EN SÉANCE
Je ne me suis pas encore exprimée sur la série EN THÉRAPIE, qui cartonne en France, et que je regarde le jeudi sur Arte.
C’est un coup de poker, les séries de télévision.
Je le sais pour avoir été productrice de télévision.
Évidemment, il y a des recettes avec certains ingrédients… Selon le genre choisi, polar, drame psychologique… Etc…
Un personnage central fort, une histoire d’amour, un fond social ou politique, du suspense…
Mais la recette est réussie ou C’est un flop.
Là, le Docteur Dayan, au visage ouvert et aux origines juives, est bien incarné par un acteur de talent, ayant lui-même occupé, pendant des années, le divan d’un psy.
Mais, pourtant, dès le départ, il y a une ambiguïté qui me gêne car le titre l’indique bien… On est en thérapie, et non pas en séance de psychanalyse.
DAYAN est psychanalyste mais il parle, il se confie, il expose quelques concepts psy, et C’est peu courant.
Ceux et celles qui ont fait des cures s’entretiennent peu avec les autres de leur passage sur le divan, et de cette traversée du fantasme, sur une autre scène… Mais malgré tout, ils glissent quelques mots sur le silence du psychanalyste, sur ce transfert curieux…
Et là, les patients arrivent en retard, crient, interrogent le docteur Dayan sur sa vie, se lèvent, vont se laver le visage…
Alors, oui, ça me gêne parce que cette différence entre la monstration de séances présumées, d’une analyse avec la réalité, certes, variante d’un cabinet psy à l’autre, est évidente et entretient la confusion, dans la population, entre les statuts de psychologue, psychiatre, psychothérapeute, et psychanalyste.
C’est regrettable car un psychanalyste est à l’écoute du patient mais ne fait pas de thérapie dite de soutien.
Il amène le patient à être attentif à son inconscient, qui se manifeste dans les rêves, par les symptômes aussi… Ou dans les lapsus…
Nous, les psychanalystes, nous tenons à aider à la libération des peurs et désirs refoulés à cause de la censure, de la morale, et de l’éducation, donc du système symbolique, social.
Et par là, à permettre au patient d’entrevoir quelques bouts de sa vérité enfouie
Travail difficile, mais unique, une expérience exceptionnelle, qui a été comparée à une « compétition poétique »
Les mots prennent un sens autre, s’enrichissent et parviennent à un jardin aux multiples odeurs…
Le langage devient fleuri, polysémique et se rapproche de la langue, qui est le langage vrai, maternel, archaïque.
Freud et Lacan ont beaucoup insisté sur le fait que la psychanalyse n’est pas comme la psychologie cognitive, une thérapie comportementale, de soutien, où les symptômes peuvent sembler s’alléger, pour ressortir après, car la causalité n’est pas étudiée.
La psychanalyse n’est pas un dialogue, une conversation en face à face, comme semble le montrer cette série, qui heureusement, a pris le soin d’indiquer que c’est une fiction sur la THÉRAPIE.
Le vague du terme permet d’imaginer ce qu’elle montre, c’est-à-dire des personnages dans des situations bien délimitées à gros traits.
C’est du spectacle… On brosse la femme prise dans le piège de l’amour de transfert, le flic qui a voulu ignorer ses origines et le drame algérien y attenant, le couple qui semble illustrer la difficulté de la vie à deux, selon l’expression de Lacan… Il n’y a pas de rapport sexuel… Ou encore la pauvre gamine, traumatisée par un viol…
Des scénettes bien orchestrées semblant présenter l’échantillon du magasin du peuple psy…
Ici, il n’y a pas vraiment d’adéquat à la réalité plus variée, et subtile.
Cette série est adaptée d’une série israélienne…
Les israéliens sont très performants dans de nombreux domaines, y compris au cinéma et pour les séries télé.
La psychologie les intéresse, notamment pour le domaine post-traumatique, dans le contexte de tension avec les pays voisins, et le problème palestinien.
Par contre, pour en avoir discuté avec des collègues psychanalystes, la psychanalyse Freudo-lacanienne et est peu pratiquée
J’ai une amie qui a du mal à exercer sa pratique Freudo-lacanienne…
Je dois dire Qu’outre que cette série avec le Docteur Dayan est bien interprétée, assez bien dialoguée, avec les remarques ci-dessus qu’il s’agit de dialogues peu courants en psychanalyse où le psy est essentiellement à l’écoute de l’association libre et de la levée du refoulé, de l’interprétation donnée de la narration des rêves, Elle a le mérite d’avoir porté l’attention d’un important public sur la psychanalyse, bien qu’elle apparaît dans un costume autre, déguisée comme pour Pourim…
Pourquoi pas, elle n’en est que plus remarquée, avec le danger de la vulgarisation à outrance comme il a été constaté pour les concepts freudiens…
Cependant, donc, alors que la psychanalyse a été en ces derniers temps décriée, largement par une députée Lrem demandant la fermeture de certains cours universitaires, cette série arrive et jette la lumière sur cette discipline.
Je serais contente si cela permettait d’éviter la confusion entre la psychanalyse et la psychologie cognitivo-comportementale ou autres techniques emdr, hypnose, pln, qui sont des techniques de soutien, ne se basant pas sur l’étude réelle des causes symptomatiques, ni sur la découverte de l’inconscient, de sa logique, de la structure langagière de l’inconscient.
Il est temps d’agir, de bien instituer la différence entre notre discipline qui a été aussi révolutionnaire que la découverte que la terre était ronde Et ces techniques dites « thérapeutiques diverses et variées », Et également d’arriver à donner un statut aux psychanalystes non médecins permettant un remboursement des séances aux patients.
C’est le but que j’ai proposé de souligner dans une rencontre dans le THINK TANK DEVENIR, avec d’autres psychanalystes comme Gérard POMMIER, de la Fondation européenne de Psychanalyse et Claude LANDMAN, Roland CHEMAMA, de l’Association Lacanienne Internationale.
La crise sanitaire n’a pas permis la tenue d’une telle rencontre, reportée à une date ultérieure.
Sachez qu’un certain nombre d’entre nous sont sur Doctolib, et que moi-même, je viens de m’y inscrire.
Contactez-les…
Et distrayez-vous en regardant cette série fictionnelle…
© Dominique Itzkovitch
Psychanalyste, Politologue, Dominique Itzkovitch a créé le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.
Pour info: Dominique Itzkovitch est désormais sur DOCTOLIB
Il existe aussi une série québécoise du même nom “En thęrapie” copięe sur l’ęmission israelienne comme le dit le générique mais il y est dit que le “thęrapeute” est psychologue,absolument pas psychanalyste, qui intervient assez directement dans la vie de ses “patients”. Les” psy”comme les autres professionnels sont très règlementës au Canada, pas de confusion !