Jacques Neuburger. Côte de boeuf Versus Corrida

Une revue, chaque jour un peu plus notoire et qui navigue plutôt dans l’extrême du spectre des publications les plus à droite, vient de nous publier une sorte d’éloge de la corrida.

Puis-je commencer par dire que ma culture israélite et humaniste et ma tendresse pour les bovins m’interdisent de partager une côte de boeuf et même une simple salade avec un(e) amat(rice)eur de corrida?

Évidemment, si j’étais taureau, à mourir pour mourir, je choisirais l’âge tendre, je choisirais la corrida, ayant l’espoir fou de pouvoir faire un tour d’arènes avec l’homme aux habits de lumière joliment encorné entre les banderilles avant de succomber glorieusement  sous les bravo des afficionados…

En tant qu’être humain je n’envie nullement les pistonnés qui après le match presque toujours terminé sur le score toreador 1 / taureau 0, consomment au restau voisin entrecôte, bavette et coucougnettes du vaincu grillés sur un barbecue odorant et servis avec olives, piments et vin d’Espagne.

On va me dire que je suis un délicat, que je fais dans le sentiment, peut-être même que je talmudise…
Si, si, on me l’a déjà dit.

Mais je suis bête, je suis primitif, archaïque, un zéro culturel, je ne supporte la corrida que comme mythe littéraire ou pictural quelque part entre Iphigénie sacrifiée aux dieux et Marsyas écorché vif. Sinon, non.

Ce qui ne fait nullement de moi un Monsieur dans le vent, défenseur des grands prés vierges, de l’euthanasie vertueuse des caprins, des ovins et de bovins, de l’alimentation zéro hémoglobine, de la tomate farcie aux algues et de la côtelette de céleri rôtie au barbecue.

Que sentent bon en revanche les braises de sarments de vigne lorsque rôtissent dessus embaumant l’air de leurs sucs, la côte, l’entrecôte, la hampe ou l’onglet, parsemés d’herbes, non loin des tomates provençales, de la fraîche laitue, des frites brûlantes et craquantes, de la sauce béarnaise préparée à l’instant…

Mais je cours me cacher, craignant trop les lazzis et les pierres des amateurs de corrida, peut-être encore plus les âmes sensibles défenseuses des bébés taureaux et des bébés schmalzherring capables de m’imposer une rééducation dans un goulag vegane où l’on enseignerait tout sur les vertus du quinoa…

© Jacques Neuburger

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