Antoine Desjardins. Martin Guerre / Plaire et Instruire/ Faillite de la gauche

Le film de Daniel Vigne et Jean-Claude Carrière (décédé il y a peu) Le Retour de Martin Guerre, pour ne citer que celui-là, est frappé au sceau de l’excellence : reconstitution historique, images, scénario, acteurs, tout est pensé avec intelligence et brio. Profond thriller, vertigineuse réflexion sur l’identité, dans la France rurale du XVIème siècle. Le colonel Chabert en filigrane.

Dans les années 70-85 on pensait encore qu’on pouvait instruire & plaire, tenir en haleine et respecter une certaine idée de la connaissance historique.

On pensait que la littérature pouvait fournir des scénarios. Époque du téléfilm l’An mil, conseillé par Duby, du Grand Échiquier, de Radioscopie, de la série exceptionnelle Le Pain noir, d’après Georges Emmanuel-Clancier. Et j’en dirais et et j’en dirais…

Puis, au midi des années 80, toute ambition d’élever et d’instruire cessa. Le pur divertissement commercial gagna du terrain et envahit tout l’horizon. Qui oserait encore faire un “Martin Guerre” ?

L’idée d’élever et d’instruire les gens par la culture, idée que je croyais consubstantielle à la gauche (on pense à Vilar) cessa aussi bien à l’école que dans la société, sous le règne de Mitterrand, d’ailleurs. Il fallut se hâter de faire des affaires et non pas de rendre l’histoire populaire.

Quant aux critiques, aujourd’hui, ils jugeraient sûrement qu’il s’agit d’un film scolaire et académique, ennuyeux. Le film ne serait aidé par les pouvoirs publics et notamment l’Education nationale qu’à condition que tout soit refondu : des dialogues plus simples, des effets spéciaux, une musique moderne au lieu de la bande-son admirable du film et Omar Sy en Martin.

Musique de Michel Portal

Bref ce film exceptionnel que plus personne ne regarde est terriblement daté. C’est qu’il arrive, voyez-vous, hélas, que le bon, le vrai ou le beau soient jugés tels et jetés aux oubliettes sur cette seule qualification ingrate : “datés”.

Un jour l’humanisme sera daté, comme l’école de la transmission l’est déjà, parce qu’on n’arrête pas le “progrès”.

© Antoine Desjardins


Antoine Desjardins est professeur de Lettres, coauteur du livre Sauver les lettres: des professeurs accusent (éd. Textuel), membre du Comité Les Orwelliens. 

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3 Comments

  1. Ce film est un chef d oeuvre.Depardieu y poursuit une brillante carriere,mais la prestation de Bernard Pierre Donnadieu,moins importante et peut etre un peu sous estimee,est de tres haut niveau egalement.

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