Frédéric Métézeau. Israël : la méthode « Bibi » Netanyahou, « vrai charisme et voix de baryton », candidat à sa réélection

Après déjà plus de quinze ans au pouvoir en Israël, le Premier ministre Benyamin Netanyahou est à nouveau candidat aux élections législatives du mardi 22 mars.

Une affiche de campagne de Benyamin Netanyahou, avec le slogan « Retour à la vie », sur la façade d’un immeuble de Tel Aviv, le 11 mars 2021. (JACK GUEZ / AFP)

Pour la quatrième fois en deux ans , les Israéliens élisent mardi 23 mars leurs députés. De nouveau candidat, le Premier ministre Benyamin Netanyahou, 71 ans, cumule déjà plus de quinze années de pouvoir, un record en Israël. Pour prendre la mesure du personnage politique, il faut d’abord s’attarder sur son diminutif, « Bibi », employé par tout le monde en Israël comme à l’étranger. 

« Bibi » est devenu la marque de fabrique de Benyamin Netanyahou. « Il a réussi, en imposant ce surnom, à imposer une image populaire, explique Philippe Velilla, auteur et éditorialiste politique. Un surnom, c’est quelque chose de populaire. C’est quelque chose de familier qui vous parle et c’est ce qui fait qu’il est toujours présent dans le conscient ou dans l’inconscient des Israéliens. C’est ce qui fait en partie sa force.« 

Mais cette année, afin de séduire les électeurs arabes, qui représentent 20 % de la population, Benyamin Netanyahou se fait aussi appeler sur ses affiches de campagne « Abou Yaïr », « le père de Yaïr » en arabe. Et aux musulmans, il promet des vols directs Tel Aviv-La Mecque.

« Il est magnétique, il écrase tout le monde »

Adoré ou détesté, « Bibi », qui a dérégulé et libéralisé l’économie façon Margaret Thatcher, est charismatique et démagogique. C’est « un orateur et meneur hors-normes, confie un diplomate israélien qui désapprouve pourtant sa politique. Il est magnétique, avec un vrai charisme et une voix de baryton, il a un don naturel. Sans élever la voix, il écrase tout le monde. Quand il y a le pot de départ d’un collaborateur, il passe, il est sympa, détendu… Il fait un petit discours formidable et il est irrésistible. Mais il ne reste jamais. Ça dure cinq minutes. Il fait son numéro de charme. Et puis il s’en va. » 

Ce pro des médias a tout appris aux Etats-Unis où il a vécu presque moitié de sa vie. Benyamin Netanyahou a même été détenteur de la nationalité américaine, se faisant appeler Ben Nitay, avant de rendre son passeport. L’anglais est aujourd’hui toujours sa langue de travail avec ses plus proches collaborateurs comme son directeur de campagne, un proche de Steve Bannon, l’ex-conseiller très à droite de Donald Trump. De retour en Israël, son premier consultant en communication fut Arthur Finkelstein, ancien conseiller des présidents Richard Nixon et Ronald Reagan, qui lui a enseigné la « technique Coca Cola ». 

La technique Coca-Cola, c’est qu’on répète inlassablement le même message et à la fin, le message passe et on boit Coca Cola.

L’éditorialiste politique Philippe Velilla évoque également une « autre technique » propre au Premier ministre israélien. « Les campagnes qui marchent le mieux, ce sont les campagnes négatives donc les campagnes de discrédit de ses adversaires« , note Philippe Velilla. Benyamin Netanyahou a de plus, un format de discours « qui se prête particulièrement bien aux réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, ce sont des messages courts, bref, répétitifs, imagés. Et ça, Benyamin Netanyahou sait faire.« 

« Bibi » l’a encore prouvé au cours de la campagne électorale avec des déclarations percutantes, mettant directement en cause ses adversaires. « Vous voulez prendre un avion, qui allez-vous choisir pour piloter l’appareil ? interroge Benyamin Netanyahou dans une interview au Jerusalem Post début mars. Le type expérimenté ou bien quelqu’un qui ne sait pas piloter ? Yaïr Lapid qui n’y comprend rien en économie, Gideon Saar qui ne s’est jamais occupé d’économie, tout comme Bennett ? J’ai eu des résultats énormes ! Ils blablatent, ils ne font rien. »

Ancrage à droite et alliances multiples

Netanyahou, c’est aussi et surtout une pensée politique. C’est un nationaliste de droite comme son père, un historien mort à plus de cent ans. Benyamin Netanyahou a théorisé sa vision dans un livre, en 1993, et s’y tient depuis : pas d’Etat palestinien, colonisation de la Cisjordanie, obsession de la menace nucléaire iranienne. Mais attention, marqué par la mort de son frère aîné en opération dans les années 70, il est très réticent à lancer des opérations militaires.

Benyamin Netanyahou a fait alliance avec les juifs ultra-orthodoxes et même, à l’occasion de ces élections législatives, avec l’extrême-droite raciste. Du jamais vu. Pour rester au pouvoir, il a également conclu puis défait des alliances avec le centre ou la gauche. Ce sont les septièmes élections législatives en douze ans et pour ce nouveau scrutin, la plupart de ses concurrents seront d’anciens ministres à lui avec lesquels il s’est fâché.

Un repli sur son premier cercle

Car Benyamin Netanyahou apparaît de plus en plus seul. Certains anciens collaborateurs sont témoins à charge dans son procès pour corruption. Cela fait des mois que Benyamin Netanyahou ne réunit plus le Conseil des ministres. Quand Israël reconnaît les Emirats arabes unis, il n’en parle même pas au ministre des Affaires étrangères. Il écoute très peu de gens : son conseiller médias, l’ancien ambassadeur à Washington, le directeur du Mossad, son épouse Sara et leur fils Yaïr. Un repli clanique, constate le diplomate qui s’est confié à franceinfo. « Il connaît à fond certains dossiers, alors il est impatient avec les gens approximatifs, il ne les écoute pasMais parfois, lui aussi est approximatif, et alors il n’a pas envie non plus d’écouter ceux qui savent.« 

Netanyahou mise sur la réussite vaccinale d’Israël et le retour à la vie normale pour être réélu. En décembre 2020, il s’est même mis à la chanson, en duo avec la star israélienne Eden Ben Zaken. 

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