La décision rendue par la Cour de cassation a suscité de très nombreuses analyses pertinentes, de la part d’observateurs avisés, et pas tous Juifs (Cf l’Editorial courageux de F.O Giesbert).
Même le grand rabbin de France, que certains soupçonnaient de tiédeur, et le président du CRIF, qui a retrouvé pour l’occasion un peu du « Hadar » de sa jeunesse dans les rangs du Betar, semblent avoir trouvé les mots justes… Mais cette profusion de mots ne fait que ressortir l’absence flagrante d’actes et de décisions opérationnelles. Les lignes qui suivent prétendent aborder la situation des Juifs de France sous un angle différent, l’angle sioniste et celui de l’action.
Trop de réflexion et pas assez d’action
Changer la loi française ? C’est ce que proposent le président Macron et d’autres, parmi lesquels Robert Badinter, infatigable, qui s’abstient pourtant de toute critique contre la Cour de cassation1 C’est sans doute utile, mais cela ne fera pas changer l’ennemi, ni la situation objective de la France actuelle (« l’antisémitisme des choses », comme disait Jabotinsky). Alors c’est à nous, c’est à vous de changer. Cessez enfin de regarder la France avec les yeux de Chimène et d’attendre, comme une femme battue, qu’elle retrouve pour nous un amour qu’elle a depuis longtemps perdu, si tant est que cet amour ait jamais existé… Cessez de croire que la « République » va connaître un sursaut de lucidité et se souvenir de ses enfants Juifs.
Prenez acte, une fois pour toutes, du divorce consommé entre la France et les Juifs, que des esprits lucides – comme Shmuel Trigano – avaient déjà annoncé en 1981 (au lendemain de l’attentat de Copernic, attribué à tort à une fantomatique “extrême-droite”2.
Prenez acte, enfin (mieux vaut tard que jamais) du caractère inéluctable du constat, fait il y a plus de 120 ans par un journaliste juif, assistant à la dégradation du Capitaine Dreyfus. Herzl, le “Visionnaire de l’État”, avait entrevu, dès cette époque, ce que certains de vous refusent encore d’admettre aujourd’hui : qu’il n’y a aucun avenir pour les Juifs en Europe.
Prenez acte du fait que la défense des Juifs ne peut être confiée aux autorités françaises, qui ont d’autres chats à fouetter et qui peinent déjà à défendre les “Français innocents” (selon le lapsus révélateur de Raymond Barre). Car on peut supposer que la décision de la Cour de cassation aurait été identique, si la victime s’était appelée Martine Dupont, et que l’assassin ait été de la même religion que Kobili Traoré (religion dont le nom est devenu le grand tabou de la vie politique française, comme l’a démontré Georges Bensoussan, qui en a personnellement fait l’expérience). Plus encore que l’identité de la victime, c’est celle de l’assassin qui explique son impunité consacrée par la plus haute instance judiciaire française.
Votre salut ne viendra d’aucune pétition, d’aucun appel à la « solidarité républicaine », d’aucune LICRA – irrémédiablement compromise avec les ennemis des Juifs3 –, d’aucune Amitié judéo-chrétienne ou judéo-musulmane. Votre salut ne viendra que de Sion, et de vous ! C’est pourquoi il faut saluer l’initiative originale et lucide de Me William Goldnadel, qui porte plainte non pas devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (a-t-on jamais vu celle-ci défendre les Juifs?) mais devant les tribunaux israéliens. En tant que juriste israélien, je ne suis pas certain que cela sera suivi d’effet, mais il y a là une piste à explorer et à utiliser, désormais, chaque fois qu’un Juif sera persécuté en France, parce que Juif.
Le message politique adressé à la France est limpide : “Si vous ne faites rien pour protéger les Juifs, l’État juif le fera”.
C’est la même logique qui doit s’appliquer en matière de sécurité quotidienne. De même que, depuis des décennies, la communauté juive organisée a mis en place un cadre de protection supervisé par des responsables en Israël, il est temps de proclamer haut et fort ce que chacun sait et d’assumer ouvertement la tâche de défense des Juifs, avec le même mot d’ordre qu’avaient lancé Simon Doubnov, H.N Bialik et d’autres au lendemain du pogrom de Kichinev : Autodéfense !
Il est temps de soutenir les quelques organisations juives qui assument la mission sacrée de défendre et de protéger les Juifs de France. Au lieu de donner de l’argent à des institutions qui ne font que promouvoir une soi-disant “culture juive” souvent hostile à Israël, ou qui organisent des “galas au profit des organisateurs de galas”, soutenez plutôt le BNVCA, l’OJE, la LDJ…
Que ceux qui se consacrent bénévolement à défendre leurs frères juifs soient aidés et donnés en exemple, au lieu d’être vilipendés ou de susciter des moues dégoûtées de la part des « Juifs de salons » et autres « Juifs professionnels » (ceux qui font profession d’œuvrer à des causes juives).
Hébreu, Alyah, autodéfense !
Mais cela n’est que l’aspect le plus urgent de la situation d’urgence dans laquelle les Juifs de France se sont (trop vite) habitués à vivre depuis deux décennies. L’autre aspect, pas moins important, consiste à préparer l’avenir. L’auteur de ces lignes, qui a fait son alyah il y a près de trente ans, sait bien que les Juifs qui ont choisi de rester en France ne vont pas tous partir du jour au lendemain. Le sionisme bien pensé ne consiste pas à accueillir des Juifs en Israël et à se désintéresser des autres. Une grand-mère juive apeurée, qui m’écrivait il y a quelques jours que son petit-fils était agressé et menacé à Boulogne (pas dans le 93 !), répondait, à ma question concernant son avenir, qu’il n’était pas encore prêt à monter en Israël…
Pour ce jeune Juif et pour des milliers d’autres, il est urgent de relancer l’appel lancé par le Rosh Betar il y a près de cent ans : « Apprenez l’hébreu ! » Que chaque jeune Juif de France apprenne l’hébreu pour préparer sa future alyah, même si celle-ci n’est encore qu’un lointain projet. Que toutes les écoles juives de France fassent de l’hébreu une matière obligatoire et fondamentale, non pas pour glaner quelques points au baccalauréat, mais pour préparer activement l’avenir de la jeunesse juive de France en Israël. “Hébreu, Alyah, Auto-défense” : ces trois mots doivent devenir le slogan des Juifs de France et de ceux qui prétendent parler en leur nom. Le temps de la réflexion et des colloques sur l’antisémitisme est passé. Il est temps d’agir. PL♦
© Pierre Lurçat
1 Voir son intervention sur Akadem. R. Badinter, ami de François Mitterrand, l’ami irrepenti de René Bousquet, cherche peut-être ainsi à faire oublier sa responsabilité personnelle dans l’état actuel de la société et de la justice française, étant entré de son vivant au « Panthéon » pour avoir aboli la peine de mort (pour les assassins, par pour leurs victimes…).
2 Voir son livre largement prémonitoire, La République et les Juifs, paru en 1982.
3 Je renvoie à mon article coécrit avec Ph. Karsenty, dans Causeur.
Source: M@batim.Infos
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