougli

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3 Comments

  1. Que c’est beau. J’ai même pleuré, mais à quoi bon, nous avons vieilli et la mémoire se fait plus courte. En fait, c’est dur de le dire, mais je ne la regrette pas ma Tunis. Parce que je ne la reconnais pas. Ça devient un souvenir lointain. Oui, nous étions heureux.

  2. Bravo Anna Nina.
    tres beau texte…Moi aussi je suis un « touché » de Tunis que j’ai quitte en 67 a l’age de 19 ans .Moi aussi j’ai fait les mêmes parcours sur les rives du meme lac avec les mêmes amours passagères ..que de nostalgie…je n’y suis plus retourne et je n’y retournerais jamais….

  3. j’ai désl armes aux yeux ét la gorge sèche, je ne peux rien dire de plus, c’était simple mais c’était beau et riche de souvenirs .

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