Sarah Halimi. Ou comment une certaine pratique de la justice a pu transformer un crime individuel en problème de séparatisme.
On peut se dire que c’est une fierté de vivre dans un Etat de droit qui ne condamne pas les déments. Je suis juif et européen, héritier du Droit de Cicéron et du Droit talmudique: je suis fier d’une justice non impulsive et dont le moteur ne soit pas l’esprit de vengeance. Je me veux civilisé…
Mais il n’empêche que l’on ressente dégoût et amertume…
Car le procès aurait pu avoir lieu, le droit être dit, le juste et l’ injuste être proclamés, affirmés – et surtout l’attitude d’immobilité des forces de l’ordre être examinée, mise en question, peut-être condamnée.
Quitte à ce que, in fine, l’assassin soit renvoyé dans un asile plutôt qu’en prison.
Mais on ressent comme une lâcheté d’état, une veulerie judiciaire, une indignité s’appuyant sur la loi.
On ne peut s’empêcher de ressentir cette sourde impression que si la victime s’était appelée madame Martin et le criminel monsieur Alfred, les choses se seraient peut-être autrement déroulées.
On ne peut se défendre de se dire qu’une Marche pour Marie-Clarence-Odile aurait été plus et mieux entendue qu’une Marche pour Sarah.
On ne peut pas ne pas finir par se dire que quelque part entre le magistrat de base et le plus haut sommet de l’état, au moment même où l’on discute tant d’une très probablement inutile puisque avec certitude non applicable Loi sur le séparatisme, on a fait un choix délibérément communautariste, décidant froidement de ne pas contrarier une communauté nombreuse et comprenant des éléments susceptibles de s’enflammer et de provoquer des troubles violents plutôt que faire justice à une communauté éprise de légalité, largement respectueuse de l’état, intégrée presque jusqu’à l’excès et surtout dépourvue de toute tentation de violence.
Et tout à coup, à force d’être intégrés, assimilés, d’avoir l’illusion d’être des citoyens comme les autres, des justiciables à part entière, un peu comme en 1940 nos parents furent saisis de sidération en découvrant le Statut des Juifs élaboré par le pétainisme, nous, les Juifs, les « israélites » si français, nous nous sentons à part, à moitié admis, mal aimés.
Et plus totalement légitimes dans ce que nous avions cru être notre mère patrie.
Mais c’est que la patrie, comme toute mère, peut un jour devenir une marâtre…
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