Polémique.
La décision de la Cour suprême de reconnaître les conversions non orthodoxes au judaïsme provoque un cataclysme dans les relations entre religieux et laïcs, à l’approche des élections du 23 mars.
Le 1er mars, la décision est tombée sans crier gare après quinze ans de débats juridiques. “Les personnes qui se convertissent au judaïsme par le biais des mouvements réformiste et conservateur en Israël doivent être reconnues comme juives”, stipulent les juges de la plus haute instance juridique israélienne. Résultat immédiat : ces conversions sont acceptables selon les termes de la “loi du retour”, qui octroie automatiquement la citoyenneté israélienne aux juifs qui viennent s’installer dans le pays.
Ces courants non orthodoxes du judaïsme sont majoritaires, notamment aux États-Unis. Mais le judaïsme orthodoxe pratiqué en Israël considère, lui, que pour être juif il faut remplir l’une des deux conditions suivantes : être né de mère juive ou alors avoir été converti selon la halakha, la loi juive orthodoxe.
Une querelle qui n’en finit pas
Or, rappelle le quotidien libéral de gauche Ha’Aretz, cela fait soixante-treize ans – donc depuis la création de l’État hébreu – qu’aucune réponse n’a été donnée en Israël à cette question essentielle dans un pays où il n’y a pas de séparation entre la religion et l’État : qui est juif ? Et c’est pourquoi régulièrement la plus haute juridiction du pays est appelée à se prononcer sur cette épineuse question sans jamais donner de réponse définitive.
“Une décision qui peut paraître technique et bureaucratique, estime le journal, mais qui est le prolongement d’une querelle dont la fin ne se profile toujours pas à l’horizon.” Ha’Aretz estime encore que “la décision de la Cour suprême sur les conversions est un pas en avant vers un pluralisme religieux en Israël”.
Dans Makor Rishon, souvent présenté comme l’hebdomadaire des colons, représentant la ligne du judaïsme nationaliste, le journaliste Tsvika Klein s’en prend directement aux ultraorthodoxes :
Ce sont les haredim [juifs ultraorthodoxes] qui ont provoqué la décision du tribunal. S’ils avaient fait preuve d’une approche plus souple, on se trouverait à l’heure actuelle dans une situation moins extrême.”
“Décision destructrice”
Pour le journal multilingue en ligne The Times of Israël,“le dernier mot n’a pas encore été dit. On ne sait pas pourquoi les éminents juges ont décidé de rendre leur décision maintenant, à trois semaines seulement des élections générales.”
Autre son de cloche, celui de la presse religieuse, qui réagit quant à elle avec force à ce qu’elle considère comme une véritable déclaration de guerre. Pour Yated Neeman, l’organe du parti Judaïsme de la Torah, “c’est la muraille de la tradition juive qui a été prise d’assaut : les conversions se feront désormais avec la bénédiction de la Cour suprême”.
“Surprise et choc”, titre de son côté Hamevasser, le journal de l’Agoudat Israël, un des premiers partis religieux. HaPeles, un autre quotidien de la communauté ultraorthodoxe, va plus loin et parle de décision “destructrice et sans précédent”.
Le débat alimente la campagne électorale israélienne parfois sous des formes extrêmes. Le quotidien populaire Yediot Aharonot rapporte que le parti Judaïsme de la Torah a publié sur les réseaux sociaux une petite vidéo montrant un chien revêtu d’un talet, le traditionnel châle de prières, et portant une kippa, le tout accompagné du commentaire : “Lui aussi est juif !” Le journal a fait réagir le rabbin libéral Gilad Kariv, candidat sur la liste du Parti travailliste : “Cette vidéo est de l’antisémitisme pur”, affirme-t-il.
Source: Courrier international
13 mars 2021
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