Il faut relire ce texte de Marceline Loridan-Ivens: « Israël-Gaza: Réveillez-vous camarades! »

Voici un texte qui, en principe, devrait éclairer le débat qui fait rage dans le conflit Hamas-Israël à Gaza. Un beau texte, d’abord. Un texte inspiré. Et un texte qui, de surcroît, prend tout son poids quand on le rapporte à la personnalité de son auteur. Cinéaste française, née dans une famille de juifs polonais qui entra dans la Résistance dès le début de la Deuxième guerre mondiale, Marceline Loridan (1928-2018) a été déportée à Auschwitz (et a, d’ailleurs, tiré de ce pan de sa vie un de ses plus beaux films, La Petite prairie aux bouleaux, ainsi qu’un livre Ma vie balagan). Épouse du cinéaste Joris Ivens, figure et conscience morale de la gauche et de l’extrême gauche pendant des décennies, mêlée à tous les combats du dernier demi-siècle pour la justice et contre l’oppression, elle est un exemple pour beaucoup. Son texte, qui nous a été transmis par l’ARP *, doit être lu, médité. Il faut le faire circuler, le faire lire autour de soi. C’est, encore une fois, l’une des interventions majeures sur cette affaire – l’une des rares capables, selon nous, de calmer le vent de folie qui souffle sur l’opinion.

Mais qu’est-ce que vous a fait Israël ?  Quel est ce chœur unanime de condamnations contre Israël ? Quel est cet ensemble vertueux qui désigne Israël comme LE coupable absolu ? Quel est ce tribunal planétaire où pas une voix ne manque pour désigner à la vindicte publique le responsable de tous les maux de la planète ?

Il y aura même eu un imam iranien pour affirmer que l’éruption du volcan islandais était la punition divine des crimes du « régime sioniste ». De Dominique de Villepin à Noam Chomski tous se sont précipités dans les télévisions pour dénoncer « l’incroyable crime » commis par les soldats israéliens ! Trop de bonne conscience tue la conscience. Trop, c’est trop !

Qu’est ce que nous dit cet accablement ? Qu’il y aurait un Etat de trop sur la terre ? Non, bien sûr! Israël possède de nombreux amis qui lui écrivent des lettres d’amour, pleines de conseils en forme d’épitaphe. Il y a même une célèbre journaliste américaine qui conseille aux Israéliens de rentrer « chez eux ». Chez eux ? En Pologne, en Russie, en Algérie ! Pourquoi pas à Auschwitz tant qu’on y est !

Tant de sollicitude touche la vieille dame juive que je suis. Je crois que tous les Israéliens doivent être contents du constant intérêt qu’on leur témoigne et tous les juifs sont heureux de cette empathie sans cesse renouvelée.

J’avais fait, il y a longtemps, le choix de la pensée universelle. Bien que je fus déportée parce que j’étais juive, j’ai cru que l’humanité, l’idée d’humanité, était plus forte que la charge des origines. Près de soixante ans plus tard dois je faire le constat de mon erreur ? Dois je constater qu’être juif vous désigne jusqu’à la fin des temps comme le coupable des nations ?
De quoi Israël est il coupable ? Même si la politique de son gouvernement est critiquable, est-ce de cela dont il est question ? Est ce vraiment parce que cette opération militaire a été conduite et s’est mal terminée qu’il faille désigner ces soldats israéliens comme d’horribles assassins face à des agneaux turcs ? Pourquoi une telle mauvaise foi planétaire ? Pourquoi cette bonne conscience européenne à vil prix ? Pourquoi est-ce de l’Europe que fusent les critiques les plus virulentes ? De quelle morale cette Europe peut elle se prévaloir ? Quelles bonnes grâces veut-elle s’attirer ?

Et puis il y a la gauche, ma famille politique ! Qu’est ce que c’est que ces alliances, ces rencontres avec ces fanatiques qui crient « Israël partira, Palestine vaincra ! » Quels sont ces supposés trotskystes qui font cortège commun avec ceux qui font la prière en pleine rue ! La gauche a-t-elle perdu la tête ? Croit-elle vraiment que le Hamas va émanciper les classes laborieuses comme on disait jadis ? Croit-elle vraiment que l’islamisme défend la liberté de conscience ? Croit-elle vraiment que dans les banlieues la haine des juifs fait partie des contradictions admissibles au sein du peuple ?

Il y a de la folie dans le moment présent. Il y a une haine qui ne dit rien de bon, qui n’annonce rien de bon et je crains que la tolérance planétaire à l’égard de ce président iranien ne ressemble à l’accueil tolérant qui fut fait à Goebbels à la SDN en 1938.  Combien de temps reste-t-il avant d’autres horreurs programmées ? Des larmes compassionnelles les juifs et les Israéliens n’ont que faire. C’est pour cette raison qu’ils ont créé Israël. Est-ce cela qui vous dérange tant ?

© Marceline Loridan-Ivens, cinéaste. 20 juin 2010
Numéro tatoué sur le bras gauche à Auschwitz-Birkenau : 78750

* Société civile de perception et de répartition des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs fondée en 1987 par Claude Berri.

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