Jean-Pierre Filiu. Mieux vaut aujourd’hui, en matière de vaccination, être israélien que français

La France, avec 3 % de sa population ayant reçu deux doses d’un vaccin contre le Covid-19, a beaucoup à apprendre d’Israël, où cette proportion est treize fois supérieure.

Préparation d’un vaccin contre le Covid-19 par un ambulancier israélien, le 22 février (Ahmad Gharabli, AFP)

La France, avec, au 8 mars, moins de 3 % de sa population doublement vaccinée contre le Covid-19 (et moins de 6 % ayant reçu une première injection), souffre déjà de la comparaison avec le Royaume-Uni ( moins de 2 % de double dose, mais 33 % de primo-vaccinés). Le parallèle est encore plus sévère avec Israël où, à la même date, 40 % de la population a été doublement vaccinée (55 % ayant reçu la première dose), alors que les deux pays ont commencé leur campagne de vaccination, en décembre, à une semaine d’intervalle. Il a été reproché à Israël de ne pas assumer ses obligations de population occupante en Cisjordanie, où seuls les colons israéliens ont été vaccinés,  ainsi que, depuis le 8 mars, les travailleurs palestiniens en Israël.

Il n’en est pas moins éclairant d’essayer de comprendre comment Israël a pu tellement mieux que la France mener la campagne de vaccination de ses nationaux. La taille de la population ne saurait en effet expliquer seule ce différentiel puisque les Etats-Unis, avec pourtant cinq fois plus d’habitants que la France, ont un taux de vaccination trois fois supérieur.

UN OBJECTIF PRIORITAIRE ET STRATÉGIQUE

Alors que la porte-parole du gouvernement français mettait en cause, en mars 2020, l’utilité même des masques, Benyamin Nétanyahou se mobilisait pour faire acheminer trois millions de masques chirurgicaux de Chine.

Le ministère de la défense israélien était parallèlement engagé dans le transfert massif de matériel médical adapté à la pandémie.

Malgré le discours de “guerre” tenu par Emmanuel Macron au début de la pandémie, la France n’a jamais connu un tel degré de volontarisme dans la lutte contre le coronavirus.

Cela n’a pas empêché cette lutte de pâtir en Israël des calculs politiciens de Nétanyahou, avec un premier confinement levé prématurément, d’où un deuxième confinement, et une tolérance troublante envers les violations des règles sanitaires dans des quartiers ultraorthodoxes.

Mais, peu avant le début d’un troisième confinement, en décembre dernier,  l’objectif d’une vaccination de l’ensemble de la population a été assigné et ce pari est en passe d’être tenu.

Le gouvernement israélien a passé un contrat avec le laboratoire américain Pfizer, qui s’est engagé à fournir un stock exceptionnel de vaccins, en contrepartie du partage des données épidémiologiques. Mais M. Nétanyahou a également traité avec Moderna, une autre firme américaine, pour des livraisons complémentaires de vaccins. La France, après avoir espéré en vain l’élaboration d’un vaccin par Sanofi, a été bridée par les ratés de l’Union européenne dans la course aux vaccins, qualifiés de « fiasco géant » par Sylvie Kauffmann dans Le Monde.

M. Macron a en outre semblé ménager la frange de l’opinion hostile à la vaccination, jetant même le doute sur l’efficacité du vaccin du laboratoire anglais AstraZeneca, le seul disponible chez les médecins et en pharmacie, avant de s’y rallier. En Israël, en revanche, l’adhésion du public à la campagne de vaccination a été confortée par une planification claire des populations ciblées : d’abord les professionnels de santé, puis les personnes vulnérables, ensuite les plus de 40 ans, mais aussi les 16-18 ans, afin que les épreuves du baccalauréat puissent se dérouler normalement. Les vaccinations sont administrées y compris durant le shabbat, alors qu’il a fallu attendre le 6 mars pour que la France vaccine le week-end.

DEUX CALENDRIERS ÉLECTORAUX DIVERGENTS

M. Macron est d’ores et déjà concentré sur l’échéance présidentielle du printemps 2022, considérant que la crise sanitaire sera alors surmontée. Il se projette dans un second tour face à Marine Le Pen, laissant des ministres banaliser certains thèmes chers à la droite dure. M. Nétanyahou, lui, décide dans l’urgence des élections générales du 23 mars prochain, les quatrièmes en moins de deux ans. Il est déterminé à se maintenir au pouvoir après douze années consécutives à la tête du gouvernement (et trois années supplémentaires de 1996 à 1999). Sa pugnacité est intacte malgré sa triple mise en examen pour fraude, corruption et abus de confiance. La réussite de la campagne de vaccination lui est d’autant plus favorable qu’elle s’inscrit aussi dans le cadre du rapprochement stratégique avec les Emirats arabes unis : les deux Etats, dorénavant liés par un traité de paix, sont aussi les deux pays du monde où le taux de vaccination contre le Covid-19 est le plus élevé.

En France, par contraste, la litanie des couacs gouvernementaux finit par peser. Et par lasser. Le plus récent de ces loupés a entraîné, du fait d’une rupture de stock, la suspension durant une semaine de la vaccination par les médecins. Le sentiment d’une navigation à vue s’est accentué, le 1er mars, après une déclaration de M. Macron enjoignant à la population de tenir encore “quatre à six semaines”, déclaration qui aurait été « mal interprétée »,  en l’absence de tout calendrier de levée des restrictions. Six jours plus tard, M. Nétanyahou pouvait, sans masque, s’attabler à la terrasse d’un café de Jérusalem et célébrer le « retour à la vie ».

Un “passeport vert” permet désormais aux personnes vaccinées ou immunisées de retrouver une activité normale en Israël. 

Surtout, la population y perçoit un horizon de sortie de la crise sanitaire, là où l’incertitude reste de mise en France.

La comparaison entre ces deux situations nationales pourrait inspirer bien d’autres commentaires, mais une chose est sûre : mieux vaut aujourd’hui, en matière de vaccination, être israélien que français.

© Jean-Pierre Filiu

Jean-Pierre Filiu

Professeur des Universités en Histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris, Jean-Pierre Filiu y enseigne, entre autres, au sein de l’École des affaires internationales, après avoir été professeur invité aux États-Unis à l’Université Columbia et à l’université de Georgetown. En tant que chercheur, il est rattaché au CERI, Centre de recherches internationales. Il anime depuis 2015 sur le site du quotidien Le Monde le blog « Un si proche Orient », dont les posts sont publiés tous les dimanches matins.

Source: Un si proche Orient Le Monde

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3 Comments

  1. Si meme ce genre de margoulin se sent obligé de parler en bien d Israel , alors le miracle n est plus tres loin de nous 😀

    Peut etre l approche de pessah ?

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