Nicolas Gary. “La Rose de Java” : comment un étudiant se bat pour sauver la librairie

Avec l’ombre de Joseph Kessel qui plane et son esprit qui habite les lieux, La Rose de Java est une librairie où le ton est donné. Des ouvrages anciens, des catalogues édités chaque année, et bien entendu, une passion pour l’aventurier, journaliste et romancier. Dirigée par Hubert Bouccara, la librairie (et maison d’édition) a lancé un appel à l’aide : pour qu’au cœur de Montparnasse, le lieu ne disparaisse pas.

L’initiative est partie d’un jeune étudiant, actuellement à Cambridge : familier de ces systèmes de crowdfunding en Angleterre, il propose au libraire de mettre en place un outil de collecte de fonds similaire. Et fin janvier, la rosée s’était déposée sur Java : « Ce matin, le réveil fut mouvementé, des messages, des mails, appels téléphoniques… La tête encore embrumée des effets du dérivé de morphine que je dois prendre encore 3 jours, j’arrive à émerger de mon brouillard, incroyablement surpris de ces élans de solidarités… Et c’est là que le mot “ami” prend tout son sens, ils sont là, bien présent, tous attachés à cette Rose de Java chère à mon cœur, chère à son auteur Jef Kessel… », raconte Hubert Bouccara.

Un appel à acheter des livres

Le système mis en place est simple : un euro de soutien représente deux euros d’achat dans la librairie. « Je lui ai dit de me faire confiance : il ne savait pas lui-même que cela existait. Je ne m’y connaissais d’ailleurs pas en collectes de fonds en ligne, alors j’ai dû apprendre sur le tas », nous explique l’étudiant en 2e année d’études philologiques comparatives à Cambridge. 

Passionné de textes anciens, au point d’en étudier les traductions entre les textes hébreux, araméens et leurs versions grecques et latines, il se souvient de sa première rencontre avec La Rose de Java. « Je devais avoir douze ans. Mon père, bibliophile amateur, m’avait amené chez Hubert. Quelques années plus tôt quand il avait sa boutique sur les quais, Hubert l’avait présenté à Yves Courrière. » Ni plus ni moins que l’auteur de Joseph Kessel ou Sur la piste du lion, biographie du romancier.

« J’y avais alors acheté l’un de mes premiers livres de bibliophile, une édition Nilsson de Manon Lescaut. »

Avec le temps, Paul Rodrigue suit les aventures, ou mésaventures du libraire sur Facebook : un message plus alarmant que d’ordinaire l’inquiète. « Hubert m’explique qu’il va mettre la clé sous la porte, que la situation est devenue trop difficile. »

À l’instar d’autres librairies d’occasion et de livres anciens, La Rose de Java n’a en effet pas pu bénéficier de l’aide gouvernementale sur les frais de port, par exemple. Hervé Valentin, président du SLAM (Syndicat National de la Librairie Ancienne et Moderne), déplorait dans nos colonnes  « un traitement injuste de nos métiers, surtout que les libraires d’occasion travaillent énormément à distance, encore plus en période de pandémie. Nous n’avons pas de clientèle de quartier, les gens sont souvent bien trop loin pour venir récupérer un livre, le clique et collecte n’est souvent pas possible pour nous ».

C’est ainsi que tous deux imaginent « ce projet de cagnotte, qui n’a rien d’un appel aux dons. En Angleterre, durant la crise, de nombreux commerces ont eu recours à ceprocédé ». Pas de don, en effet, mais un avoir : l’investissement effectué sera doublé par le libraire, pour l’achat de livres.

« Hubert envisage de prendre sa retraite d’ici moins d’un an, il continuera de vendre des livres, mais autrement. Le montant de 30.000 € doit lui servir à tenir, pour payer le loyer, les charges, jusqu’à l’arrêt de son activité », souligne Paul. « Pour cette raison, il ne faut pas hésiter à profiter de cette occasion, pour vider les livres de sa librairie : ainsi son déménagement sera plus facile », plaisante-t-il.

31 années de librairie

Sans apitoiement, le libraire nous raconte : « Mes ennuis, on les retrouve chez les autres commerçants : depuis le premier confinement, les clients se sont raréfiés, et finalement, plus personne ne vient. » Dans son royaume, de 17 m2s, où Romain Gary trône aux côtés de Joseph Kessel, il aligne 31 années de librairies. « J’ai vu passer des lecteurs, des vrais, et d’autres, qui me parlaient de livres sans les avoir lus : après tant de temps, on en devient presque psychanalyste… »

Et de poursuivre : « Mon univers, c’est la vie des livres, la peinture et le jazz. Tout le reste, ça m’est abstrait. »

Ses réserves de trésorerie progressivement grignotées, la situation est devenue critique. Et la solution que lui a soumise Paul Rodrigue s’est changée en espoir. « Je n’y croyais pas, au départ. Et surtout, j’écoutais Paul avec attention, mais je n’y comprenais rien. Depuis, le téléphone n’arrête pas de sonner. » Pour preuve, durant notre entretien, deux appels de clients… « Excusez-moi… ça sonne tout le temps. »

Ces aides, qui surgissent de toutes parts, « cela provoque beaucoup d’émotion. On me répond que pour l’instant, c’est moi qui ai besoin et qu’un jour, peut-être que je le rendrai. Mais personnellement, j’espère surtout que les autres n’auront pas besoin de moi, qu’ils seront à l’abri ». 

Ces bouleversements, la perspective de la cagnotte, les difficultés avec la banque, « j’en parle avec Kessel au cimetière d’à côté, mais il n’a pas de réponses pour le moment », sourit-il…

Une campagne de soutien à travers la plateforme Paypal a été mise en ligne. À cette heure, elle compte plus de 11.900 € récoltés. Soit autant de futurs propriétaires de livres…

« Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même », comme l’avait écrit Kessel.

crédit photo © Paul Rodrigue

© Nicolas Gary

La Rose de Java 11 rue Campagne Première 75014 Paris

https://actualitte.com/article/98887/librairie/la-rose-de-java-comment-un-etudiant-se-bat-pour-sauver-la-librairie

Source: actualitte.com

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1 Comment

  1. c’est tres chouette quecette petite librairie pleine de saveur soit sauvée, merci à tous les particpants,et demain je prends mes semelles de vent pour cueillir un livrerareà la rose de java. amicalementà tous

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