Encore une découverte israélienne qui change la manière dont on fera la guerre. Une nouvelle arme vient de terminer ses essais dans le Sud et va très rapidement passer au stade de la production en chaîne chez le géant israélien pluridisciplinaire Elbit Systems.
Cela fait déjà quelques années que les chercheurs et développeurs israéliens ont habitué le monde à leurs découvertes à la limite de la science-fiction, que ce soit le Dôme de Fer, capable d’abattre des obus et des roquettes en plein ciel, ou la Flèche, le Khetz, qui peut intercepter des missiles balistiques en dehors de notre atmosphère, ou encore le Manteau coupe-vent, un procédé de défense active, qui fait exploser les missiles ennemis avant qu’ils n’atteignent nos chars ou nos Jeeps.
La Piqûre de Fer, le dernier né de l’industrie israélienne de l’armement, jure avec les innovations précédentes, car il s’agit de la déclinaison de l’une des armes les plus communes du champ de bataille et depuis pas mal de décennies. Après le fusil-mitrailleur, le mortier ou lance-mines est en effet l’outil de guerre le plus répandu dans toutes les armées du monde, y compris les organisations terroristes ou les mouvements de guérilla.
De plus, relativement aux autres systèmes de combat, il est extrêmement économique, à peine quelques centaines d’euros pour le mortier, le tube-le lanceur, et pour l’obus de mortier, le projectile qu’il lance.
Il faut aussi préciser que, jusqu’à la semaine dernière, lorsque les images produites par le ministère de la Défense se sont mises à circuler, le mortier était considéré comme l’artillerie du pauvre.
Il fallait généralement tirer un bon nombre de salves (des soldats aguerris peuvent en tirer plus d’une vingtaine pas minute) avant que l’une d’elle ne menace réellement l’objectif visé.
Jusqu’à ce moment, les mortiers, une arme très imprécise, pouvaient occasionner des dégâts collatéraux effrayants. Mais c’était mieux que rien, surtout si l’on disposait de plusieurs tubes.
Avec un peu de chance et d’expérience, on pouvait arrêter la progression d’une unité légère de l’adversaire, attaquer un groupe de soldats isolés, et cela nous donnait une chance de sauver notre peau face à un ennemi supérieur en nombre et en équipement.
L’autre avantage étant qu’il est possible de poser l’un de ces tubes n’importe où, sur un 4×4, un transport de troupes blindé, et même au sol, sur le dos des soldats.
Votre serviteur compte ainsi des dizaines de kilomètres de balades avec cette pièce d’équipement sur l’épaule. Ca n’était pas mon plus grand amour et cela ne reste pas mon meilleur souvenir.
Il faut croire que nous sommes un peu masochistes dans ce pays, car nous sommes probablement la dernière armée à équiper nos chars, les Merkava, avec un mortier court, également appelé mortier de commandos, de 60mm, disposant d’une petite trentaine d’obus dans l’habitacle. Nous les utilisons principalement afin d’extraire le tank d’un risque d’encerclement, lorsque son lourd canon devient pratiquement inutile face à des fantassins trop proches de l’engin, et protégés par des obstacles contre les tirs tendus des mitrailleuses du Merkava.
C’est la principale limite d’un char, il ne peut tirer qu’à tirs tendus. Il suffit dès lors qu’une colline de quelques mètres s’interpose entre l’ennemi et vous pour qu’il devienne inefficace.
Dès lors, les moyens de frapper l’adversaire sont les bombardements aériens, les canons d’artillerie et certains missiles relativement sophistiqués.
Mais jusqu’à ce que les avions ou les hélicoptères interviennent, vous avez largement le temps de vous faire tuer plusieurs fois, notamment par les obus de mortier de l’adversaire.
Même problème avec votre artillerie lourde : elle n’est pas toujours à proximité, elle a parfois d’autres chats à fouetter, se meut péniblement et se met en place lentement.
Des obus de mortier intelligents
L’idéal serait de disposer d’obus de mortier « intelligents », mais cela appartenait au monde des rêves des soldats. Du moins jusqu’à la semaine dernière…
Cela vient de ce que le mortier est à peine dirigeable au moment du tir. En fait, on vise sa cible uniquement grâce à l’inclinaison du tube qui détermine sa portée (distance de tir), et en choisissant une charge propulsive plus ou moins importante.
De plus, une fois que le projectile est parti, on n’a plus le moindre contrôle sur lui ; sa trajectoire dépend entre autres des phénomènes météorologiques, particulièrement du vent, et vu qu’il est dépourvu de moyens de guidage, il n’est pas rare qu’il explose à des centaines de mètres de l’objectif que vous vouliez éliminer.
Or si vous installez des ailerons et des ordinateurs sur l’obus et au sol, vous en faites un missile, et c’est comme inventer l’œuf ou la poule, l’ordre n’a pas d’importance, l’idée est que vous inventez quelque chose qui existe déjà.
Il fallait être israélien pour se mettre en tête de transformer un obus de mortier, caractéristiquement plus bête qu’un fauteuil de cinéma, en une arme de haute précision. Ca leur a pris dix ans, comme l’a admis le chef de l’Administration pour le Développement des Armes et des Infrastructures Technologiques du ministère de la Défense, Yaniv Rotem. Ils ont douté mais n’ont jamais baissé (ou levé, cela revient au même) les bras.
Et la semaine dernière, comme on le voit sur cette vidéo, lors des tests, entre un kilomètre et douze de distance, on a chaque fois oblitéré la cible. Ce que je vous raconte a l’air simple, mais c’est l’une des plus grandes évolutions de l’art de la guerre, en tout cas depuis que Sir Wilfred Stokes, en 1915, mit au point son trench mortar [anglais : mortier de tranchée], qui devint le premier mortier moderne, après les mortiers de sièges, qui étaient utilisés depuis le XVIIème siècle.
Les poilus français le baptisèrent le crapouillot, à cause de sa forme disgracieuse qui rappelait à des hommes très fatigués la forme d’un crapaud.
Revenons au XXIème siècle, pour constater que l’évolution représentée par l’introduction de la Piqûre de Fer va modifier toute la conception des conflits, à partir déjà des prochains mois. C’est comme si chaque petite unité disposait désormais de sa propre artillerie mobile, et que celle-ci était aussi précise que les missiles Tamouz, mais pour une fraction du prix et avec une flexibilité incomparable.
La Piqûre de Fer, Oketz Plada en hébreu, est guidée de deux façons : par GPS – exactement le même système que celui que vous utilisez dans votre véhicule ou sur votre téléphone portable – et/ou par faisceau laser. Le recours au laser est intéressant pour deux raisons. Premièrement, parce qu’il est possible pour un adversaire de brouiller le signal d’un GPS, et secondement, parce que le faisceau laser peut être dirigé sur la cible par une multitude de vecteurs, allant d’autres soldats possédant un lien visuel avec l’objectif, des avions ou des hélicoptères, des drones, des positions reculées, et d’autres encore, que je ne citerai pas.
Bien évidemment, ces données, dans les armées modernes, sont partagées par tous ceux qui en ont besoin, aussi bien sur le terrain, dans les airs, ou même à partir de Tel-Aviv ou de New-York. Et même sans me trouver dans le secret des dieux, je puis vous assurer que, s’ils le décident ou si leurs chefs le font à leur place, les soldats sur le front n’auront qu’à introduire l’obus dans le tube et le réglage, largement automatisé, se fera en buvant son café à… Tel-Aviv, à New-York ou en vacances à Honolulu.
Nous nous trouvons en plein dans la conception de la guerre prônée par une personne que nous apprécions beaucoup à Métula, s’agissant du chef d’état-major de Tsahal, le Général Aviv Kokhavi, ( ndr « aujourd’hui en Europe avec Pt Rivlin) .
L’introduction d’Oketz Plada va multiplier la létalité du mortier au moins par cent, avec un taux de coups au but, jusqu’à 12km de distance, qui approchera rapidement du cent pour cent.
Dans le même temps, cette nouvelle arme va réduire très sensiblement le nombre de victimes collatérales durant les conflits.
Comme le désirait Kokhavi, la première frappe, basée sur les repérages du Renseignement militaire, occasionnée par des centaines de Piqûres de Fer réparties dans une multitude de petites formations de commandos et d’infanterie, va infliger une gifle terrible à l’ennemi, que ce soit le Hamas à Gaza ou le Hezbollah au Liban.
Cette nouvelle invention pourrait même déterminer le sort de la bataille lors des toutes premières heures du conflit.
Avec, de plus, un inconvénient qui devient un avantage : le fait que le vol d’un fauteuil de cinéma soit totalement incontrôlable après son envol par celui qui l’envoie, le rend imbrouillable par celui qui les reçoit.
C’est bon, vous pourrez continuer plus tard à réfléchir à ce que je viens d’écrire, je ne peux pas attendre les retardataires. Ce nouveau succès de la technologie israélienne a amené le ministre de la Défense Benny Gantz à la même conclusion que la nôtre : « L’intégration de la Piqûre de Fer dans l’Armée israélienne« , a dit l’ancien chef d’état-major, « correspond à la vision présentée dans le plan pluriannuel de révolution de Tsahal qu’est Tnoufa. Il répond également aux besoins de Tsahal, en adaptant les capacités de combat pour lutter contre des ennemis cachés dans des environnements civils et urbains, tout en respectant les normes juridiques et morales fixées par l’Etat d’Israël« .
« Tnoufa » signifie en hébreu l’évolution. C’est la traduction du plan « Momentum » mis au point par le Général Kokhavi et ses experts.
Les tests des dernières semaines ont été réalisés avec des tubes de mortiers Cardom [hébreu : hache] qui sont en service dans Tsahal depuis de nombreuses années.
D’après les ingénieurs, une très petite modification a suffi pour leur permettre de tirer les Piqûres de Fer.
Ce sont ces tubes que l’on voit sur les illustrations de cet article et la vidéo. On a aussi utilisé pour effectuer les tirs un transport de troupes M113 américain, rebaptisé d’un nom de femme, Zelda, qui a été introduit dans l’Armée américaine en 1961.
C’est indubitablement pour montrer à tout le monde – et je vous assure que le monde est nombreux aux balcons – que l’emploi de la Piqûre ne nécessite pas d’investissement dans le matériel périphérique.
Qu’il s’agit d’une arme d’emploi rustique, comme l’apprécient les militaires, et que le secret de l’invention, le cerveau, se trouve ailleurs. Et que, de plus, il ne prend pas beaucoup de place.
L’annonce de cette arme révolutionnaire intervient – comme parfois le hasard fait bien les choses ! – au moment où l’Armée américaine est en train de choisir son nouveau mortier, qu’elle utilisera dans les années à venir. Un marché de milliards de dollars. Et comme c’est étrange aussi, Oketz Plada possède un calibre de 120 millimètres, exactement comme les tubes américains existants. Et les véhicules sur lesquels ils pourraient être principalement montés sont les Strykers et les AMPV, qui sont déjà adaptés afin de recevoir des systèmes israéliens, en l’occurrence les Manteaux coupe-vent, que j’ai brièvement mentionnés en début d’article.
Mais l’argument principal n’est pas là. Il repose sur cela qu’aucun système n’est capable, non pas de réaliser, mais d’envisager de réaliser ce que fait cette Piqûre de Fer. Et je peux même vous confier que dans nombre d’autres armées, comme dans le cas du Dôme de Fer, on n’imaginait pas qu’il était possible de transformer un obus de mortier en arme de haute précision. Pour vous dire toute la vérité et rien que la vérité, moi non plus, je ne l’avais jamais imaginé.
Photos : Le moment du tir
Source : Ministère israélien de la Défense
Il ne s’agit pas d’un dauphin mais d’une seringue, et ça va faire du bruit…On vous avait prévenus.
© Ilan Tsadik pour Metula News Agency
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