Près d’un million de Juifs d’origine marocaine vivent dans le monde, principalement en Israël. Avec le temps, les bons souvenirs remontent à la surface. Ils dorent la vision d’une coexistence où l’humour, la musique et la joie de vivre étaient également partagés par les juifs et les musulmans du Maroc.
Les Juifs, qu’ils soient de langue française, espagnole, arabe ou berbère, font partie intégrante de la personnalité du Maroc. Ils ont connu plusieurs mutations au cours de l’histoire, de la période gréco-romaine à nos jours. Ils en subissent une autre aujourd’hui dans leurs pays d’émigration. Cependant, l’empreinte culturelle judéo-marocaine est très forte et contribue à façonner la vie des futures générations de Juifs d’origine marocaine où qu’ils se trouvent.
La majorité des Juifs reviennent visiter le Maroc pour se connecter avec une grande joie aux lieux de leur enfance.
Certains diront que tout était idyllique.
D’autres soutiendront qu’il y avait un sentiment latent et permanent d’insécurité, que les petites gens étaient sujets à des quolibets et des vexations et qu’il y avait des incidents de violence.
L’émigration fut douloureuse, mais elle s’accompagna aussi d’un sentiment de libération. L’attrait d’une dignité retrouvée en Israël aura été bien plus fort que les difficultés rencontrées sur place.
Et il y a le fossé des générations.
L’absence des Juifs a été ressentie par de nombreux Marocains. Ils ont laissé un vide culturel et leur contribution aux pays d’émigration ont fait prendre conscience aux Marocains à quel point leur contribution aurait pu être bénéfique si les Juifs étaient restés au Maroc.
L’idylle de l’égalité au lendemain de l’indépendance en 1956 a été mise à mal par l’importation des tabous de la Ligue arabe que le Maroc a rejoint en 1958: boycottage des nouvelles d’Israël, interdiction des échanges postaux et adoption de son discours biaisé et unilatéral de la réalité israélo-arabe. Néanmoins, les échanges israélo-marocains qui servaient les intérêts communs ont continué dans la discrétion.
Le roi Hassan II a compris que le mouvement d’émigration des Juifs était irréversible et veilla à ce qu’il se déroula dans l’ordre. En parallèle, il a encouragé un rapprochement avec l’Égypte, espérant une paix totale plutôt qu’une paix partielle. L’ouverture au tourisme israélo-marocain a donné lieu à des retrouvailles au cours desquelles les sentiments de compassion et de solidarité sont joyeusement partagés.
Cela est en soi remarquable, considérant que le Maroc n’est pas insensible à la situation au Proche-Orient et que par ailleurs, le souhait des Juifs marocains de renouer pleinement avec leur pays d’origine est affecté par les positions marocaines hostiles à Israël.
Or, des décennies durant, la nouvelle génération marocaine a été exposée aux expressions du radicalisme islamiste, à l’enseignement de la haine, à la propagande anti-israélienne serinée par les harangues des médias du Moyen-Orient. Cela a certainement contribué à entacher le besoin de sérénité nécessaire à la compréhension du conflit israélo-arabe.
L’annonce de l’établissement de relations diplomatiques entre Israël et le Maroc est aujourd’hui un signe d’espoir, un espoir qu’il faudra cultiver par une collaboration culturelle, économique et scientifique afin d’éviter une paix froide.
Pourtant, l’ampleur du processus de normalisation entre les États d’Israël et du Maroc reste à évaluer.
Comment réussir la paix entre le Maroc et Israël, pour qu’elle soit une paix des cœurs et non une paix froide ? Les échanges culturels, économiques et universitaires doivent être encouragés. Les échanges entre les institutions éducatives et les mouvements de jeunesse sont nécessaires afin de jeter des ponts pour une coexistence future.
Ces échanges francs peuvent-ils évoluer vers une amitié et une collaboration plus chaleureuse ? Le défi n’est pas insurmontable.
En regardant le passé, nous devons garder à l’esprit que c’est lorsque la tolérance et la liberté ont été embrassées par toutes les communautés que la civilisation arabo-berbère d’Espagne a connu un essor sans précédent.
Aujourd’hui, nous devons faire face à l’avenir.
Les autorités marocaines ont lancé un programme de valorisation du patrimoine juif marocain : conservation des synagogues, entretien de cimetières, musées, préservation des noms juifs d’origine de rues et décision récente d’inclure des textes portant sur le patrimoine judéo-marocain dans les curricula des classes du primaire. En outre, la composante hébraïque de l’identité marocaine a été soulignée dans le préambule de la Constitution de 2011.
Si l’on tient également compte de la connivence qui a pu régner dans le passé au Maroc, sans ignorer les difficultés vécues par les Juifs, il sera possible de toucher le cœur des Marocains et des peuples du Moyen-Orient et de mettre fin au sentiment de vivre en état de siège en Israël.
Le Maroc est en bonne position pour contribuer au climat de confiance si nécessaire entre les belligérants proche-orientaux, prélude à la réconciliation et à des concessions réciproques. C’est le défi qui est posé au souverain Mohamed VI et au gouvernement marocain. Non moins importante est la nécessité pour le gouvernement israélien de faire preuve de sensibilité et de rigueur pour faire en sorte que le rapprochement israélo marocain évolue dans une direction salutaire.
Le Maroc et Israël doivent réussir à faire d’un tel rapprochement une réalité de part et d’autre. L’écho d’un tel succès tournerait la page de décennies marquées par le conflit et ouvrirait celle de la communion des cœurs et des esprits à travers le monde.
David Bensoussan
Bien vrai tout ça.
En tant que touriste au Maroc, sans attaches préalables à ce pays, j’ai pu constater récemment l’excellent état de conservation des synagogues et des cimetières juifs. Dont certains datent de siècles et sont, encore, en service.
Ainsi que l’attitude amicale des marocains à l’égard des Juifs en général, venus de France en particulier et même venus d’Israël ; ces derniers s’affichent clairement sans problème.
Et les regrets exprimés ouvertement vue la disparition quasi-totale de cette communauté du Maroc.
Le terrain est propice au rétablissement des relations diplomatiques et des échanges commerciaux soutenus.
La famille royale marocaine n’en demande pas mieux ; mais les freins sont internes au Maroc et à ses institutions politiques.