La biographie de Spinoza par Steven Nadler est exemplaire. Essentielle pour la compréhension des œuvres, elle donne vie à cet homme exceptionnel et nous plonge dans le Siècle d’or des Pays-Bas, au cœur d’Amsterdam, véritable et unique creuset de libertés. Voici, traduit par Jean-François Sené et Olivier Bosseau, une nouvelle édition, revue et augmentée de l’œuvre certainement la plus complète et la plus documentée jamais publiée à ce jour.
Si l’on s’accorde aujourd’hui à voir en Baruch Spinoza l’un des philosophes les plus importants de tous les temps, on ne saurait oublier qu’il fut de son vivant l’un des penseurs les plus révolutionnaires et les plus controversés. Né dans une famille de négociants juifs portugais installée à Amsterdam, Spinoza fut banni, jeune homme, de la communauté séfarade, semble-t-il pour ses opinions jugées hérétiques. Il consacra alors sa vie à la recherche de la vérité, du bien-être moral et de la liberté.
Il s’efforça également de définir sa conception de la « vraie religion » et sa vision d’un Etat laïque et tolérant. Avec cet ouvrage colossal (608 pages ! ), fruit d’une étude scrupuleuse des archives et des travaux les plus récents, Steven Nadler, professeur à l’université du Wisconsin (Madison) nous donne la première grande biographie de Spinoza.
« Quelle somme ! », s’exclama André Comte-Sponville. « Cette vie de Spinoza est sans doute la meilleure biographie qu’on puisse lire sur l’auteur de L’Éthique, la plus sérieuse, la plus fiable, la plus riche, la plus précise. Elle ne remplace évidemment pas la lecture des œuvres du philosophe ; mais elle l’éclaire et la rend, à bien des égards, encore plus émouvante. Mieux on connaît son époque et sa vie, mieux la singularité de Spinoza ressort.
Lui non plus n’était pas “un empire dans un empire”, c’est-à-dire une exception absolue : il n’était, comme n’importe qui et comme il le disait lui-même, “qu’une partie de la nature” et de la société où il vivait. Mais il n’en était pas moins exceptionnel, par le génie, par l’audace intellectuelle, et c’est ce que le travail monumental de Steven Nadler, en le situant dans son milieu et dans son temps, nous rend plus intelligible.
C’est une plongée, étourdissante d’érudition, dans ce qu’on appelle le “Siècle d’or des Pays-Bas” (Spinoza est le contemporain de Rembrandt, de Vermeer, de Huygens…), dans la communauté juive d’Amsterdam, dans les conflits politiques et religieux du XVIIesiècle, enfin dans l’aventure — à la fois héroïque et prudente — d’une vie de philosophe, ou plutôt de l’un d’entre eux, qui fut peut-être le plus grand de tous. »
En voici un extrait, inédit : “Cet ouvrage constitue la première biographie développée et complète de Spinoza jamais parue en langue anglaise. C’est aussi la première à être rédigée en quelque langue que ce soit depuis bien longtemps. Ont été publiées, bien sûr, de courtes étudesportant sur tel ou tel aspect de son existence et presque tous les livres consacrés à sa pensée philosophique commencent par une brève notice biographique. Mais la dernière tentative d’importance pour composer une «vie» complète de Spinoza fut celle de Jacob Freudenthal, Spinoza: Sein Leben und Seine Lehre, audébut du XXeme siècle. Cependant de nombreuses recherches portant sur l’histoire des juifs portugais d’Amsterdam et sur Spinoza lui-même ont été faites depuis que Freudenthal a publié sa précieuse étude. Grâce aux travaux considérables de chercheurs comme A. M.Vaz Dias, W.G. van der Tak, I.-S. Révah, WimKlever, Yosef Kaplan, Herman Prins Salomon, Jonathan Israël,Richard Popkin et des dizaines d’autres, suffisamment de matériaux ont été mis au jour au cours des soixante dernières années sur la vie et l’époque de Spinoza et, en particulier, sur la communauté juive d’Amsterdam, pour rendre quasiment obsolète toute biographie antérieure.
Il me faut ici reconnaître que, sans les efforts de ces chercheurs, ce livre n’aurait pu être écrit. J’espère seulement avoir fait un bon usage de leurs découvertes. Je tiens à mettre en garde le lecteur érudit: mon intention n’a pas été de rechercher et de présenter les multiples sources de lapensée de Spinoza, ni tous les penseurs et toutes les traditions qui ont pu l’influencer. Une vie entière ne suffirait pas pour accomplir une tâche aussi colossale. À divers moments, il m’a paru important — en fait, essentiel — d’examiner attentivement cequi semblait être l’évolution intellectuelle de Spinoza.
[…] La question qui s’inscrit au cœur de cette biographie est comment les divers aspects de la vie de Spinoza — son arrière-plan ethnique et social, son exil entre deux cultures aussi différentes que celle de la communauté juive portugaise d’Amsterdam et celle de la société hollandaise, son évolution intellectuelle et ses relations sociales et politiques — se sont conjugués pour produire l’un des penseurs les plus révolutionnaires de l’histoire. Mais il est une autre question d’ordre plus général qui me pas-sionne tout autant: que signifiait être philosophe et juif au siècle d’or aux Pays-Bas? Pour tenter d’apporter des réponses à cesquestions, la recherche doit commencer presque deux cents ans avant sa naissance dans une autre partie de l’Europe.”
Steven Nadler est professeur de philosophie à l’Université du Wisconsin à Madison. Spécialiste de la philosophie du XVIIe siècle, ses recherches se sont particulièrement concentrées sur Spinoza (1632-1677) auquel il a consacré de nombreux travaux pionniers, dont la présente biographie. Il est également l’auteur d’Un livre forgé en enfer (H&O, 2018), d’une bande dessinée (illustrée par Ben Nadler) sur l’histoire de la philosophie moderne intitulée Hérétiques ! (H&O, 2019) et d’un portrait de Descartes, Le philosophe, le prêtre et le peintre (Alma, 2015).
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