Tribune Juive

La chronique de Michèle Chabelski. Le moment d’acheter des actions Sansonite

Bon

Mardi

  C’est le moment de spéculer sur Samsonite.

   Les juifs français achètent massivement des valises, car beaucoup d’entre eux ont pris leur billet.

 Et ça fait remonter les cours, bien évidemment…

  Alors dépêchez-vous, il n’y en aura pas pour tout le monde…

  Beaucoup d’entre eux ont demandé la nationalité israélienne sans renoncer à leur passeport français.

  Selon la loi du retour qui prévaut en Eretz, elle leur sera accordée…

   Image classique du Juif Errant…

   Sauf que maintenant le Juif n’erre plus.

 Il sait où aller…

  Errer signifie se déplacer sans but, flâner, musarder sans objectif précis…

  Le Français juif d’aujourd’hui, lui, sait où il va…

   Il a tapoté, cliqué, validé les chiffres de sa carte de crédit sans oublier le code secret, acheté deux valises et il se casse…

  Il part vers le pays du lait et du miel, le pays de la science en marche, le pays du soleil et de la lumière…

  Pays foutraque, gouvernement puzzle fait de bric et de broc, autant de bric que de broc, en permanence sur le qui-vive, pays qui ne compte que sur lui-même pour assurer sa sécurité et sa prospérité, pays d’oranges et d’avocats, de fermiers et de savants, de bâtisseurs et de tycoons, pays âpre où la jeunesse combattante a effacé les ombres qui voilaient les yeux de leurs grands-parents…

  Pays d’accueil, pays de liberté, pays démocratique…

 Je ne fais pas l’apologie d’Israël.

    Je ne suis pas sioniste.

      Née à Paris, saturée de culture française qui m’a offert des orgasmes intellectuels indélébiles, mon rêve était d’enraciner enfin mes descendants sur une terre qui les protégerait de l’exclusion, de l’antisémitisme et du danger permanent qui ont couvert de cendres les années noires de nos ancêtres…

  Un pays que se sont appropriés avec délices nos parents immigrés, brandissant avec fierté le passeport français qui les rendaient citoyens d’un état démocratique où les juifs pouvaient enfin goûter à la douceur de vivre sans clouer avec effroi les volets de bois qui annonçaient les pogromes…

  Ne plus subir aujourd’hui malgré les déchirures qui lacèrent le cœur…

  Un pays riche, libre, effervescent, joyeux, qui portait à l’incandescence le bonheur et la fierté de lui appartenir, un pays bouclier contre l’antisémitisme après le malheur de Pétain et de Vichy…

  Un pays d’éducation, de scolarité, de plein emploi, de bouffe luxurieuse, de travail, de paix…

  Et puis le malheur s’est infiltré, insidieusement, lentement, secrètement, il s’est glissé dans les banlieues et dans les têtes, un antisémitisme 2.0, féroce, enraciné, implanté dans l’esprit délirant d’une population conditionnée par les discours néo nazis de prétendus religieux largement financés par des capitaux étrangers…

  Et cette population jeune, violente, déraisonnable, mobile et virulente, meurtrière parfois, a inoculé le virus de la peur dans l’esprit des juifs vitrifiés de sidération …

  Quoi ?

  C’est ma France, ça ?

    Mon doux pays aimé, ma terre choisie, est devenue cette poudrière où le judaïsme est devenue la cible d’un antisémitisme aveugle et monstrueux, où l’on a peur désormais d’être juif, un judaïsme mal protégé par des instances incompréhensiblement laxistes…

Un judaïsme livré en pâture à des esprits résolus à en découdre avec haine et violence, à tuer, à massacrer…

  Les juifs, pétrifiés, regardent avec incrédulité cette nouvelle France, comme on dévisage un amour gangréné qu’on ne reconnaît plus …

  Cette France-là, fait peur…

   Alors certains anticipent le pire…

     Voilà pourquoi, mes amis, il est l’heure d’acheter sinon des valises, du moins des actions Samsonite…

  Spéculation hélas sans risque…

     Que cette journée signe le printemps fanfaron qui nous tiédit enfin la peau…

   Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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