Dans un village kabyle, la séparation du profane et du religieux est consubstantielle à son identité profonde, mais elle définit également son rapport au monde.
L’amravedh ou cheikh taddarth s’occupe des choses du culte, seulement. Il conduit la prière à la mosquée, participe aux rituels mortuaires et aux cérémonies de mariage. Il rappelle à l’occasion, à l’intérieur de la mosquée, quelques règles de bonne conduite. Il n’a aucun pouvoir autoritaire sur les personnes et la cité.
La religion n’est pas le fondement de la morale. Elle ne constitue donc pas une valeur dominante. Chaque habitant est dépositaire du nom de sa famille, comme héritage infrangible, à embellir et préserver de toute souillure. Son comportement obéit au code d’honneur et aux règles édictées par les sages du village.
La valeur sociale d’une personne ne dépend aucunement de sa religiosité. Il peut être non croyant et jouir, de par ses actions, d’un grand prestige. Il peut être religieux assidu à la mosquée et occuper dans l’opinion générale une piètre position.
L’islam coexiste avec les croyances millénaires, pérennes et vivantes. Les kabyles croient aux esprits veilleurs, bienveillants et accompagnateurs, qui vivent dans un monde parallèle, le monde de l’invisible.
Le kabyle a, dans son rapport à la religion, une liberté précieuse qui peut servir de modèle au monde en cette période où fleurissent les doutes, où la surenchère religieuse menace les libertés chèrement acquises.
La laïcité est la mère de toutes les libertés et une condition irréfragable pour la dignité. Et cela, les kabyles l’ont compris depuis longtemps.
© Mustapha Amarouche
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