
Extrait de la semaine
Notre lutte de tous les jours contre l’antisémitisme actuel nous fait parfois oublier les données de base du problème. Dans la première série d’épisodes du « Manuel bleu » relayée par TJ, nous voulons vous armer de notions sans lesquelles toute discussion sera stérile ou purement polémique, plutôt qu’informative et éducative. La première question qui se pose à nous est purement historique. Pourquoi le peuple juif connaît-il un destin différent de celui des autres ? Et depuis quand ?
LE PEUPLE JUIF
Si le peuple juif occupe une place à part dans l’histoire, ce n’est pas du fait des persécutions qu’il a subies. Ni des tentatives de l’annihiler. Bien d’autres peuples ont affronté un sort tout aussi peu enviable. Mais aucun d’eux n’a eu le triste privilège d’être considéré comme le responsable de tous les maux qui frappent la terre. Ce qui a valu aux Juifs une telle « distinction » ne résulte toutefois ni du hasard, ni de la malchance. Mais d’un calcul stratégique.
- À l’époque du roi Saül selon la Bible, ou vers -1 500 selon les archéologues, les Israélites, un peuple de nomades réparti en douze tribus, se sédentarise en terre de Canaan, sur la côte est de la Méditerranée. Et y fonde le « royaume unifié d’Israël et de Judée », avec Jérusalem pour capitale. Durant le millénaire de souveraineté et de stabilité relative qui s’ensuit, rien ne permet de prévoir que la peuplade de cette petite contrée semi-désertique va connaître l’un des destins les plus tragiques de l’histoire.
- À Jérusalem, le roi Salomon fera bâtir un Temple pour y abriter l’Arche d’Alliance contenant, toujours selon la Bible, les Tables de la Loi données à Moïse au mont Sinaï.
Ce temple sera rasé une première fois par Nabuchodonosor II en -587 et les Israélites seront exilés à Babylone où ils consolideront leur foi en ce que l’on nommera plus tard le judaïsme. Reconstruit par la suite, le Temple de Jérusalem sera à nouveau détruit par l’empereur romain Titus, en l’an 70 de l’ère chrétienne. Et les Israélites exilés de leur terre. Jusqu’ici, leur sort, aussi amer soit-il, est celui de toute nation vaincue par Rome.
- Tout change lorsque, au IVe siècle, l’empereur Constantin se convertit au christianisme. Les Juifs se voient alors affublés d’une appellation qui sera lourde de conséquences : celle de « peuple déicide ». Sous-entendue dans certains passages du Nouveau Testament, cette accusation ne prend de poids qu’avec l’institutionnalisation de l’ecclésia, ou Église. Dans son Adversus Judaeos, Jean Chrysostome, archevêque de Constantinople à la fin du Ive siècle, décrète que les Juifs portent la culpabilité de leurs pères et sont donc collectivement responsables de la mort du Christ, fils de Dieu. C’est cette accusation de déicide qui va distinguer à jamais le peuple juif de tous les autres. Ainsi diabolisé, il va devenir la proie d’une incessante persécution religieuse qui atteindra son apogée dix siècles plus tard, avec l’Inquisition espagnole.
- Il est à noter que, durant cette même période, d’importantes communautés juives fleurissent à travers le monde arabe, dans l’empire ottoman, en Perse et jusqu’aux fins fonds de l’Asie et de l’Afrique. Elles ne subissent pas l’oppression systématique que connaissent subissent pas l’oppression systématique que connaissent leurs frères vivant au sein du monde catholique.
- Bien que souvent brimés, les Juifs contribuent à l’avancement des pays où ils résident dans des domaines aussi divers que l’art, la médecine, le commerce. Respectueux des us et coutumes locaux, ils ne représentent aucune menace. Fort de cette constatation, un pays chrétien va faire exception et offrir dès le Xe siècle un refuge aux Juifs d’Europe : la Pologne.
- Pendant de longs siècles, les Juifs seront martyrisés afin de «venger la mort du Christ». Et ce, pour la simple raison que cette diabolisation du Juif représente un précieux outil politique. Elle canalise la rancœur des classes opprimées et permet aux seigneurs et prêtres catholiques d’affermir leur pouvoir. Tant et si bien que la hantise des Juifs va dépasser le domaine religieux et qu’ils seront tenus pour responsables de la famine, la peste, et même des fluctuations de l’économie.
- Certains souverains éclairés permettront à des communautés juives de s’épanouir et de connaître de relatives accalmies. Mais il faudra attendre les Lumières et la Révolution de 1789 pour que soit entamé le processus d’émancipation des Juifs. Lequel va donner naissance à la Haskala, un mouvement juif prônant l’ouverture à la modernité et au progrès social. Petit à petit, les Juifs auront accès à des professions qui leur étaient auparavant interdites. Et accéderont aux droits civiques, dont celui de voter. Mais l’affaire Dreyfus, amorcée en 1894, menace soudain tous ces acquis. À cette même époque, une vague de pogroms sanglants déferle sur les Juifs de Russie et d’Europe de l’Est. Cette recrudescence soudaine de l’antisémitisme va donner naissance à l’idée de sionisme, c’est-à-dire de la création d’un foyer national juif ou État. Le premier congrès sioniste aura lieu à Bâle, en 1897.
- Contre toute attente, le XXe siècle, inauguré en 1900 par l’Exposition universelle de Paris sous le signe du progrès, sera le plus violent et cruel que l’humanité ait connu. Des dizaines de millions de victimes périront lors de deux guerres mondiales, mais aussi dans toutes sortes de soulèvements et conflits régionaux. C’est cependant le peuple juif qui paiera le prix le plus élevé de cette tourmente. En deux temps. De 1940 à 1945, le régime nazi commet le génocide le plus meurtrier de l’Histoire. Celui qui restera gravé dans la mémoire des hommes sous le nom de Shoah. Et au cours duquel périront plus de six millions de personnes, hommes, femmes, enfants, de par le seul fait d’être Juifs. Au lendemain de la création de l’État d’Israël (1948) et durant les années cinquante, un ultime fléau s’abat sur les Juifs. Sous l’égide du panarabisme, près d’un million d’entre eux seront expulsés des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du nord dans lesquels ils vivaient depuis des siècles.
- Actuellement, plusieurs courants prennent la relève des inquisiteurs et des croisés, des cosaques et des antidreyfusards. Et donnent tout lieu de s’inquiéter : la montée de l’intégrisme islamiste, le renouveau des partis d’extrême-droite, l’émergence d’un antisionisme bon ton, et un certain malaise de l’Europe.
- En dépit de l’arrachement à sa terre, de la dispersion de ses membres, des incessantes persécutions qu’il a endurées, le peuple juif a tenu bon. De nos jours, le nombre de Juifs dans le monde est sur le point de revenir à celui d’avant la Shoah, soit 16 millions. Du point de vue historique, le caractère le plus frappant de ce peuple est donc sa résilience.
Mais à quoi doit-il cette étonnante capacité de survie ? Réponse dans le prochain épisode consacré au Judaïsme et à ce qu’être juif signifie.
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Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, Raphaël Jerusalmy a fait carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens avant de mener des actions humanitaires puis de devenir Marchand de Livres anciens à Tel-Aviv. Il est aujourd’hui écrivain, auteur de plusieurs romans publiés chez Acte Sud. Il est également expert sur la chaîne de télévision i24news.