Un vent d’espoir avait accompagné l’élection à la présidence tunisienne de Kais Saïed. Cet homme de droit rassurait la population qui sortait de deux régimes forts, celui de Bourguiba et celui de Ben Ali. Mais la maladie anti-démocratique semble ancrée pour longtemps dans les gènes de la Tunisie puisqu’un document explosif secret révèle un plan pour instituer «une dictature constitutionnelle» consistant au président à prendre le contrôle du pays. Déjà en 2019, à son arrivée au pouvoir, Saïed avait été accusé par l’AFP d’avoir jeté les bases «d’un coup d’État en douceur».
Les conseillers du président l’ont exhorté à prendre le contrôle du pays pour vaincre la pandémie du covid-19 et surtout pour résoudre la crise économique sur fond d’une dette croissante. Le plan prévoyait de convoquer au palais présidentiel les opposants au régime, des politiciens et des hommes d’affaires de haut niveau pour leur annoncer le coup d’État en les séquestrant, voire en les emprisonnant.
Il ne s’agit pas de rumeurs mais d’un plan étayé par un document «top secret» en arabe dont un fac-similé est publié par ailleurs.La déception est grande aux États-Unis qui ont financé la campagne électorale de Saïed pensant ainsi mettre définitivement la Tunisie sur les rails démocratiques. Ce plan prévoyait la promulgation d’un nouvel article de la Constitution instituant qu’en cas d’urgence nationale, le président aurait le droit de prendre le contrôle complet de l’État.
Pour cela, Saïed avait l’intention de convoquer le Conseil de sécurité nationale dans son palais de Carthage sous prétexte de résoudre les questions de la pandémie, les problèmes sécuritaires et la situation dramatique des finances. Pour l’occasion, il envisageait d’instituer une «dictature constitutionnelle» qui concentrerait tous les pouvoirs entre les mains du président de la République. Le Premier ministre Hichem Mechichi et le président du parlement Rached Ghannouchi, seraient mis devant le fait accompli à l’occasion d’un discours télévisé en leur présence.
Il était prévu que le général, Khaled al-Yahyawi, serait nommé ministre de l’Intérieur par intérim et que les forces armées seraient déployées «aux entrées des villes, des institutions et des installations vitales». Saïed prenait des risques sérieux car depuis la tentative de coup d’État militaire de 1962 contre Bourguiba, l’armée avait été écartée de la gouvernance et ses moyens matériels réduits au strict minimum. Faire entrer le loup dans la bergerie pourrait donner des idées à un militaire ambitieux.
Il était prévu d’emprisonner les dirigeants d’Ennahda, Nur Al-Din Al-Bahiri, Rafiq Abd Al-Salam, Karim Al-Haruni, Sayyid Al-Ferjani, les députés du bloc Al-Karama, Ghazi Al-Qarawi, Sufian Tubal, des hommes d’affaires et des conseillers à la Cour des Premiers ministres. Pour s’attirer les faveurs de la population, les paiements de factures d’électricité, d’eau, de téléphone, d’Internet, de prêts bancaires et de taxes seraient suspendus pendant 30 jours tandis que le prix des produits de base et du carburant serait réduit de 20%. Les parlementaires auraient eu l’interdiction de quitter le pays et les gouverneurs membres d’un parti auraient été limogés.
On ignore les conséquences de la révélation de ce document explosif mais cela n’arrangera pas la situation tendue en Tunisie, le seul pays qui voue une haine féroce à Israël. Comme s’il fallait détourner l’attention de la population des manœuvres politiques, le syndicat UGTT, les partis de gauche et le mouvement islamiste Ennahda, ont manifesté le 19 mai aux cris de «Palestine libre, et le sionisme dehors» pour exprimer leur soutien au peuple palestinien, et réclamer une loi punissant les liens avec Israël. D’ailleurs, une proposition de loi prévoyait des peines de prison pour les Tunisiens entretenant des liens directs avec Israël, notamment sur le plan commercial, culturel ou sportif. L’ancien ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, membre d’Ennahda a donné le ton en précisant : «La normalisation est un crime parce qu’elle représente un soutien en faveur de l’occupant contre le peuple palestinien». La Tunisie file un mauvais coton. Elle s’éloigne de ses nationaux juifs vivant à l’étranger et constituant une source de revenus. Le pays est divisé politiquement mais, comme toujours, la cause palestinienne est le seul point d’accord. Pauvre Tunisie qui n’arrive pas à sortir de son marasme et qui vise les Juifs comme la cause de leur malheur !
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