Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, fidèle à la position traditionnellement anti israélienne du Quai d’Orsay, avait provoqué la consternation en Israël, au-delà des autorités, en invoquant l’apartheid qui menacerait Israël, en référence au traitement qui serait réservé à sa minorité musulmane. S’il avait situé l’hypothèse de l’apartheid sur un autre terrain, celui du renoncement au concept de deux États pour deux peuples que prônent certains jusqu’aux-boutistes au bénéfice d’une annexion pure et simple des territoires palestiniens, sa crainte aurait été fondée. Cette solution ne pourrait en effet conduire qu’à une guerre civile.
Mais notre ministre a préféré dispenser sa leçon de droit de l’hommisme à la seule démocratie de la région, qui s’est trouvée sous le feu d’une organisation islamiste terroriste dont les civils ont toujours été un bouclier s’agissant de ses propres citoyens, ou une cible s’agissant de son ennemi.
Voilà qu’Israël, au prix de combinazione qui devraient faire réfléchir les Français adeptes de la proportionnelle intégrale, vient de se doter d’un nouveau gouvernement dépendant d’une majorité intégrant le parti islamiste (a priori modéré) Raam, issu des Frères musulmans. Imaginez en France le CCIF, au lieu d’être dissous comme il le fut, constituer une coalition aux côtés du Rassemblement national, du PS, et de la France Insoumise ! Comme apartheid, on a vu pire.
Israël doit-il s’en réjouir ?…
Une des craintes des autorités israéliennes est de partager des secrets militaires, sécuritaires, voire nucléaires avec des ministres susceptibles de les transmettre à l’ennemi, Hamas, Hezbollah, Iran… La question de leur loyauté à l’État d’Israël ne se pose pas parce qu’ils sont musulmans (le juge qui avait condamné à de la prison un ancien président israélien était aussi musulman, sans que personne ne conteste sa décision), mais parce qu’ils sont issus des Frères musulmans, comme le Hamas. Or cette confrérie veut, comme en France, imposer sa vision rétrograde de l’islam à tous les musulmans, puis à la terre entière. Mais il n’est pas certain que le parti Raam entre au gouvernement (il se contenterait alors de le soutenir). En outre, il n’y aura pas de ministre de ce parti dans le « cabinet restreint » qui traite les questions de sécurité les plus délicates.
L’entrée d’islamistes au gouvernement israélien, ou du moins dans la majorité qui le soutient, est le résultat d’un marchandage subtil. En outre, les islamistes tenteront, tout comme les partis juifs orthodoxes, d’obtenir le plus d’avantages possible en termes de subventions et d’aides sociales diverses. Si le résultat en est la réduction des inégalités et des discriminations à l’encontre des Arabes israéliens, on ne peut que s’en féliciter, tout en rappelant qu’ils ont bien plus de droits que leurs coreligionnaires dans n’importe quel pays musulman.
… Et la France en prendre exemple ?
Il n’y a pas véritablement de parti musulman en France, pays qui abrite la plus importante communauté musulmane d’Europe, ni de parti juif dans un pays qui compte aussi la plus grande population israélite du continent. Dès lors, pourrait-on considérer qu’elle mérite une représentation autonome au Parlement et des ministres estampillés comme musulmans au gouvernement ? Un mode de scrutin proportionnel pourrait conduire à une telle dérive et encourager l’émergence d’un parti sinon islamiste, du moins musulman. Pour le moment, cette communauté est courtisée avec obstination par l’extrême vert/gauche. Et il ne faudrait pas que ça change, car accepter des partis religieux dans le paysage politique serait contraire au principe de laïcité. Israël est un pays largement sécularisé, mais pas laïc. Son modèle politique est anglo-saxon. Le communautarisme et la liberté religieuse y règnent donc en maître. Pas question, par exemple, d’y interdire les prières de rue ou le niqab.
En France, contrairement à Israël, il ne peut y avoir d’islam, de christianisme ou de judaïsme politique. Renoncer à ce totem serait remettre en cause le socle de notre république. Israël aurait pu servir de modèle à la France pour sa politique de vaccination contre le Covid, mais certainement pas pour son système politique.
Michel Taube Opinion Internationale
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