Il y a 65 ans, le 20 Mars 1956, la Tunisie devenait indépendante. Je m’en souviens comme si c’était hier. Dans ma famille certains étaient joyeux d’autres inquiets.
Sur un plan personnel, j’avais la rougeole et n’ai pas pu assister au mariage de mon oncle, le plus jeune frère de mon père, qui épousait une grenobloise. Ce fut le dernier mariage sous administration française et la cérémonie était dirigée par le Maire de Nabeul, Maître Albert Karila, chez qui mon père avait fait son stage d’avocat.
Les exubérances du mariage avaient masqué les sentiments politiques que tout mon entourage avaient mais quelques jours après la réalité s’imposa. Les plus inquiets se demandaient s’ils auraient une place dans cette Tunisie nouvellement indépendante et dans laquelle nous vivions depuis des centaines voire des milliers d’années, les plus optimistes affirmaient que rien ne changerait. Ce pays avait été notre berceau, il le resterait jusqu’à la fin des temps.
Aujourd’hui, avec le recul, on sait qui s’est trompé et qui a vu juste. Ce sont malheureusement les pessimistes qui ont eu raison. Une vague de départ a commencé au début, en 1956, avec parcimonie mais s’est poursuivie inexorablement avec un premier pic en 1961, lors de « la guerre de Bizerte » et un deuxième en 1963, lors des « nationalisations des terres étrangères », principalement françaises et italiennes et de l’instauration de l’économie planifiée, une expérience socialiste désastreuse qui avait failli ruiner le pays, la fameuse « politique des coopératives ». Dans ces deux cas nous n’étions ni concernés ni parties prenantes et ces décisions avaient été prises sans la moindre intervention de notre part.
C’est en 1967, alors qu’éclatait la « guerre des six jours » au Moyen-Orient, et que des émeutiers brûlaient la Grande Synagogue de Tunis et la plupart des commerces juifs de cette ville, que le mouvement de départ s’est amplifié et la quasi totalité d’entre nous a ainsi pris le chemin de l’exil.
Et sur la communauté juive indigène de 120 000 personnes que nous étions il ne restait plus que quelques milliers.
Nous nous sommes ainsi rendus comptes que des événements sur lesquels nous n’avions aucune emprise, qui n’étaient ni de notre fait ni de notre responsabilité, décidaient de notre sort et nous subissions notre destinée sans pouvoir y résister. Tels des fétus de pailles nous étions ballotés au gré de l’Histoire et de ses bégaiements. La plupart d’entre-nous était de nationalité tunisienne et sont arrivés comme des étrangers vers les deux seuls pays d’accueil, la France principalement et Israël pour les autres afin d’y fonder une nouvelle vie, sans aucun droit et avec des moyens dérisoires puisque le contrôle des changes avait été instauré et que notre communauté est partie de Tunisie avec ce qu’elle avait sur le dos, des baluchons dérisoires et quelques dizaines de francs, à peine de quoi payer un taxi. Nos familles se sont éparpillées, beaucoup étaient sous le choc du départ et de l’exil et ont eu bien du mal à remonter la pente mais ils se sont accrochés et ont fini par faire leurs trous dans leurs nouvelles patries, avec courage, volonté et persévérance, souvent avec succès, sans la moindre aide des organisations internationales de réfugiés ou de la part des ONG qui existaient déjà mais s’étaient totalement désintéressés de nous.
65 ans plus tard, de nombreux souvenirs, des regrets aussi mais pas la moindre rancune et c’est ce qui a fait notre force. Bien au contraire certains d’entre-nous retournent en vacances en Tunisie, on a des amis tunisiens avec qui nous avons parfois des relations fraternelles et nous souhaitons un plein succès à notre pays d’origine qui connaît des temps bien difficiles depuis quelques dizaines d’années.
On souhaite un heureux anniversaire Ă cette Tunisie que nous aimons toujours, mĂŞme si elle ne nous a pas tout le temps rendu cet amour.
Nous vous souhaitons un avenir meilleur et de rebondir au plus tôt car vous en avez les capacités et la volonté.
HAPPY 65TH BIRTHDAY TUNISIA 🇹🇳 ‼️‼️
© Eber Haddad
Cette nostalgie tunisienne frise l’amnésie.
Comment oublier l’occupation allemande pendant les années 1940 et le sort (déportation et extermination !) subi par des centaines de Juifs tunisiens.
Moyennant l’indifférence voire la collaboration des autres tunisiens de l’époque, chrétiens et musulmans.
Mention spéciale pour les tunisiens d’origine italienne, soutiens de Mussolini et donc de son allié Hitler.
Comment oublier la virulence anti-israélienne, frisant l’antisémitisme, de la gouvernance tunisienne actuelle.
Et noter que tel n’était pas le cas sous Ben Ali, que de nombreux tunisiens regrettent en silence.
Ce pays est en piteux état, travaillé pas des courants islamistes à peine cachés. Ceci explique cela.
Comment ne pas conclure qu’il l’avait bien cherché ?
HAPPY 65TH BIRTHDAY TUNISIA ? NON !!!
Quelle idée saugrenue que cet article !
Tous les membres de notre communautĂ© qui ont vĂ©cu en Tunisie une partie des ces 65 ans ne se sentiront sĂ»rement pas concernĂ©s par ce qu’il exprime.
Cette lĂ©gende d’une cohabitation idyllique a fait long feu et l’Ă©tat actuel de ce pays n’est que le rĂ©sultat d’une sociĂ©tĂ© en dĂ©composition qui n’a jamais remis en question ses choix erronĂ©s et son mode de pensĂ©e rĂ©trograde.
Tant pis pour eux, 65 ans (en partant tout de même de structures bâties et laissées par la France) auraient dû largement suffire pour émerger.
Donc rien Ă fĂŞter, je regrette.