Pour les amies et les amis que j’aime tant à retrouver et lire durant ces nuits qui étrangement s’allongent…
En fait, comme quelques autres après cette année de confinements, faux confinements, reconfinements, j’ai un peu de mal à me tenir à une lecture suivie en ce moment et j’habite entouré non seulement de chats mais de piles de livres que mes chats se font un bonheur d’apprivoiser soit en se couchant contre elles soit en méditant longtemps la solution mathématique au crime prémédité: la faire choir de la façon la plus spectaculaire et surtout la plus bruyante.
Une pile de livres entamés ou à entamer est proche de mon lit, une autre du canapé, une sur le piano, une sur la table de cuisine. Parfois j’en oublie un momentanément sur une étagère du réfrigérateur: mes neurones sont en voyage mais mon frigo est grand, ça fait phrase pour méthode assimil, rire.
Alors je ruse: je mets un disque, pour tromper l’inattention j’ouvre un livre, pour tromper l’ennemi j’ouvre la télévision, pour détourner l’attaque je passe à la cuisine où je mets la radio, mine de rien, sur la pointe des pieds je me fais un thé, avec un bout de chocolat à grignoter, j’échappe à l’émission de France culture, je passe en rampant sous la télé où un film en noir et blanc fait vibrer les coeurs, j’évite le regard de Gabin en casquette et hautes chaussettes de golf à carreaux, je contourne le piano, le lit, passant sous les piles de livres qui me guettent prêtes à m’attraper pour me faire une scène, je fais une pause essoufflé dans la salle de bains, j’en profite pour me savonner les miminnes à fond comme les gens qui s’inquiètent de notre santé le conseillent, je vais même jusqu’à éternuer bruyamment dans mon coude afin de rassurer les voisins ressuscités de Vichy qui font des fiches sur le respect des consignes données, enfin j’entre, l’air détaché, dans la pièce où le livre s’est refermé seul et a glissé du canapé jusque sous la table basse et où le disque s’est fini tant il s’ennuyait de s’écouter tout seul.
En fait les gens qui savent nous disent que trop de temps passé sur les écrans, ce qui en ces temps où nous sommes, du fait de l’inquiétude entretenue savamment, nous arrive trop souvent, fait perdre la capacité à pouvoir lire un livre et c’est ce qui arrive à tant de jeunes élèves.
Mais peu importe – et ici je passe de moi à vous tous: finalement personne n’a aussi peu lu en fait que les écrivains, or Toi, Correspondant préféré, Toi, Correspondante préférée parmi les amies et amis préférés, Tu es un écrivain né, une écrivaine née si tu veux: tu écris, nous te lisons – et la vie est délicieuse ainsi. Lis ou ne lis pas, ce n’est pas bien grave.
Mais écris, écris, plus encore: c’est notre pain quotidien, notre matsa de chaque jour avec laquelle nous pourrions vivre même au désert, même au désert du confinement…
© Jacques Neuburger
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