« Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée » paru en 1945 dans Les Cahiers d’art est un des textes de Lacan qui m’a le plus impressionné et dont les axes essentiels sont devenus les lignes directrices de ma pratique analytique étendue au domaine du rapport au monde, à l’Autre et aux autres.
L’ère techno sanitaire inaugurée par le corona et sa covide, couple hétérosexuel d’essence divine envoyé sur Terre pour racheter les pêchés des hommes et remettre toutes les pendules socioéconomiques à l’heure avec les saints vagues seins salutaires et protecteurs, me semble particulièrement appropriée pour appliquer les conclusions de ce texte sur la structure du temps de l’inconscient : un temps pour entendre ou regarder, un temps pour comprendre et un temps pour conclure.
Le contexte actuel me semble similaire au problème logique posé dans le texte : un directeur de prison fait comparaître deux prisonniers. Il leur dit : « Je dois libérer l’un de vous deux. Pour déterminer lequel, je vous propose une épreuve. J’ai ici trois disques, deux blancs et un noir. Je vais coller un des disques entre vos épaules. Il n’y a pas de miroir dans la pièce et vous ne pouvez pas communiquer, mais vous pouvez voir la couleur du disque de l’autre. Le premier qui aura trouvé la couleur du disque qu’il porte pourra sortir et sera libre. » Cette question de logique est une métaphore : le directeur, dieu tout-puissant dans la prison arrange le jeu à sa mode et les détenus désirent cette libération immédiate. Pour cela, ils doivent comprendre ce qui est caché, puis se décider à parler. Le disque représente donc l’inconscient, un inconscient non visible, non communicable, sans reflet possible dans un miroir. Pour approcher l’inconscient, chaque prisonnier doit mettre en œuvre une réflexion logique. Dans un premier temps voir le disque de l’autre, ensuite comprendre comment logiquement trouver la solution, et enfin conclure, avant de sortir.
Sortir de l’aliénation, ce qui sous-tend tout le travail analytique
Sortir de l’aliénation, c’est ce qui sous-tend tout le travail analytique. C’est aussi ce qui sous-tend toute prise de conscience visant la libération du sujet et l’autonomie de la pensée et de la réflexion. Or, ce régime dans lequel nous avons basculé depuis un an a plongé la population dans une situation similaire : nous sommes devenus les prisonniers d’une gigantesque prison sanitaire dans laquelle nous semblons coincés à perpétuité.
Dès lors, la même question se pose : comment en sortir et y a-t-il une proposition pour retrouver la liberté? C’est ici qu’intervient la logique de l’inconscient structuré comme un langage dans une temporalité singulière en trois temps, entendre ou voir, comprendre et conclure.
Les psychanalystes le savent très bien, dans le décours d’une cure, les deux premiers temps sont assez aisés à accomplir et c’est surtout le troisième et dernier qui reste très souvent le plus difficile à atteindre, ce qui allonge considérablement le temps de l’analyse qui peut malheureusement et trop souvent se prolonger de manière indéfinie et interminable, à moins que l’analyste n’y mette un terme définitif, ce qui est aussi rarement et malheureusement le cas.
Partons du constat suivant : le couple corona covid a clivé la population en deux clans, les adhérents au dogme du narratif officiel, soit les aliénés soumis volontairement à l’enfermement mental et hypnotisés, et les autres, les récalcitrants lucides qui ne sont pas sous la sujétion hypnotique et continuent à raisonner sainement en pensant par eux-mêmes. Les premiers sont des prisonniers consentants persuadés d’une incarcération temporaire en attendant le remède vaccinal tandis que les deuxièmes sont des prisonniers malgré eux désirant sortir sans aucun remède promis auquel ils ne croient pas.
La clef de la sortie est donc la même que celle évoquée plus haut dans le processus de l’analyse : la conclusion et le temps pour y parvenir après avoir vu, entendu et compris.
Or, l’inconscient fait ce qu’il veut jusqu’à ce que le sujet en prenne conscience et décide de reprendre la barre de son existence.
Ce qui signifie qu’il ne suffit pas de voir et d’entendre ni de comprendre pour conclure, pire encore lorsque le sujet ne voit rien, n’entend rien et ne comprend rien, ce qui semble bien être le cas des adhérents covidistes dont un certain nombre ne se considèrent même pas en prison.
Le temps pour conclure est en soi la conclusion et la condition de possibilité de l’action et donc de la libération. Mais pour y arriver, il faut d’abord pouvoir regarder, entendre et comprendre. Regarder signifie bien plus qu’ouvrir les yeux, l’oeil est un appareil de prise de vue sophistiqué comme une caméra ou un appareil photo, rien de plus et sans le travail d’interprétation réalisé par le cerveau, il ne produit aucun sens, un ensemble d’images ne constitue pas une représentation.
De même le cerveau ne produit qu’un sens limité sans l’exercice de la conscience. Entendre ne se limite pas non plus à l’oreille externe et interne, les sons doivent aussi être recombinés par le cerveau et la conscience pour produire plus qu’un ensemble de sons, la musique n’étant pas une suite de sons.
La production de sens est une activité hautement symbolique que seule la conscience permet.
Quant à la conclusion, on le voit, elle ne peut se produire qu’après l’accomplissement des deux temps précédents et demande un effort de prise de conscience considérable. Le temps pour conclure coïncide avec le désir de sortir, à condition de voir et de comprendre l’enfermement, ce qui implique de se défaire de la servitude volontaire à laquelle beaucoup d’individus se sont soumis en attendant un hypothétique directeur de prison proposant une énigme logique libératrice.
Mais nous le savons tous très bien au plus profond de nous-mêmes : il n’y a pas de directeur (de conscience) et la clef se trouve en chacun de nous. A condition de regarder, d’entendre, de comprendre et de conclure.
© Michel Rosenzweig
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