Brice Couturier. Pourquoi ce conflit du Moyen-Orient provoque-t-il de telles passion en Occident ?

Alors que la « guerre civile » en Syrie a fait des centaines de milliers de morts dans l’indifférence de l’Occident, les récents échanges militaires entre le Hamas et Israël ont eu de très vives répercussions aux Etats-Unis. Pour quelles raisons ?

Il y a eu des bagarres de rue aux Etats-Unis à propos du conflit du Proche-Orient. Des Juifs ont été agressés par des militants propalestiniens à New York. Cela a été fimé et mis en ligne sur les réseaux sociaux. Les affrontements armés entre le Hamas et Israël de ces derniers jours ont eu des répercussions importantes en Amérique du Nord. 

Si Joe Biden et son Secrétaire d’Etat, Antony Blinken ont maintenu la ligne traditionnelle de la diplomatie américaine, le président Joe Biden insistant sur « le droit d’Israël de se défendre ». Mais ils sont sous la pression de la tendance la plus à gauche du parti démocrate. 

C’est un signe des temps : dans la jeunesse occidentale, de manière, générale, plus on est à gauche, plus on est anti-israélien. La pasionaria queer Judith Butler, sûre boussole du gauchisme universitaire nord-américain, a qualifié le Hamas et le Hezbollah de « mouvements qui sont progressistes et font partie de la gauche mondiale. » Ce qui est quelque peu paradoxal pour quiconque daigne s’informer de la manière dont sont traités les homosexuels à Gaza, où cette orientation est considérée comme criminelle, tandis que Tel-Aviv est l’un des villes les plus accueillantes du monde envers les LGBT.

Mais c’est ainsi : dorénavant, la gauche est propalestinienne et la droite pro-israélienne. Or, comme le souligne Ed West, sur le site UnHerd,  il n’en fut pas toujours ainsi. Dans les années 1950 et 1960, la droite américaine était favorable aux causes arabes, de manière générale, et souvent très hostile à Israël. En 1956, la National Review traitait Israël de « premier Etat raciste dans l’histoire moderne. » Le monde arabe apparaissait aristocratique et viril, et Israël, à l’époque, était dirigé par les travaillistes, des socialistes…

« Alors pourquoi et comment droite et gauche ont ainsi interverti leurs places ? » questionne Ed West. Sous l’effet de la guerre froide, alors que de nombreux Etats arabes, comme l’Egypte ou la Syrie, se proclamaient « socialistes » et s’alignaient plus ou moins sur l’Union soviétique, Israël apparut de plus en plus comme un allié capital et fiable à Washington. Or, la gauche radicale, elle, avait les yeux de Chimène pour tout ce qui se réclamait de « l’anti-impérialisme ». Ce qui était le cas de l’OLP, créée à Jérusalem en 1964.

Symétriquement, la droite américaine, qui considérait Israël comme un Etat faible – et qui méprisait plus ou moins ouvertement les Juifs – découvrit avec étonnement les exploits de Tsahal face à la coalition d’armées arabes durant la guerre des Six-jours en 1967. Puis de celle du Kippour en 1973. Et du coup, son regard sur Israël changea au cours des années suivantes.  

Pour expliquer l’attitude de la gauche woke actuelle, il faut avoir recours, selon Ed West, à la théorie des cinq fondements moraux des psychologues Jonathan Haidt et Craig Joseph. Pour ces spécialistes de psychologie morale, les deux valeurs morales qui sont privilégiées par les gens de gauche sont le souci d’autrui (le care) et l’équité (fairness), alors que ceux de droite privilégient la loyauté (au groupe d’appartenance), l’autorité et la pureté (entendue comme « horreur des choses dégoûtantes). Depuis les victoires israéliennes, lors de la guerre des Six-Jours et celle du Kippour, la cause des Palestiniens, dont les territoires ont été occupés à la suite de la première, est perçue comme celle des « faibles » par opposition » à la puissance supposée d’Israël. 

La gauche s’est constamment identifiée à la cause des perdants et des « opprimés », de Cuba au Vietnam. Elle a souvent fait cause commune, à ce titre, avec les « victimes de l’impérialisme » tels qu’ils étaient définis par l’URSS et le mouvement communiste. 

« Les fondamentalistes islamiques, contrairement aux communistes, ont peu en commun avec les progressistes occidentaux, écrit Ed West, mais ce n’est pas forcément important. Alors qu’il existe bien des facteurs qui déterminent la position politique de quelqu’un, la véritable motivation est : qui hait qui ? Qui est de votre côté ? » A ce titre, puisque le Hamas est « anti-impérialiste » et opposé à la « domination américaine », alors il est de gauche. Et tant pis, si selon les critères normalement reconnus par la nouvelle gauche américaine (situation des femmes, tolérance envers les homosexuels et les minorités, etc.) ce mouvement devrait être plutôt classé à l’extrême-droite… Ce qui ressort d’ailleurs de tests effectués auprès de ses militants : ce sont dans les valeurs de droite qu’ils se reconnaissent (loyauté, autorité, pureté) et non dans les valeurs de gauche (care et équité). 

Quant à la droite, si elle a changé de regard sur Israël, c’est pour de tout autres raisons. Elle l’a fait pour se démarquer de sa fraction la plus extrémiste, qui demeure marquée par un vieil antisémitisme d’origine chrétienne. D’autant que les mouvement évangélistes se définissent à présent comme « judéo-chrétiens ». En outre, elle considère Israël comme appartenant à la civilisation occidentale. 

Ce qui est paradoxal, si l’on se souvient que, comme le rappelle, Ed West, qu’il y a un siècle, 1/3 des habitants de Palestine étaient des Arabes chrétiens et que de nombreux fondateurs de l’OLP l’étaient encore, tandis que la population juive d’Israël est majoritairement originaire du Moyen-Orient et donc pas « occidentale ».

Si ce conflit du Moyen-Orient provoque, en Occident, des passions que n’ont pas su provoquer ni les 380 000 morts de la « guerre civile » syrienne, ni les victimes des 1 452 attentats provoqués en Irak par le « pseudo-Etat islamique », si personne, dans les rues de New York ou de Paris, n’a manifesté contre les marchés aux esclaves de membres de minorités yézidies et chrétiennes, organisés par ce même « Etat islamique » dans les territoires qu’il a contrôlés, si tout le monde semble peu concerné par la guerre civile en cours en Lybie, mais uniquement par la riposte israélienne à la pluie de rockets lancée depuis Gaza (évacué en 2005 par Israël), il doit bien y avoir une raison. C’est que les conservateurs s’identifient à Israël, menacé par des attentats islamistes. Alors que dans la jeune gauche, on plaque sur le conflit entre Palestiniens et Israël le combat antiraciste. 

Dans les deux cas, on confond des situations qui n’ont pas grand chose à voir. 

© Brice Couturier

Brice Couturier est journaliste, Producteur de radio et Essayiste.

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1 Comment

  1. JUDAÏSME OU SIONISME?

    Comme l’a démontré Henri ATLAN sur Akadem, la nationalité juive a précédé la religion juive (la relation au divin n’étant plus seulement nationale mais également personnelle) et les premiers à le reconnaître sont les …..islamistes qui ne font pas de différence entre Juifs israéliens et Juifs diasporiques (c’est pour cette raison, que nous avons tort de qualifier les assassins de Juifs en France, d’antisémites mais plus justement d’anti-sionistes ou d’anti-juifs islamiques).

    La nationalité a besoin d’une patrie pour (re)devenir Nation alors que la religion juive lui a permis de sauvegarder son identité. Cette patrie, l’histoire l’a identifiée comme s’étendant entre la Méditerranée et au-delà du Jourdain et non, bien sûr, au Birobidjan. En fait, ce que les Européens nomment la Palestine.

    Or cette émergence du terme de Palestine n’est pas fortuite. Il s’agit à chaque fois de combattre Israël, la Nation. Ce fut le cas pour l’impérialisme romain puis pour le christianisme qui prétendait être le le verus Israël. le véritable Israël.
    Lorsque le pays d’Israël devient une terre islamique, l’identité palestinienne disparut.

    PALESTINE OU ISLAM

    Ainsi le mot Palestine ne figure plus que sur les livres d’Histoire sainte chrétiens jusqu’à la victoire, en 1918, de la France et de la Grande-Bretagne sur les Ottomans. Les sionistes exploitent cette situation avant d’oser proclamer l’indépendance de l’Etat d’Israël en 1948.

    Entre-temps en 1922, la Palestine Orientale (par rapport au Jourdain) est détachée de la Palestine mandataire et devient l’État artificiel de Transjordanie (personne ne s’est préoccupé à l’époque de son identité) qui occupera la cis-jordanie de 1948 jusqu’en 1967 (et se fit intituler Jordanie et non Palestine), lorsqu’elle en sera chassée en 1967 par les Israéliens.

    Donc pas de Palestine ni chez les Ottomans ni chez les musulmans ni chez les Arabes jusqu’à la conquête de la Judée-Samarie (Cis-Jordanie). A partir de là, les services soviétiques (donc des Européens) réintroduisent ce terme pour aider leurs alliés arabes.

    En fait, il n’y a pas d’idéologie patriotique chez les Arabes mais une impérialisme islamique (dont la base matérielle est le clanisme) comme le décrit Eliezer CHERKI. Cet impérialisme est de même nature que ce qui s’est passé en Europe avant que ne se forment de puissants états qui ont remis le christianisme à sa place, spirituelle.
    Si on veut être précis avec les mots de notre culture, nous devrions reconnaître une nationalité arabo-islamique avec laquelle il faudrait exiger de négocier.

    Nous sommes obligés de mettre une limite à l’idéal démocratique de la nationalité sans religion car le rôle effectif de la religion est bien plus important que ce qu’en pensent les matérialistes. Elle forme le caractère humain dans ses relations sociales, c’est-à-dire l’humanisme et la science qui l’étudie est l’anthropologie.

    Par conséquent, il faut accepter que l’humanisme islamique fasse partie de la nationalité arabe. cette civilisation est très différente de la nôtre, largement occidentalisée. Nos parents l’ont bien compris lorsqu’ils décidèrent de quitter (plus ou moins forcés) l’Afrique du Nord pour “l’avenir des enfants”.

    Les dirigeants israéliens auraient dù faire le même constat et organiser la séparation
    entre les deux nationalités (toujours cet espoir utopique de vivre ensemble).
    QUE FAIRE?

    A. La Terre d’Israël n’est pas une terre d’Islam et la Palestine n’existe ni dans l’histoire musulmane, ni dans l’histoire arabe.

    B. Revendiquer un espace bien précis tel qu’il figure sur la carte n°2:

    Il faut reconnaître que la décision prise par les dirigeants israéliens de ne pas fixer de limite à l’Etat d’Israël peut inquiéter le monde arabe, vu la supériorité militaire israélienne.
    Le caractère provocateur de cette affirmation doit être compensée par une déclaration solennelle de renonciation aux territoires historiques qui se trouvent à l’intérieur des pays en paix avec Israël.
    Ajoutons que la superficie de l’Etat d’Israël n’atteint pas le quart de celle de la Palestine mandataire.

    C. Les populations arabo-islamiques à l’intérieur des lignes israéliennes
    .
    Elles ne peuvent être considérées comme une minorité mais une partie de l’immense nationalité arabo-islamique qui contrôle une vingtaine d’états, en soumettant d’autres nationalités.
    La ligue arabe peut être considérée comme l’institution la plus représentative de cette nationalité. Cette ligue a, d’ailleurs, été créée pour combattre Israël.

    Conclusion Les négociations concernant ces populations doivent être menées avec elle, y compris pour la population de Gaza et pour celle qui détient la citoyenneté israélienne.
    Cela peut prendre des décennies mais cela vaut mieux qu’une nouvelle guerre.
    Les institutions israéliennes n’ont aucune obligation, vis-à-vis de ces populations, en dehors de leur assurer un minimum vital.

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