Je n’oublierais jamais les nombreux attentats et leurs victimes qui ont jalonnés ma vie en Israël. Il y en a eu tant que je ne pourrais pas ici tous les raconter.
Ceux de la rue Ben Yehouda au centre ville de Jérusalem, où trois cafés ont sauté simultanément: dans l’un d’eux, notre ami Laurent a été gravement blessé.
La pizzeria Sbarro, où des familles entières venues manger un triangle de pizza ont perdu la vie.
Celui du Café »Moment », celui du restaurant Caffit à Emek Refaim, où l’on cherchait en vain une table ce jour là avec les copines pour déjeuner, et où, perdant patience, je les ai entraînées un peu plus loin dans un resto à l’écart…
C’est un jeune serveur qui avait repéré le terroriste avec son long manteau qui cachait sa bombe. C’est lui qui a fait dégager discrètement un maximum de clients, leur sauvant la vie. C’est lui qui s’est jeté sur le terroriste, l’immobilisant en attendant les forces de sécurité. Il avait 22 ans, il sortait de l’armée…
Et puis l’attentat du Café Hillel toujours sur cette avenue à la mode, où nous devions nous rendre pour boire un chocolat chaud après être allées prier au kotel pour une amie malade.
Il faisait frais ce soir-là, comme souvent le soir à Jérusalem. Nous étions 3 voitures de femmes , amies et solidaires, elles se reconnaîtront…
Direction ce si beau café que nous aimions tant, besoin de nous réchauffer et de parler ensemble…
Et puis sur le chemin du retour, je me suis sentie mal, j’ai demandé à rentrer chez moi directement, décevant les copines.
Elles m’ont déposée et sont parties.
Mon manteau à peine enlevé, j’entends une détonation qui a fait trembler les vitres de ma maison. Ce ne pouvait être qu’un attentat, mon coeur bat très vite: si j’ai entendu la détonation si fort C’est que cela s’est passé tout près… Les cafés ouverts le soir d’Emek Refaim…
Les lignes téléphoniques de nos portables sont bloquées… Je panique… Impossible de les joindre… Je trépigne, j’allume la radio et je comprends que la bombe a explosé au café Hillel, celui vers lequel mes amies se dirigeaient. J’explose en sanglots, mes enfants sortent de leurs chambres, inquiets, j’appelle, j’appelle… jusqu’à ce qu’une voix amie me réponde…
»Tu nous as sauvé la vie, quand tu es rentrée, on s’est dégonflé les unes après les autres et on est rentré chacune chez soi… »
On pleure ensemble au téléphone…
Le fils médecin de l’une d’entres elles a couru en pyjama sur place pour soigner les blessés…
On écoutait la radio et la télé en boucle, avec le récit tragique de tous ces morts et ces blessés.
Parmi eux, Docteur Apfelbaum et sa fille Nava. Célèbre médecin urgentiste américain de Charei Tsedek, il a fondé le service d’urgence Terem à Jérusalem. Nava devait se marier le lendemain, c’était le soir de son mikvé, son père a dû vouloir passer un moment en tête à tête avec elle avant de l’accompagner sous la houppa. Ou l’inverse. C’est peut-être elle qui lui avait proposé ce moment complice… Ils étaient tous les deux attablés quand le terroriste s’est approché avec son engin de mort.
Ils sont morts en arrivant à l’hôpital. Les médecins secouristes de Charei tsedek ont été en choc lorsqu’ils ont reconnu leur patron sur un brancard, lui qui leur avait tout appris sur l’accueil en urgence des blessés d’attentats.
La robe de Mariée de Nava a été déposée depuis sur la tombe de Rachel à Bethleem…
Je pleure en tapant sur mon clavier car jamais je n’oublierai… Jamais…
Cette douleur est gravée en nous pour toujours…
Toutes les victimes d’attentats et Tous nos soldats tombés au combat sont des héros d’Israël.
© Emmanuelle Adda
Franco-israélienne installée à Jerusalem depuis 20 ans , Emmanuelle Adda est présente dans tous les médias TV, Radio ( Kan en français notamment ) et Presse écrite.
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