Extrait de la semaine
La plupart des formes d’antisémitisme mentionnées dans notre précédent chapitre constituent aujourd’hui des délits passibles de sanctions pénales. Il est du devoir de chacun de les signaler à la justice et, le cas échéant, de les poursuivre jusque devant les tribunaux. La législation en vigueur n’est cependant pas le seul moyen de défense. Il existe des modes d’action citoyenne, tant collective qu’individuelle, offrant des voies alternatives pour dénoncer et combattre les antisémites. Comme pour s’en protéger.
Les recours
1. Bien que chaque pays ait ses propres instances judiciaires, un ensemble de directives applicables à toute l’Europe a été institué afin de lutter contre le racisme et la xénophobie en général (dès 2003), et l’antisémitisme en particulier. En 2007, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la résolution 1563, intitulée « Combattre l’antisémitisme en Europe », qui demande aux états membres de mettre en œuvre une législation criminalisant les diverses manifestations et expressions d’antisémitisme ainsi que les discours de négation de l’Holocauste.
2. Le premier délit à considérer est d’ordre général et concerne les comportements et discours racistes. C’est-à-dire toute discrimination d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de l’appartenance ethnique, de la couleur, de l’ascendance, de la confession religieuse. Généralement, le délit doit avoir été commis en public pour être punissable d’incitation à la haine. Toute victime supposée est en droit de déposer une plainte auprès d’un parquet de magistrats qui décideront s’il y a eu infraction. Si oui, la victime peut alors se constituer partie civile. Comme la procédure est souvent complexe, il est recommandé de ne pas l’entamer seul mais de s’adresser à une association antiraciste ou de défense des droits de l’Homme, à titre de consultation et, le cas échéant, d’obtention d’un éventuel soutien juridique.
3. Le caractère antisémite du négationnisme et de la banalisation de la Shoah est agréé par de nombreux cas ayant fait jurisprudence. Ce délit concerne l’apologie du nazisme, la négation soit en bloc soit de certains aspects du processus d’extermination des Juifs (comme nier l’emploi des chambres à gaz), la minimisation, l’approbation ou justification du génocide. Toutes passibles de sanctions pénales. La grande majorité des prétentions négationnistes étant véhiculées par voie de publication, elles peuvent aussi constituer un délit de presse.
4. L’antisémite jouit de moins en moins de la faculté de s’abriter derrière le principe de liberté d’opinion et d’expression. Et les organes de presse se voient de plus en plus tenus responsables des contenus qu’ils publient et diffusent. Autrement dit, dans bien des cas, l’auteur de propos antisémites n’est plus le seul incriminé pour délit de presse. L’éditeur, le diffuseur, le rédacteur en chef, le producteur d’une émission de radio ou de télévision, peuvent tout aussi bien faire l’objet de poursuites.
5. Il en va de même pour l’Internet et les réseaux sociaux. Les hébergeurs et fournisseurs d’accès Internet ont l’obligation de contribuer à la lutte contre la diffusion de propos négationnistes ou racistes. Suite à un protocole, émis en 2003 par le Conseil de l’Europe, qui demande aux états membres de criminaliser la diffusion de contenus racistes sur n’importe quel support informatique, il existe actuellement des polices de la cybercriminalité dans la plupart des contrées européennes, ainsi que des organes de déontologie du web. Twitter et Facebook sont aujourd’hui tenus de vérifier les dérapages qui leur sont signalés. Enfin, certains huissiers établissent désormais des prises d’écran incriminantes et des constats d’incidents ayant lieu sur la toile.
6. Face à ces délits de presse médiatiques ou informatiques, le public dispose d’un droit de réponse. Bien qu’il soit fortement recommandé de faire valoir ce droit le plus souvent possible, la prudence s’impose. Les organes de presse usent de diverses astuces dont la principale est d’ouvrir leurs colonnes à des intervenants ‘choqués’ par vos propos et qui vous contrediront afin de faire de vous l’arroseur arrosé. Ces intervenants disposeront le plus souvent du double de temps ou d’espace que celui alloué à votre réponse. Le but étant de vous décourager, il est impératif de ne le pas l’être et de faire usage de votre droit malgré tout. L’un des moyens de consolider votre intervention est d’inviter d’autres personnes ou organisations à la cosigner ou de la faire circuler sous forme de pétition avant de la communiquer à la rédaction. Un tuyau : les médias s’intéressant tout particulièrement aux dysfonctionnements et aux scandales financiers, parler de ‘qui paye’ et de ‘combien ça coûte au contribuable’ augmentera infailliblement vos chances d’être cité. Tous ces conseils s’appliquent de même à la lettre ouverte, à la carte blanche, au courrier de lecteur. Il est à noter que l’on peut toucher un très large public à travers la presse féminine (« une femme écrit aux femmes »), professionnelle ou les revues (très lues) de programmes TV et de loisirs, plutôt que de s’adresser à un grand quotidien. Des journaux et revues tels que le Pèlerin, Elle ou Télérama, touchent un public bien plus large et varié que Libération ou Le Monde, lesquels ciblent une audience précise et donc restreinte. Soyez le plus factuel et le plus concis possible. Restez courtois mais n’ayez pas peur de faire peur. Et n’affirmez jamais rien dont vous ne soyez certain ou dont vous n’ayez vérifié la source. Surtout, posez des questions, interpellez. Enfin, ne vous présentez pas comme Juif car on vous dira que vous ne pouvez être objectif. Créez-vous un profil respectable, attrayant pour le lecteur (soyez écolo, par exemple, ou retraité, artisan…).
7. Le principe de la lettre ouverte médiatique ou de toute alerte postée sur les sites et forums informatiques permet d’inverser la ‘vapeur’ et de placer la victime en position d’attaquant. Plus l’incident antisémite que vous signalez sera rendu public et plus le fautif sera sur la défensive et susceptible d’avoir à rendre compte de sa conduite. Il craindra de vous poursuivre pour calomnie ou diffamation car une poursuite judiciaire publicisera encore plus l’incident ou les propos qui lui sont reprochés. Cette tactique est particulièrement recommandée pour les situations où l’antisémite s’est assuré qu’il n’y ait pas de témoins à l’injure qu’il a proférée ou au méfait qu’il a perpétré. Le ‘ni vu ni connu’ étant le meilleur allié du raciste, il faut l’en priver coûte que coûte.
8. Il est important de descendre dans la rue. Manifestations et rassemblements doivent recevoir l’autorisation préalable de la localité où ils auront lieu ainsi que des services de sécurité. Un ‘organisateur responsable’ doit être désigné (de préférence une association ou un groupe constitué, les autorités accordant rarement de permis de manifester à un simple individu). Manifester sans autorisation est illégal. Mais un attroupement ‘fortuit’ autour d’un évènement en cours, telle que l’ouverture d’un procès ou le déroulement d’une cérémonie, l’est moins. Si un rassemblement ‘spontané’ ne trouble pas l’ordre public, une convocation au poste de police et une amende sont le risque maximal encouru. Les dangers des rassemblements viennent surtout des éléments dits incontrôlés. D’où la nécessité d’un service d’ordre. Lequel ne doit intervenir en aucun cas (surtout en présence de contre-manifestants) mais alerter les services compétents.
9. Racisme et antisémitisme sont à traiter sous le régime de la tolérance zéro. Or la société et l’état sont encore loin de pouvoir résorber toutes les injustices. Il faut donc montrer l’exemple, offrir des alternatives, créer des précédents qui feront ensuite jurisprudence, éduquer les jeunes, informer le public, chercher à apaiser plutôt qu’attiser. Un problème moral se pose néanmoins. Comment juger soi-même si un acte ou propos est de nature antisémite ? En son âme et conscience. Les lois, après tout, émanent elles aussi de la conscience des hommes. La légalité n’étant nullement exempte d’erreur, elle ne saurait avoir précédence sur l’humanité.
10. Ce bref inventaire ne serait pas complet sans que mention soit faite du recours au rire. L’humour est l’un des meilleurs instruments duquel jouer pour convaincre et rallier autrui à sa cause. Il sert à dédramatiser une situation, à franchir les barrières et réduire les tensions, à tourner en dérision nos ennemis les plus sordides. Et parfois nous avec, quand il s’agit d’humour juif. N’oublions pas qu’une blague juive n’est drôle que si elle est racontée par un Juif. Mais si un non-Juif en rit également, ou pire encore, la raconte, c’est qu’elle est antisémite.
Les droits que nous venons de faire valoir et les lois qui tentent de les garantir émanent d’un système de valeurs qui est aujourd’hui menacé tout autant que les minorités qu’il protège. Le détournement de ces valeurs au profit de démarches qui en sont la négation même est l’un des principaux dangers auxquels les sociétés libérales et démocratiques doivent faire face. Les racistes font preuve d’un sens de l’humour bien à eux lorsqu’ils s’abritent derrière ces valeurs, avec en tête, la « liberté d’expression » qui est avant tout la vôtre et non la leur, comme nous le verrons la semaine prochaine.
© Raphaël Jerusalmy
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Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, Raphaël Jerusalmy a fait carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens avant de mener des actions humanitaires puis de devenir Marchand de Livres anciens à Tel-Aviv. Il est aujourd’hui écrivain, auteur de plusieurs romans publiés chez Acte Sud. Il est également expert sur la chaîne de télévision i24news.
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