J’avais terminé ma visite et fait toutes mes prescriptions. J’avais envie de m’accorder une petite pause.
J’étais médecin, dans le cadre de la coopération scientifique, en soins palliatifs à l’Hôpital St Louis de Jérusalem.
Un hôpital aux grilles bleues faisant face aux murailles de la Vieille Ville, à l’intersection de la rue des Juges qui remonte vers le quartier orthodoxe de Méa Shéarim, et de la rue Saladin qui descend vers la ville arabe.
Je me tenais en bas de l’escalier monumental, qui mène aux chambres, et le spectacle était impressionnant.
Bien sûr la fresque de 5 mètres de haut représentant les blasons des chevaliers de la Première Croisade, mais surtout les infirmières, les aide-soignantes, les volontaires qui lavaient à grande eau les dalles de l’Hôpital Saint Louis.
Sous la direction sévère de l’infirmière-chef Sœur Christina, une nonne irlandaise, qui depuis plus de 10 jours procédait au grand nettoyage avant Pessah.
En plus de prodiguer, avec compétence et dévouement, des soins aux malades, Sœur Christina avait traqué le hametz dans tous les recoins.
Elle était épuisée, mais pour elle, le respect de la foi de chacun des patients hospitalisés était fondamental. Le premier Seder approchait et il fallait que cet hôpital géré par les Sœurs de Saint Joseph de l’Apparition, soit « casher le Pessah » pour nos malades juifs. Sœur Christina était inflexible.
Pour ma pause, je suis allé dans le petit réfectoire, et je n’ai pas tardé pour déguster, avec volupté, le borekas ( triangle de pâte feuilleté au fromage bulgare) que j’avais acheté rue Jaffa, accompagné d’un verre de citronnade à la menthe.
Soudain Sœur Christina est entrée.
Son regard bleu s’est porté fixement sur les miettes de borekas que j’avais répandu sur la table.
« Docteur Daniel, m’a t-elle dit, nous avons brûlé hier soir les dernières traces de hametz. Je constate que malgré tous nos efforts, vous avez réussi à découvrir du hametz qui nous avait échappé. Je vous remercie de le faire disparaître et vous souhaite une bonne fête de Pessah à vous et à votre famille. »
Un peu honteux, j’ai dégluti le reste de mon borekas et lui ai , à mon tour, souhaité de bonnes fêtes de Pâques.
© Daniel Sarfati
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