Tribune Juive : Karen Allali, Vous êtes la directrice des Éclaireuses Éclaireurs israélites de France. Quel a été votre parcours ?
Karen Allali : J’ai grandi dans ce mouvement de jeunesse, véritable école de vie. J’y suis entrée dès l’âge de 8 ans. J’y ai acquis des valeurs fortes et j’ai appris à développer de l’empathie et à privilégier la qualité du contact humain, ces soft skills très en vogue. J’y ai rencontré mes meilleurs amis et mon mari. J’ai construit ma famille, j’ai la chance d’être la mère de 4 enfants, tous très engagés aux EI.
J’ai suivi une double formation en administration économique et sociale et en sciences de l’éducation, j’ai ensuite travaillé à l’OPEJ en tant qu’éducatrice pendant six ans puis j’ai été enseignante durant près de dix ans en lycée professionnel. Je suis Commissaire Générale des EEIF depuis 2008.
Tribune Juive : Pouvez-vous nous présenter les EEIF ?
Karen Allali : Créés en 1923, les EEIF font vivre à des jeunes Juifs de 7 à 25 ans une expérience éducative fondée sur la méthode scoute afin qu’ils puissent construire leur identité et développer dans leur vie, un engagement de Juif et de citoyen.
Les EEIF ont traversé toutes les époques depuis bientôt un siècle et ont toujours répondu présents pour relever les défis posés à la communauté juive de France.
Ce mouvement permet à des jeunes venus d’horizons très différents de vivre une expérience unique : apprendre le sens de l’engagement, être « des bâtisseurs non pas des discuteurs »selon le vœu du fondateur du mouvement, développer leur personnalité, leur esprit d’initiative et renforcer leur identité juive.
Les EEIF se retrouvent autour du « minimum commun », socle autour duquel, quelle que soit l’origine ou le degré de pratique religieuse des jeunes, ils peuvent vivre ensemble. C’est cette diversité qui fait le succès du projet éducatif EEIF depuis sa création.
J’ajouterais – et les « anciens » en témoigneront – que ce que l’on vit aux EEIF ne s’efface jamais et persiste pour toujours.
Tribune Juive : Vous publiez régulièrement L’éclaireur. Pourquoi avez-vous créé cette revue et à qui s’adresse-t-elle ?
Karen Allali : L’éclaireur est une revue trimestrielle de pensée juive qui en est à son douzième numéro. Elle contribue à la diffusion et au renouvellement de la pensée juive, dans l’esprit de la mission d’éducation et de transmission des EEIF. L’éclaireur s’adresse à un large public de jeunes adultes et d’adultes, désireux d’ancrer leur action dans la sagesse que recèle la pensée juive, elle-même nourrie et en dialogue avec d’autres traditions.
Cette revue s’inscrit dans le paysage intellectuel juif français héritier de Denise & Robert Gamzon et d’Edmond Fleg, fondateurs des EEIF, et de leurs continuateurs Rachel & Jacob Gordin, Samuel Klein ou encore Léon Askénazi(« Manitou »).
Dans le cadre de cette revue, les EEIF entendent poser un regard réfléchi et exigeant sur le monde contemporain, regard reflétant leurs propres valeurs.
L’éclaireur s’articule autour d’un dossier thématique central qui analyse une question (une valeur, un concept, un principe d’action) sous des angles variés, faisant dialoguer la tradition juive, les sciences (humaines notamment) et les arts. Quelques exemples : nous avons consacré un numéro à l’audace, un à l’écologie, un au transhumanisme et un autre à la question du genre qui a fait parler de lui car nous y défendions des positions originales.
Notre prochain numéro portera sur « la vérité » : quelles ressources nous offre la tradition juive pour penser le monde contemporain, celui des fake-news, du complotisme, de la pluralité des opinions qui ne doit pas tourner au relativisme paresseux voire dangereux. Nous préparons aussi notre numéro de septembre qui, à l’approche des présidentielles françaises, sera plus politique. Nous y présenterons notamment les résultats d’une enquête menée auprès des étudiants juifs français : où en est leur conscience politique ? Voteront-ils en 2022 ? Leur identité juive influencera-t-elle leur vote ?
Les contributeurs de notre revue, Juifs ou non, viennent eux-mêmes d’horizons variés et sont sollicités tant pour leur expertise que pour leur capacité à proposer une réflexion stimulante, originale et abordable, sans concession sur la justesse du propos. Des rubriques récurrentes trouvent également leur place autour de la pensée juive, de l’histoire, du voyage et de la culture au sens large.
Tribune Juive : Vous lancez dans quelques jours l’opération ” Un passé qui éclaire, un avenir qui grandit “. Quel en est l’objectif ?
Karen Allali : Notre défi est de perpétuer l’expérience EEIF en permettant aux jeunes Juifs de vivre ensemble l’engagement EI, de construire leur identité, de s’impliquer dans la vie du groupe, de la communauté et de la cité en prenant leur part de responsabilité et en transmettant à leur tour aux plus jeunes.
Les projets soutenus par cette opération s’articulent autour de deux axes essentiels :
Tout d’abord la constitution d’un important fonds de bourses à destination des familles en difficulté (qui ont été particulièrement touchées cette année par la crise sanitaire) afin de permettre à chacun de pouvoir vivre l’expérience EI.
Second axe : l’acquisition de la « Maison EEIF », une maison et un vaste terrain situés à moins de 2 heures de Paris qui permettront l’organisation des nombreuses activités, notamment en lien avec la formation des cadres.
Ces projets témoignent, je l’espère, de l’actualité de notre devise : « Pour le bien, toujours prêts ! »
Sylvie Bensaid
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