J’ai vu l’émission consacrée à son Livre sur le théâtre, Théâtre 1, paru chez Fayard.
Ce fut un très bel hommage rendu à son parcours de vie et à ce qu il a apporté à La France.
Dans ces temps où l’antisémitisme refait surface, avec une violence qu’on n’aurait jamais crue possible après la shoah…
La France a accueilli de nombreuses familles, dans les années 1910-1915, juives, fuyant les pogroms, et celles-ci ont bien montré leur reconnaissance à ce pays, perçu comme le pays des Droits de l’Homme.
Parmi ces familles, il y a eu la famille BADINTER
Le père, Simon, était lucide… Il y aurait encore des difficultés pour les juifs, aussi en France. L’antisémitisme avait été important entre les deux guerres, avec l’Action française, les Camelots du roi…
Mais tout valait mieux que les pogroms…
C’est ainsi que Simon BADINTER s’est installé à Paris, Cité de Trévise, et ouvrit un commerce en pelleteries en gros.
Et là, j’ouvre une parenthèse…
Mon père a, bien sûr, beaucoup parlé des BADINTER, de la réussite de Robert, homme estimable entre tous, parce qu il partageait ses convictions, son engagement, et aussi parce qu’il savait que le père de Robert, et Henri KRZYWKOWSKI, son père, étaient des amis intimes. Simon et Henri étaient des fourreurs. Il faut le dire avec l’accent yiddish… C’est mieux…
Mon grand-père est venu, seul, à 11ans, à Paris, rejoint par la famille, les trois frères, et ils ont créé l’Ecole professionnelle de la fourrure, et la Compagnie franco-canadienne.
Tout ce milieu de la fourrure a débuté à la même époque, tous des juifs ashkénazes, qui se sont installés dans le dixième arrondissement ou alentours.
Ils ont démarré, avec courage et acharnement, et ont pu arriver à créer des entreprises florissantes.
Ce fut le cas des quatre frères Krzywkowski, dont l’entreprise a été cotée en bourse.
Les fourreurs organisaient des galas mondains et j’ai retrouvé des photos de ma famille, Hommes en smoking, Femmes en robes longues.
Le Président de l’époque, René Coty, participait à ces banquets de notables.
C’est ainsi que j’appris de mon père qu’il y avait une amitié réelle avec la famille BADINTER, basée sur un destin de vie partagée, et des aspirations communes.
La deuxième génération, celle de mon père Serge, et de Robert, fit des études supérieures, s’intéressera à la vie politique, et s’y engagera…
Les idéaux étaient semblables…
Attachés à la France, ce pays des Droits de l’Homme qui les avait accueillis, ils s’attacheraient à lutter dans cette voie.
Ma famille paternelle a contribué à fonder le MRAP et la LICA, devenue LICRA.
Ils ont aidé à faire élire des candidats radicaux socialistes, et mon père fut un jeune élu… D’abord dans un département d’île de France, puis, quand, il atterrit à Marseille, venu représenter l’entreprise familiale auprès des grands commerçants, et qu’il eut un coup de foudre pour la fille d’un des notables, un dénommé CRÉMIEUX, il s’y fixa, et devint un adjoint du maire de l’époque, en tant que Progressiste.
Ami de Mendès France, mon père décida de créer l’Union progressiste avec un ancien ministre sous le Front populaire, Pierre COT.
Donc, ces fils de famille d’immigrés participèrent à des engagements pour plus de justice sociale, et pour la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie.
J’en reviens à Robert BADINTER.
Il n’a rien oublié de ses origines, de la dure intégration tant désirée des parents, et il nous a parlé avec tant de tendresse et d’émotion de sa grand-mère qui ne savait ni lire ni écrire, mais qui était l’âme de sa judéité si profonde.
Robert nous a émus, avec ses paroles, son Livre, et il est revenu, dans cette émission, avec ses trois Nouvelles… Et ses interrogations.
Dans la troisième Nouvelle, Cellule 107… Qu’ont pu se dire Laval et Bousquet…
Autre interrogation… Un juif peut-il demander à Dieu des comptes pour cet enfer… De la shoah…
Dans cette émission, il dit : Mon enfance a pris un virage différent en mai I940… Avec les mesures allemandes et celles de Vichy…
Mon père a été mis en dehors de son entreprise… On a imposé un administrateur non-juif
Il y avait des défilés de nazis dans Paris.
Ce fut l’horreur et la terreur. Les commerces juifs fermés.
Badinter a semblé vouloir faire taire l’émotion qui le prenait en évoquant l’incompréhension de sa grand-mère aimée. Il se souvint de ce qu’elle avait ressenti. Ce silence de l’Eternel, avait-elle dit, face aux défilés des nazis, à Nantes où ils habitaient.
Il y eut des personnes qui pactisèrent avec l’occupant, mais il y eut aussi des Justes… Des Résistants…
Et le fait de se dire que j’ai eu des gens Bien comme parents a été d’un grand réconfort pour moi, dans cette période chaotique.
Mais hélas, Simon, le père, a été arrêté par la gestapo, déporté à Drancy, et mourut dans le camp de Sobibor en 1943.
Cette ombre restera toujours là… Dans sa mémoire.
Mais il avait retenu de son père l’amour pour la République française et pour la Culture française.
Ici, il avait pu voir q’un juif pouvait devenir magistrat, avocat… Pas comme en Bessarabie, d’où sa famille était venue.
Après, avec l’occupation, la politique discriminatoire a refait surface…
Mais l’amour de la République et de ses valeurs était resté ancré dans l’éducation de Robert BADINTER.
Il devint un grand avocat, et puis le Garde des Sceaux, et là, il put mener à bien ce qu il voulait faire, depuis longtemps… Depuis ce temps où il avait lu Victor HUGO, cet écrivain et homme politique, engagé, qu’il admirait et admire toujours autant… Et HUGO avait parlé de la nécessité de l’abolition de la peine de mort.
Alors ce fut un grand moment… Et Robert réalisa son vœu le plus cher… L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT.
Il accomplit un pas important dans l’histoire de la vie politique, et démontra qu’un fils d’immigré juif avait pu se montrer reconnaissant envers ce pays qui l’avait adopté, en l’aidant à avancer vers une société plus juste.
Ce fut aussi le cas de Simone VEIL, déportée car juive, mais qui, elle aussi, parvint, avec la LOI SUR L’AVORTEMENT, à marquer un autre pas vers le progrès.
Je suis fière de ces Hommes et Femmes de bien qui ont bousculé le monde ancien.
Et je suis aussi fière de ceux de ma famille maternelle comme Adolphe CRÉMIEUX, ou de ma famille paternelle, les Krzywkowski, qui ont participé de ce même combat pour la tolérance, le progrès et la lutte contre les discriminations.
J’essaie de suivre les traces de tous ces hommes et ces femmes, nés sous la mauvaise étoile jaune, comme dirait GAINSBOURG, mais qui ont beaucoup apporté à leur pays d’adoption.
Merci à Robert, Simone… Et les autres…
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