GRAND ENTRETIEN – Juriste, scénariste, actrice et écrivain avant d’être femme, noire ou juive, Rachel Khan refuse toute assignation à résidence identitaire et victimaire. Dans son nouvel essai, Racée (L’Observatoire), elle se moque des nouvelles idéologies «décoloniales» et «intersectionnelles» qui, sous prétexte d’antiracisme, ne font, selon elle, qu’alimenter les ressentiments.
Pour Rachel Khan, juriste, scénariste, actrice et écrivain, le mot «racisé» révèle chez ceux qui l’emploient «une faille narcissique et paranoïaque mais surtout une dérive et une incohérence idéologique».
LE FIGARO. – Vous vous définissez comme «racée». Qu’entendez-vous par ce terme?
Rachel KHAN. – Je suis issue d’un mélange entre une mère juive polonaise et un père sénégalais et gambien d’origine musulmane mais animiste au départ, avant l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest. Racée, ce terme délicatement ancien du dictionnaire, est aussi évidemment une réponse espiègle au mot «racisé» donc l’élégance s’est perdu en chemin. C’est donc un contrepied et un contrepoint de vue face à la situation actuelle des victimaires et des identitaires.
Racée est à la fois un trait d’humour, qui souligne le fait d’avoir plusieurs «races» en soi, et un jeu de mot par rapport à «racisé».
Je suis décontenancée par l’usage de ce terme «racisé» que j’entends très souvent depuis 2-3 ans. C’est insupportable, cet essentialisme qui enferme les individus dans une identité-discrimination au nom de la lutte pour l’égalité.
C’est complètement contre-productif et délétère de porter la haine qui appartient à l’autre en soi. Quand on fait de son mieux chaque jour pour s’en sortir, ce mot est d’une violence rare, il heurte parce qu’il enferme au lieu de libérer, il ne propose aucune issue.
Cette notion est irrecevable au regard des droits fondamentaux parce qu’elle assigne les individus à un statut inférieur, en revendiquant du fait de sa couleur de peau un droit à la victimisation.
| Vous ne vous considérez pas comme «racisée» mais est-ce que pour autant, vous défendez le principe d’assimilation ?
Mes parents sont passés par cette assimilation culturelle. C’est un héritage qui m’a été transmis. Mon père est arrivé en France à la fin des années 60. Ce n’était pas son pays d’origine pourtant il m’a offert cet amour du patrimoine français.
Je suis née en Touraine, dans la région de Descartes, Rabelais, Balzac. C’est ce qui m’a donné des clefs très précieuses dans ma vie. Je m’en rends compte aujourd’hui à quel point ce fut important et à quel point cette transmission de la France par mon père était un acte d’amour.
L’assimilation permet de se transcender. Je ne comprends toujours pas pourquoi il y a une crispation autour de la notion «d’assimilation». Au-delà même de la question de l’intégration le terme «assimiler» signifie acquérir.
L’assimilation culturelle ne vise pas à déposséder l’autre de ses racines, mais au contraire à lui permettre d’acquérir un supplément dont il pourra se nourrir. Mais de toute façon, rien ne convient jamais aux contestataires! Ils sont donc définitivement bien français! (rires)
| Vous rappelez vos origines, juives, africaines et vous êtes héritière d’un passé douloureux. Pour autant, vous refusez de vous définir comme une «victime»…
N’en déplaise à certains, je me sens l’inverse d’une victime. Je considère avoir énormément de chances mais ce genre de position ne crée pas le buzz. J’aurais sans doute fait une carrière plus médiatique si j’avais choisi d’être «entrepreneuse de la victimisation».
En tant que femme, juive, petite fille de déporté, noire et autres… je coche beaucoup de cases pour pouvoir m’indigner sur ma/mes conditions. Mais au fond, c’est une question de désir et d’estime de soi. Si je désirais être une victime, j’en serais une dans ma vie quotidienne.
Manu Dibango était mon parrain, il a joué avec les plus grands, Nina Simone, Gainsbourg… il a vécu des déchirures et des obstacles tout au long de sa vie, ce qui ne l’a pas empêché de devenir un artiste international qui a su transcender ses souffrances. C’était un amoureux de la France qui revendiquait le patrimoine français, la gastronomie française. Et il aimait rire. Lorsqu’il se retrouvait face à une personne qui lui faisait une réflexion raciste, il préférait s’en moquer puis son génie et ses harmonies mettaient tout le monde d’accord.
Il faut avoir conscience qu’aujourd’hui les personnes qui crient le plus à l’injustice sur les plateaux de télévision sont rarement celles qui souffrent le plus. Les vraies victimes n’ont hélas pas la force de parler. Encore moins devant les projecteurs.
| Vous n’avez jamais ressenti de dualité ? Devoir choisir une identité?
Au contraire, rétrospectivement, j’en ai même voulu à mes parents de ne pas m’avoir préparée à vivre dans une société cloisonnée. C’est lorsque j’ai quitté la maison à 18 ans que j’ai rencontré des personnes qui se prétendaient antiracistes et qui m’ont dit qu’il fallait choisir (et d’ailleurs que je n’avais pas le choix! (rires) entre noire et juive, ou juive et musulmane. Pour eux, mes parents ne pouvaient «être ensemble», il s’agissait d’une association «incompatible».
Aujourd’hui, pour les jeunes, la situation est délicate. Depuis tout petit, on les conditionne à choisir un clan, un camp, une case. Quand je vais les voir, que je parle avec eux et qu’à la fin de la conversation, je leur annonce que je suis juive, ils me regardent avec des grands yeux. Il s’agit seulement de dialoguer au plus près, de les reconnaître pour dissiper les idées reçues et ouvrir les mentalités car, pour certains, personne ne les aide dans ce sens.
Je travaille beaucoup avec Ismaël Saidi qui a fait un spectacle intitulé Djihad, mais aussi Géhenne, une pièce dans laquelle je joue, malgré les apparences (!), une mère juive. Nous avons sillonné la France, au contact des jeunes, notamment de banlieue ou même des détenus et des fichés S. Ce n’est pas simple mais, en passant un peu de temps avec eux, on arrive à dialoguer et à ouvrir les perceptions et les conceptions. Parfois, ils ne veulent pas voir ce que l’État leur propose, ni les opportunités qu’il offre.
Il ne faut pas créer la menace de les laisser vivre en vase clos, là où ils se persuadent en permanence d’être victime et d’avoir à ce titre le droit de se venger de l’État colonial ou que sais-je.
| Cette assignation à résidence identitaire et victimaire complique-t-elle le processus d’intégration ?
Nous avons des enfants, les générations futures dont il faut s’occuper. On ne va tout de même pas leur transmettre l’idée que dans la vie il faut absolument être une victime. Imaginez un enfant de 4 ans: «Bonjour je m’appelle Charlie, j’ai 4 ans, je suis racisé». L’éducation démarrerait mal et les perspectives de cet enfant se retrouveraient très réduites.
Mais c’est aussi l’objectif de ces idéologies : ne pas permettre l’égalité dès la naissance pour ensuite s’en plaindre. Je suis stupéfaite aussi que des personnes, alors que nous sommes en démocratie, s’octroient le droit de parler au nom des gens qui ont à peu près la même couleur de peau qu’elles.
Dans notre système démocratique, je n’ai jamais voté pour que Rokhaya Diallo me représente. Pourtant, lorsqu’on me rencontre, les gens qui ne me connaissent pas pensent que je partage automatiquement sa vision des choses parce que pour eux j’ai la même couleur de peau.
Je suis allée sur un plateau télé récemment pour discuter de l’islamogauchisme à l’université et un intervenant me dit gentiment «je crois que nous sommes dans le même camp».
Non, je ne crois pas, non… mais, à cet instant j’ai compris que je devais avoir des cheveux «islamogauchistes»!
| Vous évoquez les mots qui «séparent» tels que «souchien» «racisé» «afro-descendant»… N’y a-t-il pas un paradoxe à vouloir lutter contre le racisme tout en employant ces mots que l’on pensait disparus ? Comme le mot race que l’on a fait disparaître de la Constitution…
Selon moi, le mot «racisé» exprime une frustration. En réalité, ces individus sont dépités que le mot «race» ne figure plus dans la Constitution. Ils auraient aimé pouvoir se raccrocher à cette notion pour accréditer leurs thèses. Ils vont donc réemployer un autre mot assez proche qui est «racisé».
Nous ne sommes pas dupes.
Les individus qui emploient le terme «racisé» ont une nostalgie du mot race, une nostalgie des ghettos. Ils ne sont pas nés au bon endroit, ni à la bonne période. Ils auraient adoré être en Alabama dans les années 50. Pas de chance, ils sont en France et en 2021! (rires).
Cela révèle une faille narcissique et paranoïaque mais surtout une dérive et une incohérence idéologique. Ils pointent du doigt «l’entre-soi» alors même qu’ils prônent la «non-mixité» et sont les premiers à mettre en œuvre ce qu’ils reprochent aux autres.
En utilisant ces nouveaux mots et ces nouveaux codes, ils se persuadent que le racisme d’État, tel que l’Apartheid en Afrique du Sud, est une réalité en France. Avec leur faille paranoïaque, ils se sentent offensés par n’importe quel propos.
Je vais vous raconter une anecdote.
À une époque, moi-même je pensais que la plupart des personnes de mon université, Assas, étaient racistes. J’ai commencé à me plaindre auprès de mon père, qui était professeur à la faculté de Tours. Il m’a remis en place très sévèrement… Pour lui c’était inconcevable, non pas que le racisme existe, mais il me défendait toute victimisation. J’ai donc pris sur moi et je comprends aujourd’hui pourquoi il me disait qu’il fallait me concentrer sur mes études, plutôt que de perdre du temps.
Les dogmes qui entrent à l’université aujourd’hui troublent le rapport au travail, puisqu’ils obligent à ne parler que de soi-même en fonction de la «race» et du «sexe» et, dans le même mouvement, rendent illégitimes les enseignements sur l’histoire africaine d’un professeur blanc. À force, certains finissent par croire qu’il est nécessaire d’avoir une pensée décoloniale. C’est très problématique par rapport aux savoirs, à la connaissance et à notre héritage universaliste.
Pour moi, ces idéologies sont une insulte aux grands hommes tels que Césaire, Manu Dimango, Édouard Glissant, avec lequel j’ai eu la chance de travailler, ou mon père, qui se sont affranchis de concepts revanchards pour tisser de nouveaux liens et conjuguer leur histoire avec celle de l’Europe.
| Que vous inspirent l’affaire Adama Traoré et la figure d’Assa Traoré?
Elle est convaincue de mener une bataille, un combat profond. Mais pour mener ce type de combat sérieusement, il est préférable de ne pas porter… de perruque! (rires) J’ai l’impression qu’il y a toute une stratégie de communication derrière elle. Elle fait des publicités pour des T-shirts, il y a là une forme d’opportunisme dérangeant. Elle bafoue la présomption d’innocence qui est un principe fondamental. Puis, il y a quand même l’affaire du viol en prison d’un codétenu par son frère… Ils ne sont pas seulement des «victimes». Ils surfent sur le mouvement «Black Lives Matter», mais nous ne sommes pas aux États-Unis!
D’ailleurs, si Assa Traoré allait au Mali, je doute qu’elle pourrait se livrer à ce type de comportement. Elle ne serait pas aussi libre qu’en France en tant que «femme».
Enfin, ces mouvements ne font qu’aggraver les déchirures profondes de notre pays et lorsque je pointe mon attachement à certaines choses qui font l’universalisme, la République, l’État de droit et notre démocratie, tout de suite, je suis traité, comme d’autres, de «nègre de maison», de «bounty», etc. C’est intolérable et d’une violence inouïe lorsque l’on pense que ces principes font notre liberté.
| Avez-vous été attaquée ou menacée?
Pas vraiment, mais après chaque émission à LCI, je reçois des messages du type «nègre de maison», «traîtresse» ou autres. J’ai l’impression d’être plus attaquée par les racistes qui se disent «racisés» que par les autres, mais bon, de toute façon c’est la même chose, une conjugaison de frustrations, de violence et de haine. Je reste malgré tout toujours prête au débat et à l’échange.
Il y a le discours des entrepreneurs identitaires qui prétendent représenter les minorités. Mais aussi celui des élites médiatiques, universitaires ou politiques. Pourquoi ces discours se rejoignent-ils ?
La victimisation répond à la culpabilisation. Face aux victimaires, certains aiment se flageller et s’autoculpabiliser, c’est étrange comme pratique… Il y a une sorte de perversion là-dedans.
| Pour autant, le racisme existe encore dans la société. Est-ce que vous le niez ?
Ce qui est malhonnête, c’est de penser ou de faire croire que les personnes qui tiennent les mêmes propos que moi sur l’universalisme, qui sont amoureux de la France, seraient dans un déni ou n’auraient vécu aucune discrimination.
J’ai vécu des choses, je suis aussi active sur le terrain, auprès des jeunes, des détenus, dans les collèges et les lycées, c’est d’ailleurs pour cela que je suis en charge de la commission jeunesse et sport de la Licra, etc.
Donc oui, je me bats depuis plus de 20 ans contre les discriminations et par ailleurs j’ai des douleurs mais je ne veux pas m’y attarder éternellement et nouer une rancœur qui m’empêche de bâtir.
Tout le monde a un côté un peu raciste, c’est finalement un phénomène universel. Par nature, l’être humain est intolérant. Ce qui est dangereux aujourd’hui, c’est de constater que des individus, emplis de colère et de rage, alimentent ce racisme.
Il y a désormais un risque que des personnes non racistes au départ finissent par en avoir assez de ces discours pleins de ressentiments qu’ils associent à l’ensemble des personnes arabes, noires et autres. Ce qui pousse à se demander si au fond ces nouveaux «antiracistes» ne sont pas dans cette quête. Je ne suis pas sûre que l’intérêt des entrepreneurs identitaires soit vraiment la lutte contre le racisme, puisque s’il n’y a plus de racisme, ils n’ont plus de raison d’être.
| Le discours de victimisation/culpabilisation que vous décrivez est-il propre à l’Occident ?
C’est comme si nous avions honte de nos valeurs françaises et européennes alors que nous sommes confrontés à une perte de repères. Comme s’il était nécessaire d’effacer le passé, l’histoire…
Ce livre a pour objectif de nous réparer, c’est un manifeste sur l’amour de la France, de la République, de l’universalisme. Dès lors, j’y énonce ce qui nous sépare et notamment ces phénomènes en cours en Occident qui peuvent paraître comme des détails mais que je considère comme dangereux, et si symboliques du climat actuel.
C’est un cri du cœur pour résister à cette déconstruction à laquelle nous sommes confrontés : écriture inclusive, cancel culture, woke…
Toutes ces dérives entachent aujourd’hui la démocratie.
L’écriture inclusive constitue un frein à la liberté d’expression.
Vous imaginez si on traduisait tout votre journal en écriture inclusive, renommé pour l’occasion Madame Figara ?
Par ailleurs, les journaux qui adopteraient l’écriture inclusive verraient probablement leur nombre de lectrices et lecteurs fortement diminuer. Les journaux seraient inclusifs, certes, mais totalement exclus par le plus grand nombre.
On a un problème majeur qui est l’illettrisme, des enfants de sixième qui ne savent pas lire. L’égalité, c’est se battre face à cette situation. Si on commence à adopter l’écriture inclusive, qui est illisible, et compliquée pour tout le monde, comment est-il possible de résoudre le problème et de réduire les inégalités ?
Quand je vais en Gambie, je donne des cours à mes petites voisines. Demain, si je débarque et que je leur dis : «cette fois on change tout, nous allons travailler l’écriture inclusive», elles vont me prendre pour une folle ! Elles ont la nécessité de s’ouvrir pour s’émanciper avec une écriture partagée par l’ensemble du monde francophone. Que pense d’ailleurs la francophonie de l’écriture inclusive?
| En tant qu’artiste, que pensez-vous de la politique des quotas?
Lorsque l’on écrit un scénario, nous disposons d’une liberté créative et on fait l’expérience de la liberté d’expression, de l’imaginaire, on s’évade et on ne doit pas se sentir comme dans une prison mentale pour écrire.
Je suis opposée aux quotas.
Une fois de plus, je joue contre «mon camp», j’aurais dû me lamenter sur mon sort, parce qu’avec toutes mes étiquettes, j’ai des chances de devenir présidente de la République ! J’aurais dû capitaliser sur ma couleur, mon sexe, ma religion, ma situation… en faisant des sorties comme Camélia Jordana ! D’ailleurs, elle devrait nous expliquer comment elle est arrivée à faire cette belle carrière si la France est vraiment gangrenée par le racisme systémique ?
Idem pour la chanteuse Yseult, dont j’ai vraiment regretté le discours aux Victoires de la musique. Elle chante magnifiquement bien, les textes sont beaux mais son discours est malvenu.
Si elle a obtenu une Victoire, ce sont donc des gens racistes qui la lui ont offerte ? Nous ne sommes pas à Soweto en France…
Il faut accompagner les artistes, les épauler parce qu’ils sont sensibles, ils sont censés être prescripteurs de quelque chose qui est beaucoup plus lumineux. Là, ils nous offrent une désespérance absolue. Par ailleurs, ce n’est pas un message responsable pour les plus jeunes.
Les footballeurs ne sont pas exempts de tout reproche non plus quand on voit les propos de Lilian Thuram… Il a été un héros en 98, il est quand même paradoxal de se sentir persécuté après ça. S’il considère qu’il y a un racisme d’État en France, il aurait fallu qu’il ne porte pas le maillot de l’équipe de France et qu’il décline sa sélection.
Pour en revenir aux quotas, j’estime qu’ils brisent la véritable méritocratie. Il y a quelques années, Aïssa Maïga avait demandé à 16 comédiennes d’écrire un texte sur la situation des actrices noires dans le cinéma. Dans mon texte, j’avais écrit que «Noire n’est pas un métier». Sinon autant dire aux «racisés» de ne rien faire et que la réussite viendra d’elle-même, qu’ils sont déjà le rôle grâce à leur couleur de peau.
En tant que comédienne, j’aime travailler avec acharnement, c’est comme chercher une nouvelle identité, un nouveau personnage, ce qui permet d’explorer ce que l’être humain est capable de faire, de se réinventer…
Malheureusement, lorsqu’Aïssa Maïga pointe les noirs, donc les blancs, dans la salle au moment de la cérémonie des Césars l’année dernière, c’est un moment fortement gênant qui la positionne non pas en tant qu’actrice mais en tant que Noire. Je ne comprends pas, Aïssa est une grande comédienne qui n’a pas besoin de ça.
| Existe-t-il un risque de basculer dans une société multiculturelle à l’américaine en rupture totale avec l’universalisme républicain ?
Malheureusement, ce risque existe mais je ne veux pas y croire. Ce serait vraiment perdre notre patrimoine, notre élégance, autant qu’une puissance singulière dans notre manière de résister pour l’égalité et la justice. Nous sommes tissés, métissés, pluriels mais pas assignés à des cases.
Je pense que la question fondamentale pour enrayer ce type de phénomène est l’éducation et évidemment à travers les parents. L’école et les institutions ne peuvent pas tout faire, d’autant que parfois, elles vrillent et se plient par faiblesse à cette idéologie.
| Qu’est-ce que Romain Gary, que vous citez beaucoup, vous a apporté ?
J’ai aimé son rapport aux identités au-delà de son intelligence. Sa manière d’écrire aussi, et la facilité avec laquelle il arrive à changer de peau, de personnage, son amour pour la France et les mots. Quand il obtient son prix avec Émile Ajar, son vœu de disparaître totalement dans l’écriture, pour ne laisser la place qu’au génie, est exaucé.
Il est allé sur des chemins inexplorés à l’avant-garde comme dans Chien blanc où il raconte précisément ce qu’est en train de refaire «Black Lives Matter», en moquant cette intolérance, par vengeance et colère, qui ne mène nulle part. Il avait écrit ce roman en réaction à son ex-compagne de l’époque, Jean Seberg, qui se rapprochait de l’idéologie du mouvement Black Panthers.
Il ironise aussi sur le mouvement en évoquant les incohérences des membres des Blacks Panthers qui se convertissent à l’islam, alors même que les musulmans ont participé très activement à l’esclavage. Une pratique inhumaine qui existe encore aujourd’hui dans certains pays et que nous devons combattre tous ensemble à l’échelle mondiale, plutôt que de nous prendre pour Angela Davis.
Source: Le Figaro
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