Cet énième drame ayant coûté la vie à un policier appelle, selon Charles Rojzman, à repenser de manière urgente les règles de notre société démocratique, menacée par une montée de la peur et de la violence.
Le brigadier Éric Masson, tué à bout portant par un petit caïd de la drogue, n’a pas été victime d’une interpellation qui aurait mal tourné, mais bien de la haine anti-flic qui s’est déjà manifestée dans diverses situations tragiques. Depuis trop longtemps, la police est considérée par une partie de la jeunesse issue de l’immigration comme une armée ennemie qui occupe indûment leur territoire. Il existe en effet une minorité importante de jeunes nés en France et issus parfois depuis plusieurs générations de l’immigration maghrébine, turque ou subsaharienne, qui manifestent par différentes formes de violences leur sentiment d’être des victimes : pillages et vols, trafics, agressions commises avec une brutalité extrême, délinquance, terrorisme… Ceux-là pourrissent la vie des cités, font fuir les habitants honnêtes, de toutes origines, qui ont la possibilité de partir. Ils créent des situations intolérables pour les enseignants, les éducateurs, les bibliothécaires. Ils s’en prennent à la police, aux pompiers, aux médecins même.
On connaît les raisons qui produisent ces violences : des pères souvent absents ou violents, une éducation marquée par l’intolérance de l’altérité, des tabous sexuels qui engendrent les frustrations, une culture de l’honneur et de la honte qui produit de la colère, de la peur, de la dépression et finalement de la haine. Ces jeunes de France ressemblent à leurs « frères » de Berlin, Düsseldorf, Göteborg, Alger, Londres, Bamako, Gaza : leur vision du monde est la même, nourrie de croyances superstitieuses et complotistes. Ils ont quelque chose de cet enfant abandonné avec un sentiment de faiblesse et d’impuissance dont a parlé Erich Fromm, sentiment qui, d’après lui, constitue les facteurs de formation d’un caractère sadique.
Les propagandes des réseaux sociaux et les prêches radicaux dont ils sont abreuvés ne contribuent pas à apaiser leur haine d’une société française, qui pourtant les nourrit et les entretient. La raison pour laquelle nos dirigeants veulent nier le plus longtemps possible et contre l’évidence le lien entre la violence et l’immigration, c’est qu’ils craignent soit un glissement vers une situation de guerre civile, qui deviendrait incontrôlable avec un développement des haines en miroir, soit plus simplement des élections qui leur seraient très défavorables.
Une vraie vie démocratique devrait faire participer la population, policiers de terrain et autres fonctionnaires compris, à une redéfinition des règles de vie en société. L’objectif de la « thérapie sociale » que je préconise et pratique dans différents pays n’est pas la paix ni une réconciliation illusoire entre des ennemis ou des adversaires politiques, mais la reconnaissance en commun, dans la plus grande diversité d’informations possible, du réel en vue d’actions possibles en synergie et/ou de pressions sur les décisions politiques. Les majorités se rallient toujours au plus fort. Dans les circonstances difficiles que nous traversons, nous serons probablement obligés de renoncer à des éléments du droit actuel et de prendre des mesures douloureuses pour réussir par la suite ou simultanément une réconciliation sur des bases réalistes. Mais ce changement indispensable ne pourra se faire sans l’assentiment des majorités qui, pour l’instant s’opposant silencieusement ou à grand bruit, risquent de laisser la place à ceux qui souhaitent le chaos et la guerre civile.
La vraie révolution dont on peut rêver est faite par une majorité de citoyens de tous bords, non réunis en clans idéologiques, sociaux ou ethniques qui font pression sur des dirigeants impuissants et qui sont, au pire exclusivement soucieux de leur survie politique, ou au mieux empêtrés dans des contraintes extérieures à la nation et des règles tatillonnes inadaptées aux enjeux du moment. La vraie révolution, ce ne sont pas des paroles compatissantes ou même martiales, mais des actes forts qui vont déranger nécessairement certains groupes ou individus, mais seront moins dommageables que ce chaos qui s’installe et qui risque de faire glisser l’ensemble de la société dans l’inhumain.
© Charles Rojzman
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