Tribune Juive

Jacques Tarnero. Le jihad nucléaire ou la fin de l’histoire ?

La chute du mur de Berlin suivie de la fin de l’empire soviétique, avait inspiré à l’historien Francis Fukuyama sa construction théorique sur la fin de l’histoire car, pensait-il, le triomphe planétaire du libéralisme, la mondialisation des échanges allait entrainer un nouvel ordre multilatéral pacifié. Les totalitarismes qui avaient tant marqué le XXe siècle semblaient un mauvais souvenir. Mais l’histoire a ses ruses et la prophétie s’avéra fausse. Le choc des civilisations annoncé par Samuel Huntington s’est non seulement imposé dans le désordre généralisé de la mondialisation mais un nouveau projet totalitaire imprévu y a trouvé sa niche. L’islam politique s’est imposé comme le grand défi du XXIe siècle avec en son sein la menace d’un Iran  nucléaire.

Depuis la révolution islamique de 1979, le monde est témoin de la dynamique de cette force nouvelle. Ses avancées sont multiples, ses territoires conquis sont chaque jour plus grands,  ses disciples se comptent par millions. Son poids démographique, ses conquêtes culturelles, sa puissance attractive, sa puissance idéologique, son offre spirituelle sont en train de changer le monde.

En Europe, les vieux pays, les vieilles nations, de culture judéo chrétienne ayant troqué leur foi au profit du marché, découvrent avec angoisse une menace inédite pour leur confort, si chèrement acquis. Après un siècle de guerres européennes, la construction de l’Europe devenait une idée neuve. Pour sortir des nationalismes rivaux, il fallait au minimum, un socle culturel partagé à défaut d’une langue commune.

Cet espace nourri de sources chrétiennes, avait au XIXe siècle conquis le monde, construit des empires coloniaux. Au nom d’une idée de progrès, parfois au nom de la devise de la République, les religions des autres, furent asservies parce que considérées comme inférieures, subalternes. La France apportait ses Lumières dans le continent obscur estimaient Victor Hugo et Jules Ferry.

Mais voici venu un autre temps, celui de la revanche.

La fin des empires coloniaux au milieu des années 60 va redistribuer les cartes. Après la défaite française à Dien Bien Phu, la conférence de Bandoung (1955) affirma l’émergence des ex colonisés dans un monde dominé et divisé par l’affrontement est/ouest. Chacun choisit son camp mais les héros de l’époque prirent les noms d’HoChiMinh, Ché  Guevara, Castro, Nasser et Ben Bella. L’élan politique inspiré par le communisme va durer le temps d’une génération puis va s’éroder par son échec. Dans la sphère arabo-musulmane ce qui avait inspiré la révolte contre le colonialisme va préférer le retour à ses racines culturelles musulmanes.

A l’avant-garde du choc des civilisations, la république islamique d’Iran brandit son étendard contre les « arrogants » et annonce sans fard son projet de conquête et de domination. Une nouvelle idéologie menaçante magnétise les frustrations du monde islamique, ceci malgré ses innombrables divisions, rivalités, entre sunnites et chiites. Cette vague aussi désordonnée que sanglante a pourtant un point d’accord. Ce dénominateur commun répulsif, à la fois idéologique et religieux, possède une capacité mobilisatrice stupéfiante : la haine d’Israël, sous tendue par la haine des Juifs, reste le seul facteur d’unité d’une grande partie de la sphère arabo musulmane. Le fantasme rédempteur de ce monde prend forme dans un rêve, celui de posséder une arme miraculeuse qui lavera d’un seul coup ses humiliations, ses défaites et ses incuries. Celui qui possèdera cette arme sera béni avec autant de ferveur que lorsque sur les écrans de télévision d’Alger, du Caire, de Bagdad ou de Damas des millions d’hommes ont applaudi à la chute des tours du World Trade Center. Le Grand Satan avait été touché. De Nasser à Saddam Hussein, de Ben Bella à Bachar Assad tous rêvent de ce moment. Ce que les hommes à moustache n’avaient pas réussi, des barbus du troisième type tentent de le réussir. Tous l’attendent et peu importe le prix collectif qu’ils auront simultanément à payer.

Dans une interview donnée à la revue Politique Internationale l’été 1982 l’ancien premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella, énonçait, très sereinement, cette vision du monde : « jamais le peuple arabe, le génie arabe ne toléreront l’Etat sioniste. Et cela parce qu’accepter l’être sioniste, reviendrait à accepter le non-être arabe. (…)Israël est un véritable cancer greffé sur le monde arabe (…) s’il n’y a pas d’autre solution alors que cette guerre nucléaire ait lieu (…) Ce que nous voulons, nous autres arabes, c’est être. Or, nous ne pourrons être que si l’autre n’est pas »

Il faut se souvenir que Ben Bella fut un des promoteurs de la trop fameuse conférence de l’ONU sur le racisme à Durban l’été 2001 où la haine d’Israël est devenue la matrice de « l’antiracisme » qui sévit de nos jours sous les nouvelles formes décoloniales ou indigénistes. C’était quelques jours avant le 11 septembre 2001.

Tout est dit dans cette effrayante déclaration. Israël est bien la première ligne de front face au projet totalitaire islamiste. En seconde ligne c’est l’Occident tout entier qui est menacé.

Si par malheur le jihad s’armait d’une bombe nucléaire, ce serait à coup sûr, une toute autre histoire.

© Jacques Tarnero

Jacques Tarnero est Essayiste, documentariste, ex-chercheur à la Cité des sciences/CNRS, Auteur des flms Décryptage, Autopsie d’un mensonge, et du livre Le nom de trop: Israël illégitime ?

Source: Actualités juives. N° 49

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