Valérie Toranian. Courage, fuyons nos responsabilités !

Stéphanie M. (©Police nationale) et Sarah Halimi.

Le Tunisien de 36 ans qui a égorgé la policière de Rambouillet était-il dans son état “normal”? Il y avait la bouffée délirante de Kobili Traoré, l’assassin de Sarah Halimi, il y a maintenant l’état dépressif de Jamel Gorchène, meurtrier de Stéphanie M. au commissariat de Rambouillet. L’irresponsabilité et l’altération du discernement semblent être devenues le paravent de nos lâchetés. Surtout lorsqu’il s’agit de nommer ou de pénaliser l’islamisme. Jamel Gorchene ne sera pas jugé puisqu’il a été abattu par les forces de l’ordre au moment où il égorgeait Stéphanie M., mère de deux enfants, aux cris de “Allahou Akbar”. S’il avait survécu, aurait-il, lui aussi, échappé au procès pour irresponsabilité ? Admirons la diligence avec laquelle les médias nous ont fourni tous les éléments de langage préparant à cette éventualité. Un individu “triste”, “dépressif”, replié sur lui. Les premières investigations, écrit Le Parisien, “mettent en évidence le profil d’un homme solitaire et fragile psychologiquement, dont les troubles se seraient amplifiés avec la crise sanitaire et télescopés avec une radicalisation religieuse violente”. Jamel Gorchène présentait “certtains troubles de la personnalité”, affirme le procureur Jean-François Ricard. Le père de la victime a précisé aux enquêteurs que son fils était “très faible ces derniers mois”, qu’il aurait consulté un psychiatre et que c’est “le confinement qui aurait précipité sa dérive”.

Après c’est la faute au cannabis, c’est la faute au confinement ? Sur quoi se basent le magistrat et les enquêteurs pour statuer sans expertise, quelques heures à peine après le crime ? À moins de considérer que le compte Facebook de Jamel Gorchene, qui regorge d’éléments prouvant sa radicalisation, soit la preuve qu’il perdait pied… et la tête ? Autrement dit, la radicalisation n’expliquerait pas le crime, elle serait le dommage collatéral d’une dérive psychique et donc relativiserait la faute du criminel ? Voilà un glissement cul par-dessus tête qui en dit long sur la crise morale et la perte du sens des responsabilités dans notre société. L’assassin est la victime. Victime du cannabis, victime du confinement, victime de la société qui l’a mal accueilli (dans le cas de Jamel Gorchene, clandestin promptement régularisé, l’intégration par la société d’accueil a pourtant été ultra rapide), victime d’un État “islamophobe”, raciste ?

“Si le mal a changé d’origine et de forme, il est bel et bien parmi nous. En France, c’est l’islamisme qui tue.”

Sur Facebook, Gorchene relayait les post d’islamistes Frères musulmans mais aussi les post anti-“islamophobie” de Jean-Luc Mélenchon, d’Edwy Plenel, de Mediapart. Comme l’explique  Gilles Kepel, auteur de Le Prophète et la pandémie, le djihadisme d’atmosphère (Gallimard), “Jamel Gorchene baigne à la fois dans un islam politique et une admiration pour les principaux représentants en France de l’islamo-gauchisme. Dans ce djihadisme d’atmosphère, le passage à l’acte est l’aboutissement d’un processus lent et intense qui mène à une forme de séparatisme.”

Si, de plus, cette radicalisation a lieu alors que le confinement nous oppresse et nous perturbe, le meurtrier bénéficie, aux yeux des commentateurs, de circonstances largement atténuantes. Tous nos experts expliquent depuis un an que la crise sanitaire rend dépressif, augmente la violence conjugale et les violences contre les enfants, voilà bien la preuve que nous sommes tous atteints psychiquement… ! Pas responsables, pas coupables.

“Un homme ça s’empêche”, disait Camus. Désormais, un homme ça se repêche, surtout s’il rejette nos valeurs et nous crache à la figure. Ah ! si seulement Stéphanie M. et Sarah Halimi avaient été assassinées par un néo-nazi fasciste blanc. Pour Stéphanie, nous aurions eu des marches blanches dans toute la France en hommage à notre valeureuse police républicaine. Pour Sarah Halimi, nous aurions eu un procès, car la mobilisation contre le néofascisme aurait été, à juste titre, retentissante. Et les magistrats auraient craint d’être laxistes avec l’extrême droite. Nous aurions eu droit au concert d’indignations de la gauche, des néo-féministes (bien silencieuses pour Sarah Halimi défenestrée par un homme racisé haineux), des décoloniaux, des écolos, des associations antiracistes de tous bords, des démocrates. Tous ceux qui s’inquiètent du retour des “heures sombres de notre histoire” sans se rendre compte que le mal a changé d’origine et de forme, et qu’il est bel et bien parmi nous. En France, c’est l’islamisme qui tue.

“C’est toujours derrière la loi, l’institution et le commandement qu’on s’abrite lorsqu’on ne veut pas faire de vague, lorsqu’on veut justifier sa soumission à l’air du temps, sa résignation, sa passivité.”

Dans notre pays, on ne juge plus les fous et les animaux comme au Moyen Âge. C’est tout à l’honneur de la justice et personne ne demande à cette dernière de renoncer à ce principe de droit fondamental. Mais rien n’empêche non plus les magistrats de juger singulièrement, non pas en répondant à l’émotion mais en restituant les faits dans un contexte, sans bâcler l’enquête, sans empêcher la reconstitution du crime, etc. C’est pourtant ce qui fut fait avec Sarah Halimi. La contradiction flagrante entre un état délirant et le caractère antisémite du crime aurait dû être au cœur d’un procès mené à son terme.

Bien au contraire, on eut droit à : Traoré est un accro au cannabis, un irresponsable, circulez, il n’y a rien à juger. “Un joint t’es relax, dix joints t’es relaxé”, pouvait-on lire sur un panneau de la manifestation pour Sarah Halimi à Paris, le 25 avril. Le droit a été respecté nous dit-on : c’est toujours derrière la loi, l’institution et le commandement qu’on s’abrite lorsqu’on ne veut pas faire de vague, lorsqu’on veut justifier sa soumission à l’air du temps, sa résignation, sa passivité.

Lorsque les magistrats manquent de courage, lorsque les médias sombrent dans le déni par peur d’être accusés de reprendre le discours de la droite, lorsque l’université applaudit au retour de l’enseignement des races par soumission à l’extrême gauche, que pense le peuple ? On voudrait qu’il garde son sang-froid, qu’il s’habitue à cette longue litanie des crimes islamistes antisémites, anti-chrétiens, anti-policiers, anti-enseignants… On voudrait qu’il comprenne que personne n’est responsable, que c’est la faute à pas de chance, une bouffée délirante, un type dépressif, un confinement mal digéré. Qu’il ne sert à rien de s’agiter, de se révolter, de poser des questions qui fâchent, de lever des tabous.

“Le corps social tient et encaisse en serrant les dents”, explique Jérôme Fourquet. Mais jusqu’à quand contiendra-t-il cette “colère rentrée”?

© Valérie Toranian

Source: La Revue des Deux Mondes 26 avril 2021


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2 Comments

  1. Ces individus qui nous assassinent, ne voilà t-il pas qu’il seraient fous du manque de liberté en France à cause de la covid, d’un trouble de la personnalité?Alors y auraient t-il dans ce pays des millions de criminels en puissance ? la belle excuse pour égorger des innocents , les défenestrer, les écraser avec leurs voitures . Il y a trop de laxisme en France. Nos gouvernants ont perdu le bon sens et je n’ai plus du tout confiance en eux.

  2. Vous savez Madame,la famille wurtembergeoise Deibler a donne une exceptionnelle dynastie de bourreaux qui a debute en 1675 en exercant le dur metier de la grande hache.A la “belle epoque”,annees 1900,tout le monde s effrayait de la montee de la criminalite;et la justice francaise a recrute “le pere Anatole”.Il a coupe 375 tetes,record absolu de notre histoire.Et la criminalite,phenomene permanent de l histoire,a continue a galoper.Le carre des supplicies de Thiais,ou repose le tueur de l hypercasher,avait double de volume.

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